Comprendre le
concept d’identité en orientation
Le thème de l’identité a
fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques à travers les années.
Celles-ci ont été menées par bien des auteurs et les champs d’études sur ce
thème abondent tout autant (psychologie, sociologie, carriérologie, culture,
religion, sexualité, philosophie, psychiatrie, histoire, etc.). D’ailleurs, la
nature de ce concept est tout aussi variée puisqu’il existe plusieurs
types d’identités: identité personnelle (à laquelle nous nous attarderons
davantage dans le cadre de cet essai), sociale, groupale, ethnique,
professionnelle, sexuelle, générationnelle, nationale, et plus encore.
S’il y a aujourd’hui
autant de définitions et de reformulations de ce concept qu’il y a de personnes
qui s’y sont intéressé, c’est sûrement car les théoriciens ont du mal à
s’entendre quant aux processus de base impliqués dans le développement
identitaire. Malgré tous ces efforts pour définir ce concept, celui-ci demeure
pour plusieurs encore bien flou et complexe, malgré sa grande popularité depuis
les dernières décennies. D’ailleurs, tel que le souligne Kaufmann (2009) :
« Le mot identité se retrouve partout, c’est une espèce de mot valise dans
lequel chacun met son propre contenu. Il est important de définir ce que l’on
comprend derrière ce terme, ce qui nous amène à cette interrogation :
l’identité, qu’est-ce que c’est ? » (p.55) D’abord, Pierre Tap (1979),
professeur en psychologie sociale et reconnu comme un spécialiste de la
concision, a défini ce concept comme étant :
un système de sentiments et de représentations de soi,
c'est-à-dire à l’ensemble des caractéristiques
physiques, psychologiques, morales, juridiques, sociales et culturelles à
partir desquelles la personne peut se définir, se présenter, se connaître et se
faire connaître, ou à partir desquelles autrui peut la définir, la situer ou la
reconnaître. (p.8)
L’identité est ce qui
permet de se définir et de se distinguer des autres par notre unicité et par
nos attributs caractéristiques propres à travers le temps. C’est le sentiment
d’être le même, malgré les changements auxquels nous faisons face. En effet,
Erikson (1968) décrit l’identité personnelle comme « le sentiment de similitude
avec soi-même et de continuité existentielle (se sentir « le même » dans
différents contextes et dans le temps). » (Erikson, cité par Barbot, 2008, p.1)
Ainsi, l’individu souhaite parvenir à une identité claire pour lui-même et aux
yeux des autres qui soit immuable dans le temps et qui reste la même dans les
différentes sphères de sa vie. De plus, l’identité personnelle peut être
définie comme « l’ensemble des buts, des valeurs et des croyances que
l’individu donne à voir (par exemple, ses projets professionnels), ainsi que de
tout ce qui constitue sa particularité individuelle par rapport aux autres. »
(Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.4) En d’autres mots, l’identité, c’est ce
qui permet de se reconnaître et de se faire reconnaître. C’est donc le fait
qu’une personne conserve une perception identique à elle-même, malgré des
contextes changeants et son développement à travers les années. L’identité personnelle découle donc d’un
besoin de se distinguer des autres tout en restant reconnu par les autres.
(Barbot, 2008)
Il est primordial de
s’attarder ainsi aux définitions d’Erikson, puisqu’il est considéré par la
communauté scientifique comme le précurseur d’une théorie du concept de
l’identité liée à la psychologie du développement. Plusieurs auteurs lui ont
succédé et se sont appuyés sur sa théorie afin de poursuivre les recherches sur
ce concept. Erikson a soulevé bien des aspects importants dans sa théorie de
l’identité, toutefois le concept d’identité
personnelle a reçu une attention particulière. Tel que mentionné
précédemment, ce concept sera retenu ici puisqu’il est tout à fait à propos
lorsque l’on parle d’intervention sur l’identité de la personne en contexte
d’orientation.
D’après des propos
rapportés par Barbot (2008), les auteurs Grotevant et Cooper se sont intéressés
à l’identité personnelle et l’ont décrite comme étant un « équilibre entre
l’individualité et la relation. » (p.2) En effet, l’identité est souvent articulée
comme un système dynamique et dialectique entre le sentiment d’être une
personne unique et distincte et le sentiment d’être reconnu par les autres.
(Barbot, 2008) Ainsi, sans les autres, on ne peut se définir, puisque
l’identité est souvent abordée comme étant fondamentalement relationnelle.
Il est donc possible de
percevoir des éléments qui reviennent au sein de ces différentes définitions.
Or, à la lumière des nombreuses lectures effectuées sur le sujet de l’identité,
certaines caractéristiques fondamentales et quasi communes à l’ensemble des
définitions sur la conception identitaire seront soulevées subséquemment.
Ainsi, cette section a pour objectif de définir diverses composantes de
l’identité afin d’en saisir l’essence même et de permettre une meilleure
compréhension du concept. Par la suite, certains rapprochements et distinctions
seront effectués au regard de trois concepts souvent associés, soit l’identité,
le soi et la personnalité. Trois phases de la vie (enfance, adolescence, âge
adulte) seront ensuite abordées dans le but de saisir que le développement de
l’identité est présent tout au long de l’existence. Différentes modélisations
seront ensuite exposées afin d’obtenir les points de vue de certains auteurs
quant au développement identitaire. Enfin, des liens entre l’identité et
l’orientation seront effectués.
Les composantes de l’identité personnelle
en termes de sentiments d’identité
Tout
d’abord, l’identité personnelle possède deux significations, d’une part
objective et d’autre part subjective. L’identité objective peut être considérée
comme la plus évidente puisqu’il s’agit de celle qui acquiesce la différence de
chacun par son patrimoine génétique, c’est donc le caractère héréditaire et
l’historique de la personne. (Marc, 2009)
C’est aussi celle que l’on remarque le plus entre autre par le biais des
traits de personnalité, de caractères, d’attitudes, etc. D’ordre plus complexe,
l’identité subjective serait plutôt associée à l’expérience de soi et renvoie à
cette définition de Mucchielli (1986) qui précise que l’identité est
caractérisée par « un ensemble de critères de définition d’un sujet et un
sentiment interne [nommé sentiment d’identité] composé de différents
sentiments : sentiment d’unité, de cohérence, d’appartenance, de valeur,
d’autonomie et de confiance autour d’une volonté d’exister ». (p.5) Cette
définition englobe des caractéristiques de l’identité non seulement soulevées
par Mucchielli, mais qui sont également communes à différentes définitions de
l’identité personnelle. En effet, ce sont des points d’ancrage présents dans
chacune d’elles, seules les terminologies peuvent toutefois différées d’un
auteur à l’autre.
Tout d’abord, les sentiments d’unité et de cohérence
reposent sur la structure cognitive de la personne, considérée par Mucchielli
(1986) comme le noyau identitaire individuel. Cette structure cognitive est
consécutive aux différentes expériences vécues par le sujet. Ces expériences
affectives, relationnelles et intellectuelles engendrent des activités
cognitives chez l’individu lui permettant d’organiser l’ensemble de
l’information reçue sous formes de sensations, de sentiments, d’émotions, de
pensées, de réflexions, etc. qui sont transformés en savoirs se rapportant à
son système cognitif qui est source du sentiment d’identité personnelle.
(Mucchielli, 1986) Tap (2009) définit ces sentiments comme « la représentation
plus ou moins structurée, plus ou moins stable que j’ai de moi-même et que les
autres se font de moi. Je me comporte selon un certain style, ce qui renvoie à
l’idée d’unité, de cohérence du moi. » (p.55) En simple, c’est ce qui permet à
une personne de dire « Je suis moi ». Ensuite, les sentiments de différence et
d’unicité renvoient à l’idée qu’un sujet se veut et se perçoit comme un être
unique et distinct d’autrui. C’est donc un sentiment de singularité permettant
à un individu d’affirmer qu’il est différent des autres. Mucchielli (1986) a
d’ailleurs fait mention que « Le sentiment de différence est essentiel à
la prise de conscience de son identité. » (p.54)
Comme
toute personne grandit et évolue dans un environnement social donné, celle-ci
développe un sentiment d’appartenance qui résulte de l’intégration des normes,
valeurs et modèles sociaux présents dans ce milieu. C’est entre autre ce qui
permet à cette personne de parler au « nous ». D’ailleurs, le sentiment
d’appartenir à un groupe est lié étroitement au sentiment d’autonomie, puisque
selon Mucchielli (1986), une personne affirmera son identité personnelle
seulement si elle se sent membre d’un groupe tout en étant autonome par rapport
à celui-ci en termes de pensées et de décisions par exemple. Quant au sentiment
de confiance, il s'acquière dans la relation à l'autre. (Mucchielli, 1986)
D’après Tap (2009), « lorsqu’une personne se sent en sécurité au sein d’un
groupe, elle a plutôt tendance à s’affirmer dans sa singularité. Inversement,
en situations de conflit, elle accentue le besoin de ressembler aux autres, de
fusionner, de se référer au groupe. » (p.57) Le sentiment de confiance renforce
celui d’appartenance puisqu’il permet au sujet de participer à la vie commune
et donc de se développer à travers cette participation.
Comme il le sera démontré ultérieurement, l’identité se
modifie tout au long de l’existence. Malgré cela, le sentiment de continuité
est ressenti chez le sujet comme le sentiment profond d’être toujours le même,
dans l’espace et dans le temps. En effet, malgré les différentes expériences
vécues et les nombreux changements qui surviennent au fil du temps, le
sentiment de continuité qu’éprouve une personne lui permet de demeurer
semblable à elle-même, de se reconnaître et de se faire reconnaître par autrui.
C’est donc ce qui permet à un individu de dire « Je suis toujours la même
personne » et ce qui permet à son entourage de mentionner « Je te reconnais
bien ». Chauvier, professeur de philosophie à l’Université de Caen, a
soulevé ces propos permettant de saisir davantage le concept de continuité :
Si toutes les cellules
qui constituent un être vivant se régénèrent au cours de sa vie, comment
peut-on dire que l’être vivant qui figure au terme de ce processus est le même
que celui du départ ? Résoudre ce problème général de l’identité «
transtemporelle » des choses changeantes, c’est déterminer ce qui constitue
l’essence individuelle de la chose, ce qu’elle ne peut pas cesser d’être sans
cesser d’être la chose singulière qu’elle est. C’est cette essence individuelle
ou haecceité que l’on vise quand on
est en quête de son « identité » : notre identité en ce sens, c’est notre
haecceité, ce que nous sommes essentiellement et singulièrement et qui, pour
cette raison, doit rester identique au travers des changements que nous
subissons pour que nous restions la même personne. (2009, p.20)
Quant à lui, le sentiment de valeur engendre le désir
d’identité et prend sa source dans le regard d’autrui. Cette caractéristique «
est associée à la nécessaire vision positive de soi (estime de soi). » (Tap,
2009, p.56) En conséquence, le sujet
cherche à se faire valoir aux yeux des personnes qu’il considère importantes
pour lui, ce qui provoque le sentiment d’existence, par lequel une personne
donne du sens à sa vie, à travers ses différentes intentions et projets
d’avenir. (Mucchielli, 1986) D’ailleurs, « l’identité renvoie alors à l’idée de
la réalisation de soi par l’action, « du devenir soi-même » à travers des
activités (faire et, en faisant, « se faire »). » (Tap, 2009, p.56) En effet,
celui-ci a soulevé le fait qu’une personne est définie par ce qu’elle fait.
Les
concepts d’identité, de soi et de personnalité sont souvent associés et avec
raison. Effectivement, ce sont des notions très proches les unes les
autres, elles sont ardues à définir et sont souvent employées comme synonymes
d’après Bégin, Bleau et Landry (2000) :
Le concept
d’identité, que certains appellent parfois le soi (self) ou le moi (ego), que
d’autres appellent personnalité, caractère ou concept de soi, n’est pas un
concept facile à définir. Erikson (1968) reconnaît lui-même qu’il désigne
plusieurs choses. Même si le concept recouvre plusieurs notions, on peut
définir l’identité ainsi : le caractère de ce qui demeure identique à soi-même, le sentiment que
ressent la personne d’être la même,
la conscience de son individualité. On peut aussi définir l’identité de la
personne en disant que c’est le sentiment de se sentir unifié et non
compartimenté. » (p.28)
Force est de constater qu’il y a plus qu’une définition
du concept de l’identité, mais ce qui revient toujours, c’est le sentiment
d’être soi-même, d’être unique et donc différent des autres. Il n’y a pas deux
personnes qui soient pareilles au plan identitaire tout comme c’est le cas au
plan de la personnalité. Il est donc possible d’affirmer que la personnalité
d’une personne la rend aussi unique et lui permet de se distinguer des autres.
La personnalité peut être définie comme « une structure organisée, stable dans
le temps et cohérente du rapport au monde d’un individu » (Alexandre-Bailly et
al., 2009, p.8) ou encore comme « l’ensemble organisé, et non simplement
aggloméré, des caractéristiques psychiques de chaque être humain, perçu comme
une totalité. » (Bouchard et Gingras, 2007, p.1) Ainsi, malgré qu’elle ne soit
jamais achevée, la personnalité tout comme l’identité, s’avère un concept
constant dans le temps, c'est-à-dire qu’à travers les changements qui
surviennent chez l’individu, celui-ci sera toujours en mesure de se reconnaître
et de se faire reconnaître par les autres. D’ailleurs, l’identité tout comme la
personnalité a une part d’inné et d’acquis génétique et se construit à travers
l’environnement social et les diverses expériences vécues.
Or, selon Alexandre-Bailly et al. (2009), « L’identité est un
concept distinct de celui de la personnalité dans la mesure où il n’est pas
utilisé dans les mêmes circonstances. » (p. 8) Selon eux, la personnalité
permettrait aux autres de reconnaître les caractéristiques de l’individu alors
que l’identité, pour sa part, est ce qui permet à l’individu lui-même de se
définir et de se reconnaître. (Alexandre-Bailly et al., 2009) En d’autres mots,
cela revient à dire que la personne se définit et de se reconnait une identité
et que les autres reconnaissent pour leur part la personnalité de cette
personne. Ils ont un regard extérieur à la personne contrairement à cette
dernière qui a un regard intérieur à elle-même. Pour cette personne, son
identité est le « rapport [qu’elle] entretient […] avec elle-même au cours de
son existence. » (Keucheyan, 2002, p.263)
La définition suivante de la personnalité de Salvador
Maddi et reprise par Alexandre-Bailly et al. (2009) s’avère davantage
explicite : « vue de l’extérieur, la personnalité est un ensemble de
caractéristiques et de tendances qui détermine les points communs et les
différences du comportement psychologique – pensées, sentiments et actions – des
gens…» (p.11) Pour sa part, l’identité est constituée d’un ensemble d’éléments,
tels que des éléments corporels, biologiques et physiologiques, des éléments
culturels historiques (ex. : origines, motivation, valeurs, intérêts) et
des éléments cognitifs multiples (ex. : compétences, aptitudes,
connaissance). (Alexandre-Bailly et al., 2009) Enfin, Bégin, Bleau et Landry
(2009) ont affirmé que « L’identité [est] définie comme le concept stable de
ses buts, intérêts et aptitudes. » (p.28)
Quant au soi par rapport à l’identité, il est possible de
rapprocher ces deux concepts par cette affirmation du Laboratoire de recherche
sur le soi et l’identité de l’Université du Québec à Montréal (2012) :
Le soi est une
structure cognitive multidimensionnelle qui englobe différentes dimensions
inter-reliées contenant chacune des renseignements sur qui nous sommes.
Concrètement, le soi réfère à notre réponse à la question : ‘Qui suis-je ?’.
Les identités sont des parties plus spécifiques du soi, qui peuvent référer à
ce qui nous caractérise personnellement (identité personnelle), mais qui
découlent aussi de notre appartenance à des groupes sociaux (identités
sociales).(http://www.lrsi.uqam.ca/fr/recherche/themes-generaux-etudies.html)
Ainsi,
ces deux notions ne sont pas séparées l’une de l’autre, mais sont plutôt
conjointes. En effet, les différentes identités d’une personne (identité
personnelle, identité sociale, identité culturelle, etc.) sont considérées
comme des morceaux de casse-tête constituant le soi.
Les recherches sur
l’identité font souvent mention d’une période charnière où son développement
est à son apogée, c'est-à-dire celle de l’adolescence. D’après Christine
Cannard (2010), le mot adolescence vient du mot latin adolescentia signifiant « grandir vers » et « croître ». Selon
L’Écuyer (1978), l’adolescence se situe approximativement entre 10 et 18 ans et
est une période dite de reformulation et de différenciation du soi. (St-Louis
et Vigneault, 1984) D’ailleurs, « À la puberté, la conscience de soi
s’approfondit. L’adolescent « se cherche » et fait l’essai de ses potentialités
». (Mucchielli, 1986, p.37) Ainsi, il
est possible d’observer chez les adolescents, plusieurs variations entre autre
dans leurs perceptions de soi.
Certains auteurs font de
l’identité la grande affaire de
l’adolescence, puisqu’il s’agit d’une étape de vie marquée par une multitude de
changements et par la quête d’une identité propre à soi. Les changements
physiques et physiologiques liés à la puberté par exemple, sont généralement
mis de l’avant puisqu’ils sont les premiers signes biologiques de l’entrée dans
l’adolescence. Toutefois, les changements liés au développement de soi passent
souvent un peu plus inaperçus ou bien sont définis par l’expression « crise
d’adolescence » qui revêt souvent une connotation négative. Cette crise est
néanmoins nécessaire à la redéfinition des rôles de l’adolescent ainsi qu’à sa
quête d’indépendance et d’autonomie. En effet,
C’est ainsi que le jeune adolescent qui, au cours de
son enfance, avait construit son image de lui-même en se référant aux standards
de son milieu culturel et qui, dans le contexte traditionnel, pouvait
poursuivre son développement en continuant de s’y conformer, s’est vu confronté
à une tâche nouvelle et difficile : celle de se redéfinir à partir des
aspects nouveaux de sa personnalité mis en lumière par la poussée pubertaire
[…] il a tâtonné à la recherche de nouveaux modèles plus conformes à ses
aspirations. […] Il a connu un état de crise parce qu’il a dû quitter une
identité empruntée…(Artaud, 1985, p.9-10)
Malgré que le
développement de l’identité soit souvent associé à l’adolescence, il a été
reconnu par plusieurs comme étant présent tout au long de la vie. Luc Bégin a
d’ailleurs fait mention que « l’identité commence à se façonner très tôt dans
la vie, voire avant l’entrée au primaire » (Bégin, 2001, p.210), tout comme
Erikson reconnaît que l’identité est en développement toute la vie durant. En
effet, l’identité n’apparaît pas du jour au lendemain à l’adolescence comme les
premiers signes de la puberté par exemple. Elle résulte plutôt d’une «
construction progressive dont les fondements se situent dans les toutes
premières années de la vie. » (Marc, 2009, p.29)
Dans ses premiers mois
d’existence, l’enfant n’est pas conscient de son identité, puisqu’il n’a pas
encore la conscience de soi. Avant l’âge d’un ou deux ans, l’enfant qui se
regarde dans un miroir ne reconnaîtra pas l’image de lui-même qui lui sera
projetée. Il se reconnaîtra seulement lorsqu’il se percevra comme objet dans
l’espace et qu’il sera en mesure d’incorporer ce reflet en le faisant
correspondre aux ressentis intérieurs à lui-même. C’est lors de cette
reconnaissance que l’enfant commencera à employer le « je » dans son discours.
Cela est donc un signe que celui-ci ressent un sentiment d’identité. (Marc,
2009) D’ailleurs, la prise de conscience des sensations chez l’enfant âgé entre
six mois et deux ans lui permet aussi d’assimiler la conception de permanence
de l’objet. Ainsi, ce phénomène serait le fondement de l’identité, car l’enfant
comprend par exemple que même s’il ne voit pas sa mère parce qu’elle est partie
faire des courses ou parce qu’elle est dans la pièce adjacente, elle existe
tout de même.
À l’âge de trois ans,
l’enfant commence à prendre conscience et à se reconnaître comme une personne
distincte des autres. On ne peut renier le rôle des interactions d’abord avec
son milieu familial et ensuite avec un entourage plus élargi dans la
constitution de l’identité. En effet, le
développement identitaire n’est pas qu’un processus interne au sujet. Dès les
premiers temps de la vie, le nourrisson prend conscience graduellement de son
corps et construit une conscience stable de lui-même surtout grâce à la
relation affective avec sa mère et toute l’attention qu’il recevra. Les
sourires sont d’ailleurs une façon pour le bébé de répondre aux stimulations de
son entourage. Une seconde manière bien connue est la phase du « non » qui
débute lorsque l’enfant est âgé d’environ deux ans, phase agaçante pour les
parents, mais essentielle puisque l’opposition est une façon de s’affirmer, de
se différencier des parents et de se percevoir comme être autonome. (Marc,
2009)
Dans le processus de
développement de l’identité chez l’enfant, l’identification détient aussi un
rôle important. Effectivement, elle est « l’un des mécanismes fondamentaux de
la dynamique identitaire : identification aux images des parents, des
frères et sœurs, des camarades; aux idéaux et aux modèles de la famille et de
la culture. » (Marc, 2009, p.32) Il
n’est pas rare d’entendre un enfant dire qu’il exercera le même métier que son
père ou encore de voir un enfant imiter les gestes de ses parents. L’identification
passe aussi par les normes et les modèles d’abord transmis par les parents,
mais par la suite par l’école sans oublier par les médias tels que la
télévision et Internet. D’ailleurs, l’école et les relations qu’il y développe permettent
à l’enfant d’apprendre à reconnaître ses différents rôles, les différences
sociales et conséquemment celui-ci prend peu à peu conscience qu’il fait partie
de divers groupes d’appartenance. Dès lors, tel que le « je » est apparu, le «
nous » surgira, d’où l’importance des interactions sociales dans la construction
de l’identité car « autrui est, aux différentes étapes de la vie, un miroir
dont chacun a besoin pour se reconnaître lui-même ». (Marc, 2009, p.33) De
plus, les relations parent-enfant ainsi que les relations maître-élève
permettent aux jeunes de se développer au plan personnel, puisqu’il s’agit
souvent de relations dites formatives.
En effet, la relation parent-enfant permet que « l’enfant se développe, [qu’il]
commence à développer son intelligence, à construire son identité ainsi que
divers autres éléments de sa personnalité. » (Bégin, Bleau et Landry, 2000,
p.39) Par exemple, lorsqu’un parent demande à son enfant de partager son jouet
avec un ami en lui soulignant l’importance du partage, il forme alors son
enfant. Qui plus est, la relation maître-enfant (enseignant, instructeur,
entraîneur, animateur, etc.) est formative lorsqu’elle concerne par exemple «
la façon dont l’élève apprend, de l’effort que ce dernier fournit, de son
engagement, de sa conception de la matière, cela sans pour autant mettre de
côté le contenu, les connaissances à transmettre. » (Bégin, Bleau et Landry,
2000, p.40)
Dans un même ordre
d’idées, la construction de l’identité présente à l’enfance et à l’adolescence
se poursuit aussi à l’âge adulte. Il est toutefois nécessaire de préciser
qu’autrefois, il était plus facile de délimiter cette période de vie par des
évènements tels que la fin des études et l’entrée sur le marché du travail, le
mariage et le départ du nid familial.
À partir du moment où l’adolescence a cessé d’être un
moment rapide d’initiation à un mode d’existence adulte aux contours bien
définis par une culture, à partir du moment où, en raison de l’évolution des
structures sociales, on a vu le temps se déployer entre la fin de l’enfance à
l’insertion dans la société adulte, un certain nombre de comportements nouveaux
sont apparus chez les jeunes…(Artaud, 1985, p.9)
Les rites de passage vers
l’âge adulte d’autrefois ne tiennent plus et dire que l’adolescence s’étire
jusqu’à ce qu’un de ces évènements surviennent ne peut être simplement
considéré. En effet, les jeunes demeurent de plus en plus longtemps chez leurs
parents, ils étudient souvent plusieurs années après leur majorité, ils quittent
le nid familial et y reviennent quelques années plus tard, etc. Ainsi, ces jeunes
âgés entre 18 et 25 ans qui étaient auparavant, peut-on dire, classés dans la
catégorie adulte dus aux référents
institutionnels précédemment nommés, font de nos jours parties de la catégorie
qu’Arnett (2000) nomme Âge adulte
émergeant. Cette catégorie « se distingue à la fois de l’adolescence
et de l’âge adulte par cinq caractéristiques spécifiques : l’exploration
identitaire, l’instabilité, l’entre-deux, les possibilités et l’égocentrisme. »
(Moulin, 2012, p.2) Ainsi, l’accession à l’âge adulte est aujourd’hui difficilement
repérable dans le temps. Nonobstant, ce qui importe ici n’est pas d’obtenir une
définition de l’âge adulte, mais bien de savoir que l’identité d’un adulte
n’est pas contrainte à la stabilité. Comme l’identité est sujette à travers le temps à toutes
sortes de changements pouvant survenir dans la vie de chacun et que ceux-ci
peuvent engendrer des modifications au sein de la conscience de soi, il serait
donc faux de dire qu’un adulte a une identité achevée. (Marc, p.34)
Plusieurs facteurs
sociaux peuvent produire des changements de rôle ou de statut pouvant entraîner
ces modifications de la conscience de soi : un changement de carrière, une
perte d’emploi, un ou une nouvelle conjointe, le mariage, la naissance d’un
enfant, un divorce, le décès d’un proche, un retour aux études, la maladie, un
échec, une réussite, etc. Selon Marc (2009), ces facteurs peuvent « [provoquer]
quelquefois une véritable crise de l’identité, jusqu’à bouleverser totalement
la perception de soi du sujet. Ainsi, la construction identitaire apparaît bien
comme un processus dynamique, marqué par des ruptures et des crises, inachevé
et toujours repris. » (p.35) D’ailleurs, bien associée à la période de
l’adolescence, la notion de crise peut aussi être liée à l’âge adulte puisque
dans le langage commun, on parle aussi de crises de la trentaine, de la quarantaine
ou de la cinquantaine par exemple, pouvant entre autre être associées chez la
femme à la ménopause et chez l’homme à l’andropause, dus aux changements
physiques et physiologiques qui en suivent. (Marc, 2009)
Enfin, « dans les
sociétés occidentales, le travail –
au sens large – est un facteur déterminant dans le développement, […] car il
contribue à la socialisation et au sentiment de participer activement au
fonctionnement de la société. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.7) Or, une
phase importante dans la vie d’un individu est sans doute le départ à la
retraite. En effet, la transition du travail à la retraite peut engendrer des
remaniements de l’identité. La personne se retirant du marché du travail, corps
social important qui lui a permis de se forger une identité professionnelle
(Pointenaud et al., 1987), son image de soi se verra touchée par cette perte
d’identité associée à la carrière. Traversée sans préparation, cette transition
vers la retraite peut être vécue difficilement et peut provoquer une crise
identitaire, puisque la perte d’un statut social peut agir sur le sentiment que
la personne a d’elle-même, mais aussi sur la perception que les autres s’en
feront par la suite. (Marc, 2009)
En somme, l’identité est
un processus en marche tout au long de l’existence. Chacune des périodes
comportent des réalités différentes permettant à la personne de construire son
identité. Malgré que la conscience de soi puisse se stabiliser à une certaine
période de la vie, le sentiment d’identité n’en est pas moins figé dans le
temps et dans l’espace, puisqu’ « il évolue selon les âges, en fonction des
évènements de la vie et des traumatismes […] en fonction des sociétaux. »
(Roucoules, 2009, p.12) Ces propos de Samson (2011) permettent d’ailleurs
d’effectuer une synthèse de ce qui a été soulevé précédemment :
De l’enfance à l’âge adulte, en passant par
l’adolescence, le sujet se forge en tant qu’individu, en tant que sujet
individué intégré dans son monde. Cette identité, appelée à se modeler pendant
toute une vie, commence à s’établir à l’adolescence. L’adolescent est l’artisan
de son être. Ainsi, un être bien identifié sera constant dans ses pensées, ses
actions et ses passions, il acquerra une temporalité qui lui permettra de
s’analyser et de porter un jugement sur lui-même, et finalement de bien
s’intégrer dans la société. (p.27)
Modélisations du développement identitaire
Tel que mentionné antérieurement, le
concept d’identité, depuis des décennies, a fait l’objet de plusieurs études où
travaux empiriques, approches et théories en ont jaillis. En effet, bon nombre
de théoriciens se sont intéressés à ce concept et ont développé des modèles qui
expliquent leur vision de comment se construit l’identité chez un individu. Les
deux premiers modèles, issus de la perspective développementale[2] de
l’identité, ne peuvent être laissés de côté de par leur impact sur les travaux
qui en ont découlés par la suite. Erikson, malgré qu’il n’ait été le premier à
parler d’identité, demeure toutefois un pionnier quant aux apports théoriques
sur l’identité en psychologie individuelle. (Cohen-Scali et Guichard, 2008b)
Quant à James Marcia, il a entre autre voulu vérifier de façon empirique les
travaux d’Erikson et a donc poursuivi ses recherches dans un but
d’opérationnalisation des concepts théoriques de son prédécesseur. Le modèle de
Marcia ayant suscité l’intérêt de bien des théoriciens, les modèles de trois de
ses successeurs seront abordés, soit celui de Grotevant, Luycks et ses
collègues, ainsi que celui de Waterman. Ensuite, la modélisation relationnelle
des systèmes dynamiques de Breakwell sera expliquée. Ce théoricien désirant que
son modèle ait sa place au sein de la perspective développementale, cette
association demeure toutefois à être confirmée. (Kunnen et Bosma, 2006) Par la
suite, les travaux de Dubar, issus de la perspective contextuelle[3],
seront brièvement expliqués. Enfin, la théorie psychogénétique de l’identité de
Bégin issue de la perspective cognitive[4]
sera soulevée. Ainsi, sans prétention d’exhaustivité, la présente section a
pour objectif de décrire différentes modélisations afin de permettre une
meilleure compréhension de la façon dont une personne se développe au plan
identitaire.
Précédemment, la notion d’identité
personnelle d’Erikson a été soulevée comme étant importante au sein de sa
théorie. Un second concept de l’identité qui a tout autant attiré l’attention de
la communauté scientifique est de concevoir le développement épigénétique comme
un processus étant à la fois continu, dialectique et dynamique. En effet, selon
cet auteur, c’est en franchissant huit stades[5]
dichotomiques qu’un individu développe son identité tout au long de sa vie,
puisqu’il y traverse des crises[6] psychosociales provoquées par les
interactions qu’il vit entre son Moi
et son environnement social à chacun de ces stades. Donc, ce principe atteste
que « Tout être qui grandit le fait en vertu d’un plan fondamental dont
émergent, chacune à son moment spécifique, les diverses parties, jusqu’à ce
qu’elles soient capables de fonctionner comme un tout. » (Erikson, 1972,
pp. 94-95) Ainsi, la
manière dont il franchira ces diverses étapes données d’avance aura un impact
sur le façonnement de son identité.
Le tableau présenté à la
page suivante illustre les stades du développement psychosocial selon Erikson,
mais tout d’abord, il est pertinent d’expliquer comment lire et comprendre ce
tableau. Selon cet auteur :
La diagonale analyse le déploiement ontologique des
composantes principales de la vitalité psychosociale. […] À la verticale allant
de l’enfance jusqu’à l’identité, il s’agit des contributions spécifiques que
les stades antérieurs ont apportées directement au développement de l’identité.
[…] Sur l’horizontal de la carte, […] les divers symptômes partiels de la
confusion d’identité (en lien avec le stade où se produit la régression).
(Erikson, 1968, pp.188-190)
Tableau 2 : Les stades du développement psychosocial
d’Erik Erikson
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Intégrité versus Désespoir
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Générativité versus Stagnation
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Intimité versus Isolement
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Perspective temporelle versus confusion du temps
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Certitude de soi
versus conscience de soi
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Expérimentation des rôles versus fixation des rôles
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Apprentissage versus inhibition au travail
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IDENTITÉ
VERSUS
CONFUSION
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Polarisation sexuelle versus confusion bisexuelle
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Direction et compagnonnage versus confusion
d’autorité
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Engagement idéologique versus confusion des valeurs
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Industrie versus Infériorité
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Identification à la tâche versus sentiment de
futilité
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Initiative versus Culpabilité
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Anticipation des rôles versus inhibition des rôles
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Autonomie versus Honte/doute
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Volonté d’être soi versus doute de soi
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Confiance versus Méfiance
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Acceptation réciproque versus Isolement autistique
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Source :
Adolescence et crise (Erikson, 1972, p.97)
Fortement teintés des conceptions de
Freud, les quatre premiers stades correspondent aux stades de l’organisation de
la libido de ce théoricien (oral, anal, phallique, latence) et sont donc
traversés durant l’enfance. Selon Cohen-Scali et Guichard (2008b), « Erikson
met l’accent, [pour chaque période] d’une part, sur les interactions qui s’y
déroulent et, d’autre part, sur les sentiments identitaires que l’enfant y
élabore. » (p.5)
À l’adolescence, un
individu devrait déjà avoir traversé quatre stades qui lui auront permis de
cristalliser et d’intégrer divers éléments identitaires jouant un rôle dans la
formation de son identité. En effet :
§ En
conséquence du premier stade (confiance versus méfiance), l’adolescent cherche
des personnes à qui donner sa confiance, recherche des idéaux nobles; il
redoute les engagements à la légère. (Erikson, 1972)
§ Conséquemment
au deuxième stade (autonomie versus honte/doute), « L’adolescent recherchera
l’occasion favorable pour décider en plein accord, avec soi, sur laquelle des
avenues disponibles et indispensables il s’engagera. » (Erikson, 1972, p.134)
§ En
résultante du troisième stade (initiative versus culpabilité), l’adolescent « a
une imagination illimitée quant à ce qu’il pourrait devenir ». (Erikson, 1972,
p.134)
§ Finalement,
en conséquence du quatrième stade (industrie versus infériorité), l’adolescent
cherchera avant tout à accomplir, à faire fonctionner quelque chose d’une façon
qui lui est unique. Aussi, dans le choix d’une profession, c’est ce qui sera
prépondérant et, non pas le statut ou la rémunération. (Erikson, 1972)
Ainsi, selon Cohen-Scali
et Guichard (2008b), les quatre premiers stades permettent l’intégration
d’éléments identitaires qui seront cristallisés à l’adolescence et qui
formeront chez l’individu une cohérence interne qui lui est propre. Ces auteurs
ont d’ailleurs mentionné que « La confiance acquise au cours des stades
précédents en son identité, en sa valeur sociale et en sa continuité,
conditionne l’accès à une identité
assumée du moi et permet l’accomplissement
de la promesse tangible d’une carrière. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b,
p.6) Cela est le résultat d’une résolution positive des stades qui précèdent le
cinquième stade Identité versus Confusion
et menant à une identité réalisée. L’envers de la médaille est plutôt la
confusion identitaire signifiant une « incapacité à développer un tel ensemble
cohérent d’idéaux sur lequel construire son identité d’adulte. » (Cohen-Scali
et Guichard, 2008b, p.3)
Bref, ces explications du
modèle du développement psychosocial d’Erikson particulièrement en ce qui a
trait à la définition des stades ne se veulent pas exhaustives puisque l’idée
principale était plutôt de comprendre les fondements de sa théorie. Ce qui
importe de retenir est donc que selon Erikson, l’identité d’une personne est
façonnée grâce aux relations sociales qu’elle entretient, que le développement
de l’identité est un continuum tout au long de la vie et que l’identité est
conséquente à la réponse d’une personne face aux crises, réponse qui lui permettra de traverser chacun des huit
stades hiérarchiques de développement et qui lui permettra ainsi de se développer.
Enfin, il est important de souligner à nouveau qu’Erikson a donné le point
d’ancrage aux approches de ses successeurs quant au développement de l’identité
et que celles-ci
permettent de comprendre la manière dont l’individu
parvient plus ou moins facilement à construire une représentation cohérente de
lui-même, à partir de son histoire et en envisageant ce qu’il souhaite devenir.
Cette question est d’une importance majeure pour les conseillers d’orientation
psychologues[7] qui s’adressent à un public
majoritairement composé d’adolescent ou « d’adultes émergents. » (Cohen-Scali
et Guichard, 2008b, p.2)
James Marcia, au milieu des années
1960, a proposé deux dimensions comportementales contribuant au développement
identitaire particulièrement à l’adolescence, soit l’exploration (aussi appelée questionnement
et période de crise) et l’engagement
de soi. Marcia définit l’exploration comme un « comportement de résolution
de problème visant à mettre à jour de l’information à propos de soi ou de son
environnement de façon à prendre une décision concernant des choix de vie
importants », (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.7) tel qu’un choix de carrière
par exemple. C’est donc une période où la personne remettra en question ses
choix antérieurs ainsi que ses valeurs. Le résultat du processus d’exploration
consistera en une forme d’engagement, qui renvoie pour sa part, « aux choix,
décisions, attitudes, oppositions de l’adolescent dans les différents domaines
de vie significatifs. » (Barbot, 2008, p.2) De ces deux dimensions ont émané
par entrecroisement quatre statuts d’identité que Marcia définit comme les
façons dont l’individu, en fin de période d’adolescence, gèrera la question de
l’identité. Ainsi, la présence ou l’absence de ces dimensions chez une personne
a comme impact un de ces statuts aussi appelés États identitaires[8],
représentés dans le tableau suivant.
Tableau 3 :
États identitaires, exploration et engagement
États
identitaires
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Caractéristiques
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Exploration
|
Engagement
|
Diffus
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Identité faible et
changeante.
Confusion
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Absente
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Absent
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Forclos
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Identité forte allo-attribuée
|
Absente
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Présent
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Moratoires
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En transition, ambivalence
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Présente
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Absent
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Accomplis
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Identité forte et souple
|
Présente
|
Présent
|
Source : La
dynamique de l’engagement chez des étudiantes en formation des maîtres analysée
sous l’angle des états identitaires (Gohier, Anadón et Chevrier, 2008, p.819)
Il est donc possible de percevoir que
ces quatre statuts se distinguent par leur degré faible ou élevé d’exploration
et d’engagement chez l’individu. En effet, une personne ayant une identité
diffuse n’aura traversé aucune phase d’exploration ni d’engagement. Ainsi, « les
comportements sont peu adaptés, voire à risques. Il s’agit d’une sorte
d’absence de structure identitaire de base. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b,
p.7) Celle qui aura une identité forclose aura pris des engagements sans
exploration au préalable. Ce peut être le cas par exemple d’un adolescent qui
s’est engagé dans une formation sans pour autant avoir remis en question ses
choix antérieurs simplement en adoptant les valeurs de ses parents. Pour sa
part, l’individu qui aura une identité en moratoire explorera activement sans
toutefois prendre d’engagement. Il sera donc capable de « définir plusieurs
alternatives possibles lors de choix importants. » (Cohen-Scali et Guichard,
2008b, p.7) Finalement, la personne ayant une identité accomplie ou réalisée aura
pris des engagements à la suite d’une exploration. Cela voudra donc dire
qu’elle n’est plus en quête identitaire, mais en accomplissement de soi. (Cohen-Scali
et Guichard, 2008b) Toutefois, « Marcia insiste cependant sur le fait qu’il ne
faut pas voir la résultante de ces tensions en termes dichotomiques, avec une
dominance exclusive de l’un ou l’autre pôle de l’opposition, mais comme une
dialectique, sur un mode de résolution personnelle, se manifestant par un
équilibre. » (Gohier, Anadón et Chevrier, 2008, p.816) Il est donc possible de
s’imaginer un axe où l’identité y trouve sa place par exemple à mi-chemin entre
ces deux pôles, c’est donc dire par métaphore qu’elle n’est pas nécessairement
blanche ou noire, mais peut être grise.
La notion d’engagement
s’avère importante dans la théorie de Marcia, ainsi que dans le travail des
conseillers d’orientation, puisque c’est par ces engagements qu’il est possible
de dégager les différents domaines auxquels l’individu accorde de l’importance
et dans lesquels il se définit. En effet, cette notion « signifie que
l’individu, dans un secteur de la vie, choisit sa route, s’implique
personnellement dans des décisions qui correspondent à ses désirs, ses buts,
ses valeurs. » (Dumora et Bariaud, 2006, p.4) C’est ainsi qu’une personne se
reconnait et se fait reconnaître par les autres, renvoyant au caractère
relationnel de l’identité reconnu par Marcia. Il faut savoir que les
engagements changent souvent avec le temps, ils peuvent devenir plus forts,
plus faibles, plus rigides, plus flexibles, ils peuvent complètement changer de
nature, mais peuvent aussi demeurer stables. Ainsi, Kunnen et Bosma (2006) ont
soulevé que « Le développement de l’identité, en général, peut être considéré
comme l’ensemble des changements qui se produisent dans la force et la nature
des engagements. » (p.6)
Enfin, « L’évaluation de
la structuration de l’identité se fait [entre autre] au moyen d’une entrevue
semi-structurée explorant trois domaines d’engagement : idéologique,
professionnel et sexuel. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.7) De ce fait,
elle pourrait donc être utilisée au sein d’un processus d’orientation,
puisqu’elle amènera le conseiller à obtenir des indices sur le niveau
d’exploration et d’engagement de l’adolescent ou de l’adulte et pourra
intervenir en conséquence. En guise d’exemple, afin d’assurer une meilleure
compréhension et transposition des concepts dans la pratique, quatre
adolescents présentant chacun une configuration identitaire au sens de Marcia
pourraient être décrits de cette façon :
[La] réalisation identitaire caractérise les
adolescents solides et sûrs d’eux-mêmes, capables d’articuler les raisons de
leurs choix. […] Les adolescents en diffusion identitaire semblent marqués par
un profond désintérêt et avoir des difficultés à se positionner. […] Le
moratoire identitaire caractérise les adolescents comme étant en « crise
identitaire ». Dans leur discours, ces adolescents ont beaucoup de dilemmes
actuels. […] Les adolescents en forclusion identitaire ont des discours très
tranchés (stéréotypes), peu de logique de choix. (Barbot, 2008, p.3)
Dans la lignée des
approches néo-ériksonniennes, le théoricien Harold D. Grotevant s’est intéressé
au développement de l’identité, tout particulièrement au travail fait par
Marcia. D’abord, Grotevant acquiesce la base de la conception de Marcia comme
quoi l’exploration est bien l’assise du processus de construction de
l’identité. (Cohen-Scali et Guichard, 2008b) De l’analyse du processus
d’exploration, Grotevant a dégagé ces deux composantes : les habiletés et les orientations.
Les habiletés (pensée critique, résolution de
problèmes, prise de distance, etc.) seraient des compétences particulières
facilitant l’évaluation objective et critique des identités alternatives
potentielles. Les orientations réfèrent à la volonté ou non d’engager ses
ressources psychologiques et émotionnelles dans le processus de sortie
d’exploration, à travers le choix d’une alternative, d’un engagement.
(Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.13)
Ainsi, l’addition d’une
bonne orientation et d’une ou
plusieurs habiletés encouragerait le
processus d’exploration selon Grotevant. Toujours selon cet auteur, cinq
facteurs ont aussi le potentiel de faciliter l’exploration ou encore de la
freiner, soit la tendance à la recherche d’informations, la présence ou
l’absence de forces en compétition, la satisfaction de son identité, les
attentes liées à l’exploration et la volonté d’explorer. (Cohen-Scali et
Guichard, 2008b) Or, « la probabilité qu’une personne s’engage dans un travail
identitaire est déterminée par l’interaction entre des caractéristiques
individuelles, des facteurs contextuels, et les processus de formation de
l’identité actuels dans d’autres domaines. » (Kunnen et Bosma, 2006, p.7) Des
caractéristiques telles qu’une estime de soi élevée, une grande ouverture à
l’expérience ou encore la présence de capacités cognitives peuvent avoir un
impact positif sur l’exploration et donc sur le développement de l’identité. De
plus, la notion de facteurs contextuels pour Grotevant admet le rôle de la
famille, des pairs, de l’école, de l’environnement de travail ou des attentes
et croyances culturelles face au choix dans le développement de l’identité.
(Kunnen et Bosma, 2006) Tel que soulevé par Lannegrand-Willems (2008), « des
caractéristiques de chaque contexte facilitent ou handicapent la construction
identitaire. » (p.4) En définitive, l’exploration étant l’assise de la
formation identitaire selon Grotevant, la stimulation du processus
d’exploration en contexte d’orientation scolaire et professionnelle pourrait
s’avérer une stratégie d’intervention pertinente. (Barbot, 2008)
Luyckx et ses collègues
se sont également intéressés au modèle de l’exploration et de l’engagement de
Marcia. Ils s’en sont inspiré afin de proposer leur propre modèle du statut
identitaire. Or donc, leur modèle ne comprend pas deux processus comme celui de
Marcia, mais bien quatre, car l’exploration et l’engagement ont été scindés en
deux dimensions. Ainsi, le concept d’exploration de Marcia a été conservé, mais
a toutefois été renommé exploration de
surface. L’exploration en profondeur a aussi été ajoutée et peut être
définie comme « l’analyse des engagements déjà pris. » (Cohen-Scali et
Guichard, 2008b, p.14) Quant au concept d’engagement, de la définition qu’en a
faite Marcia, a été joint le concept d’identification
à l’engagement « renvoyant une forte allégeance aux engagements déjà
effectués. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b, p.14)
Selon Luyckx et ses
collaborateurs, l’ensemble des quatre processus précédemment nommés seraient
mis en œuvre dans la formation de l’identité. (Cohen-Scali et Guichard, 2008b)
Par exemple, face à l’obligation d’effectuer un choix de programme d’études,
une personne pourra en tout premier lieu considérer plusieurs options de
domaines d’études (exploration en surface). Comme elle doit arrêter son choix,
elle s’engage dans une des options considérées au préalable, soit une technique
du secteur des arts par exemple (engagement). Son engagement lui permet de
poursuivre l’évaluation de l’option choisie, c'est-à-dire qu’elle pourrait
débuter ses études collégiales dans le programme choisi (exploration en
profondeur) et dès lors, elle pourra s’identifier ou non à ce choix
(identification à l’engagement). Ainsi, les réalités actuelles de changements
de programme au sein du milieu collégial soulevées à la section précédente
dénotent bien la notion d’exploration en profondeur de ces théoriciens.
Parti du concept d’exploration et
d’engagement de Marcia, Alan S. Waterman a pour sa part constaté ceci :
deux individus peuvent être classés à l’intérieur du même statut (ex. : identité prescrite) sans toutefois
percevoir l’exploration et l’engagement dans une même activité de façon
identique. De plus, Waterman aborde la notion d’expressivité personnelle dans
sa théorie. Il s’agit du sens « qui se retrouve essentiellement chez les
individus à l’identité réalisée et qui correspond au sentiment de vivre une vie
en accord avec celui qu’on est vraiment. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008b,
p.15) De façon plus philosophique, l’expressivité personnelle serait ce qui
permet à une personne d’effectuer la découverte de ce qui lui apporte une
satisfaction profonde et qui lui procure un sentiment de pur bonheur. La
pratique d’une activité professionnelle chez l’adolescent tel qu’un emploi
d’été comme animateur de camp de jour pourrait engendrer un sentiment de
satisfaction et de bonheur qui favorisera l’actualisation et le développement
de soi. Donc, ce sentiment d’expressivité personnelle ressenti pourrait aider
l’adolescent à clarifier ses motivations (animer, travailler avec les enfants),
à explorer les possibilités d’emploi et à s’engager dans certaines voies
(s’inscrire en techniques d’interventions en loisir au cégep par exemple).
(Cohen-Scali et Guichard, 2008b)
En somme, tous ces
travaux, de ceux d’Erikson à ceux de Waterman, soulèvent des notions
essentielles qui permettent aux conseillers d’orientation de guider leurs
interventions lorsqu’ils sont en processus de counseling d’orientation avec
leurs clients. En effet, Cohen-Scali et Guichard (2008b) soulèvent ceci :
D’abord, ces analyses soulignent toutes que l’enjeu
majeur de l’adolescence (et de l’âge adulte émergeant; cf.arnett, 2000) est la
construction identitaire. Elle s’ancre dans des sentiments identitaires
élaborés précédemment à l’occasion d’interactions avec des personnes
significatives dans des contextes variés. Cette construction identitaire en
constitue une synthèse et un dépassement par lesquels l’individu inscrit son
présent (et son passé ainsi repris) dans la perspective de certaines
anticipations de son futur personnel au sein de groupes et de contextes
significatifs pour lui. (p.17)
La base du modèle de Breakwell est l’interaction entre une personne et un
contexte. Par interaction, il dénote chacune des situations, évènements et
expériences pouvant avoir un impact sur les engagements de cette personne. Il
soulève aussi, par le concept d’interaction, la notion de perspective
transactionnelle du développement et sa nature essentiellement relationnelle et
dynamique puisqu’il « suppose que la personne est affectée par le contexte et
que le changement dans la personne affecte en retour le contexte […] Le
contexte changé agit sur la personne à nouveau et ainsi de suite. » (Kunnen et
Bosma, 2006, p.8) C’est pourquoi Breakwell décrit le développement à long terme
tel qu’une succession d’interactions et de transactions entre la personne et le
contexte.
Comme le souligne Kunnen et Bosma (2006), « Ce modèle a des implications
pour la théorie, la recherche et les interventions : il appelle une approche
centrée sur les émotions, les interactions et les trajectoires individuelles. »
(p.1) De plus, le modèle de Breakwell est qualifié de réactif, c'est-à-dire
qu’il s’intéresse au résultat d’une menace à l’endroit de l’identité d’un
individu et donc à sa façon de réagir lorsqu’il ressent une certaine tension. En
effet, « La personne donne sens aux évènements du contexte (demandes, buts,
défis) qui ne deviennent importants que si elle les perçoit comme tels, et
c’est ce sens donné qui détermine ses choix, ses « engagements » affectant en
retour son contexte d’expériences. » (Dumora et Bariaud, 2006, p.4) Ainsi, ce
modèle permet entre autre d’expliquer pourquoi, lorsque vient le temps de
choisir un programme de formation collégiale à la fin du secondaire ou un
programme de formation universitaire à la fin des études collégiales, certains
étudiants se mobilisent afin d’arrêter leur choix alors que d’autres ne le font
pas. En effet, selon ce modèle, lorsque survient cette période de choix,
certains ressentent une pression élevée de la part de leur environnement social
provoquant un conflit interne, alors que d’autres pas. Ainsi, Dumora et Bariaud
(2006) soulèvent
[qu’] il ne suffit donc pas de
l’insistance de la demande extérieure, ni des incitations raisonnables des
C.O.P.[9]
Il faut qu’une discordance soit vécue, de façon suffisamment consistante et
durable dans l’émotion qui l’accompagne, entre ce à quoi la personne tient
fortement (une idée de soi, des valeurs majeures) et les données de la réalité,
pour que la stabilité du soi soit menacée; alors, face à cette menace, des
individus différents mettront en place des modalités de réponses différentes
(assimilation, accommodation, évitement). Le conflit, expérience cognitive et
surtout émotionnelle, est posé comme le moteur du changement. C’est une
invitation à repenser la notion même de « choix ». (p.5-6)
Ainsi, ces propos résument bien un des concepts centraux du modèle étant
que « Sans émotions il n’y a pas conflit [et conséquemment] Sans émotions,
l’identité ne changerait pas. Cela signifie que les émotions peuvent être
utilisées [p.ex. en contexte d’orientation] comme un indicateur de conflit et
de changement identitaire. » (Kunnen et Bosma, 2006, p.11) Dans un autre ordre
d’idées, tel qu’abordé dans la citation de Dumora et Bariaud, Breakwell joint
aussi à son modèle les notions d’assimilation et d’accommodation dans son
modèle du développement identitaire, qu’il décrit comme étant un processus.
D’abord, « L’assimilation consiste à interpréter les nouveaux
événements à la lumière des schèmes de pensée déjà existants. [Ensuite,] L’accommodation
est le processus inverse, c’est-à-dire changer sa structure cognitive pour
intégrer un nouvel objet ou un nouveau phénomène. » (http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_09/i_09_p/i_09_p_dev/i_09_p_dev.html) Le choix d’une ou de l’autre permet
de percevoir de quelle façon l’individu s’adapte à une situation ou un
évènement. Or, considérant entre autre les « différences dans des facteurs
personnels et contextuels [qui] causeront de la variabilité intra-individuelle
et des différences interindividuelles dans les trajectoires développementales
», (Kunnen et Bosma, 2006, p.9) il va de soi que chacun réagira de manière
distincte à un évènement pouvant être qualifié de menace à l’identité. En effet,
la préférence d’une personne pour l’assimilation ou l’accommodation aura un
impact sur la façon de traverser une situation conflictuelle. Un individu
pourra par exemple attribuer ce qui lui arrive à des facteurs extérieurs à
lui-même (p.ex. : c’est la faute du conseiller d’orientation si j’ai fait
le mauvais choix) et un autre l’attribuera pour sa part à des facteurs
intérieurs à soi (p.ex : j’ai fait le mauvais choix de carrière parce que
je n’ai pas fait tous les exercices d’introspection et d’exploration que le
conseiller d’orientation m’a proposés).
Tout comme d’autres
auteurs s’étant intéressés au construit de l’identité, Breakwell joint à son
modèle l’idée de conflit, qu’il décrit comme étant l’élément déclencheur
permettant une modification de l’identité. Ainsi, « Un conflit se produit si
des intérêts spécifiques sont menacés dans la transaction. Les émotions […]
jouent un rôle central parce c’est seulement par les émotions, suscitées par la
menace à l’égard d’une préoccupation personnelle, qu’un individu devient motivé
à agir, que ce soit pour assimiler ou accommoder. » (Kunnen et Bosma, 2006,
p.10) La teneur et le nombre de conflits
vécus chez une personne dépend à la fois de facteurs externes à soi, les plus
souvent nommés étant les autres, la société et le phénomène du hasard,
mais cela dépend aussi des caractéristiques internes à soi. En effet, selon
Kunnen et Bosma (2006) :
Les adolescents qui sont ouverts à l’expérience, qui
entrent dans les situations nouvelles sans parti pris, qui essaient différentes
manières d’être et d’agir, peuvent rencontrer plus de conflits que d’autres […]
Certains individus sont trop « ouverts ». Nous voulons dire par là qu’il y a
peu de stabilité dans leurs engagements, qu’ils changent avec chaque
modification de l’environnement, et que le conflit alors débouche très
facilement sur un changement dans les engagements. (p.12)
En résumé, la personne
dite ouverte à l’expérience vivra certainement plusieurs conflits, mais cela
lui permettra de s’engager dans des explorations et des engagements (au sens de
Marcia) enclins à permettre le développement d’une identité accomplie,
c'est-à-dire une identité qui est forte et souple. Au contraire, une personne
qui n’est pas du tout ouverte à l’expérience vivra très peu de conflits, ce qui
engendrera peu de changements au plan de l’identité. Finalement, une personne
dite trop ouverte à l’expérience n’aura pas la possibilité ni d’explorer (en
profondeur), ni de s’engager, ce qui revient au développement d’une identité
diffuse selon Marcia.
L’exemple suivant
permettra de bien saisir ce modèle : Un adolescent de 16 ans a depuis très
longtemps l’engagement de faire carrière dans le domaine des sciences. Convaincu
qu’il s’agit de sa vocation, il a travaillé très fort au secondaire afin de
réussir ses cours de chimie, de physique et de mathématiques. Intéressé par ces
matières, l’adolescent présente toutefois aucune facilité et doit souvent
assister à des cours de récupération, contrairement aux cours de français,
d’histoire et de géographie dans lesquels il réussit avec brio et ce, sans
effort. Lorsque vient la période d’admission au collégial, cet adolescent pose
sa candidature dans le programme d’études Sciences de la nature. La réponse
étant positive, l’adolescent est heureux, ce qui vient renforcer son
engagement. Lors de sa première session au cégep, ce dernier récolte des échecs
à ses premiers examens théoriques malgré tous les efforts alloués à ses études
qui pourtant au secondaire portaient fruits. Il y a donc un conflit entre son
engagement et la situation. L’adolescent peut par exemple résoudre cette
problématique en redoublant d’ardeur aux prochains examens. Si cette fois il
réussit, la résolution de ce conflit aura été possible grâce à l’assimilation.
Ainsi, son engagement sera confirmé et aucun changement au sein de l’identité
n’aura été produit. S’il échoue à nouveau, cette assimilation ne fonctionnera
pas et les émotions négatives envers cette situation risquent fortement de
s’amplifier. En conséquence, les échecs répétés à assimiler peuvent donc
affaiblir l’engagement de cet adolescent à devenir un scientifique.
L’adolescent pourra donc décider de quitter le cégep afin de se retirer
complètement de la situation, ce qui aura comme impact de faire disparaître ses
engagements envers ce type d’études. Il pourra aussi utiliser l’accommodation
afin de changer ses engagements et ajuster son identité, par exemple en
choisissant de bifurquer vers des études de niveau moins élevé touchant tout de
même à la science, tel que le programme d’études en conduite de procédés de
traitement de l’eau menant à un diplôme d’études professionnelles (DEP).
(Kunnen et Bosma, 2006)
Il est toutefois
important de mentionner que pour faire disparaître un engagement, celui-ci doit
souvent être confronté à plus d’une situation conflictuelle. Tel que mentionné
dans l’exemple ci-haut, l’adolescent a dû faire face à plus d’un échec avant que
son engagement s’affaiblisse, ce qui a alors laissé place au changement et à
l’accommodation. (Kunnen et Bosma, 2006) En terminant, ce modèle propose donc
d’entrevoir la pratique de conseil en orientation de cette façon :
Plutôt que de se fonder sur des auto-évaluations de
caractéristiques personnelles stables et décontextualisées comme on les
recueille traditionnellement (par exemple des traits de personnalité, des
intérêts, des préférences…mais tout cela n’est sans doute par à jeter !), le
praticien devrait se focaliser directement sur les interactions
qu’entretiennent, à ce moment donné de son existence, l’individu et les
contextes significatifs dans lesquels il vit : les perceptions qu’il a des
évènements de ces contextes (comme l’injonction à l’orientation, ses évaluations
scolaires), l’importance qu’il leur accorde comparativement à celle qu’il
accorde à d’autres évènements de sa vie, la façon dont il se sent perçu et «
attendu » par les autres qui comptent pour lui, ce qu’il est prêt à faire pour
trouver un équilibre entre ses attentes personnelles et celles des contextes,
les ressources qu’il se sent aptes à mobiliser pour cela, et, si ce n’est pas
le cas, pourquoi, etc. (Dumora et Bariaud, 2006, p.6)
En somme, ce qui importe de retenir de ce modèle est que le développement
de l’identité est de nature relationnelle et dynamique, que sans conflits et
émotions, il n’y a pas de changement au plan de l’identité et que les
engagements évoluent dans l’interaction et les transactions entre le sujet et
son contexte.
Dubar, un sociologue français,
présente l’identité comme étant le résultat de socialisations successives entre
un sujet et les différentes instances sociales dans lesquelles il évolue
(famille, école, amis, groupes sportifs, travail, etc.). (Dumora et al., 2008)
La socialisation dite primaire est celle qui se vit avec la famille d’origine alors
que celle dite secondaire est plutôt rendue possible par la participation à
différents groupes sociaux, les plus importants étant souvent l’école et le
travail. (Laing, 1971) Selon Laing (1971), les groupes auxquels prend part un
individu peuvent se voir exposer des règles entrant en contradictions les unes les
autres. Ainsi, lorsqu’il y a désaccord, cela engendre des reconstructions au
sein de l’individu, par la mise en œuvre de stratégies identitaires et ce, dans
le but de réduire l’écart entre les différentes contradictions. (Doray, 1992)
D’ailleurs, celui-ci a
soulevé au sein de ses recherches ces deux concepts : celui de formes
identitaires et celui de transaction. Par formes identitaires, Dubar distingue
l’idée de formes symboliques et construites par les sujets à l’intérieur
desquelles ils « se racontent, argumentent et s’expliquent. » (Dumora et al.,
2008, p.7) C’est ainsi qu’une personne se définit d’une façon satisfaisante
pour soi tout en cherchant la validation de l’environnement social dans lequel
elle évolue. Selon Dubar, la construction de l’identité est possible grâce à la
socialisation et par « le récit de soi dans des « formes identitaires ». »
(Dumora, et al., 2008, p.7) Le second concept, celui de transaction, est
expliqué du fait que l’identité est une «
transaction entre une identité pour soi et une identité pour autrui. » (Dumora
et al., 2008, p.7) En effet, tout sujet s’engageant dans une action collective
se voit allouer une identité par et pour autrui, signifiant ainsi la façon dont
les autres perçoivent le sujet. Or,
« l’identité pour soi » est un processus biographique
de mise en relation des identités héritées et des identités visées par le récit
de soi, l’histoire que le sujet se raconte ou raconte à autrui de sa propre vie
(Dubar, 1998). Quant à « l’identité pour autrui», c’est un processus de mise en
relation des identités attribuées par autrui et des identités incorporées par
des identifications à des types d’Autrui saillants dans une société ou un
entourage. (Dumora et al., 2008, p.8)
En d’autres mots,
l’identité pour soi est l’ensemble de traits identitaires ancrés par le passé,
par la transmission de l’héritage et par la reproduction de l’identité d’une
génération à l’autre. Pour sa part, l’identité pour autrui est une construction
possible grâce à la relation à l’autre. Il s’agit d’une production du social et
non d’une reproduction du social tel qu’est le cas pour l’identité pour soi. De
plus, ce modèle permet de prendre en compte dans quels contextes évoluent
l’individu, puisque ce sont ces contextes qui lui ont permis de se former une
identité.
En contexte d’entretien
de conseil tel qu’en orientation par exemple, ce théoricien préconise de
laisser le client se raconter sous formes de récits de soi. Selon lui, une
simple introspection de l’individu sur ses caractéristiques personnelles,
telles que ses préférences ne suffit pas. Selon les propos de Dubar, cités par
Dumora et al., il s’agit davantage d’un « vrai travail de production de soi par
le récit de ses pratiques, de ses expériences, même douloureuses, de ses
contraintes et de ses projets, et du sens (à la fois la direction et la
justification) que l’on décide de leur donner. » (2008, p.8) Cette mise en
récit par l’individu laisse donc entrevoir la manière dont il se construit sa
propre réalité. (Dumora et al., 2008)
Au Québec, le docteur en
counseling et professeur retraité de l’Université du Québec à Montréal Luc
Bégin s’est intéressé depuis une vingtaine d’années à la problématique
identitaire et plus spécifiquement à l’identité en contexte d’orientation. On
lui doit plusieurs écrits sur le sujet dont les livres Identité du moi (1990) et Reconstruire
le sens de sa vie (1998).
Les recherches de Bégin
l’ont mené à formuler la théorie psychogénétique de l’identité, ayant comme
précepte « qu’il est possible de comprendre comment les individus construisent
leur monde. » (Bégin, 1998, p.69) Ainsi, selon Bégin, l’identité correspond à
l’action d’organiser ses expériences et cette organisation est celle qui lui
fournira un sentiment de continuité, de cohérence et d’unité, caractéristiques
de l’identité personnelle telles que soulevées ultérieurement. En d’autres
mots, « l'identité [est] essentiellement considérée comme étant constituée de
catégories d'expériences personnelles qui doivent se construire pour que la
personne puisse donner un sens à ce qui survient dans sa vie. » (http://irfcpo.org/home/)
Un concept défini par Bégin dans sa
théorie est la catégorisation. Selon lui,
la catégorisation est « l’activité dirigée de l’esprit qui lui permet de
réduire la diversité expérientielle à des dimensions manipulables par l’esprit,
d’une part, et d’autre part, de l’intégrer à un corpus expérientiel en voie
constante d’organisation. » (1998, p.81-87) En d’autres mots, la catégorisation
permet d’organiser nos construits ou représentations afin de donner du sens à
des expériences qui surviennent au cours de notre vie. Selon Bégin et Ross
(2007), « cette catégorisation se réalisera […] en autant que les stimulations
appropriées l’amènent à le faire. Il faut comprendre la stimulation ici comme
une pression à laquelle l’individu est confronté, sans pouvoir y échapper, et
qui l’oblige à modifier sa perception. » (p.8-9) Ainsi, un évènement
déclencheur vécu en tant que pression tel qu’un refus dans un programme de
formation par exemple, pourra engendrer des changements au sein de la
perception de la personne vivant ce refus.
Pour sa part, le concept
d’activité catégorielle permet de « relier entre elles un ensemble
d’expériences passées qui ont une signification communes. » (Ross et Bégin,
2007, p.7) L’activité catégorielle donne donc naissance à l’identité et le
sentiment d’être soi qui sera engendré pourra être vécu comme étant positif ou
négatif, ce qui tire des ressemblances du modèle d’Erikson où l’identité dépend
entre autre des résolutions positives ou négatives à chacun des stades (sans la
notion de stades dans la conception de Bégin). Selon Bégin, l’identité
est :
le résultat de l’activité ininterrompue du système
cognitif qui la construit à chaque instant. Si l’identité personnelle acquiert
cette apparence de constance que l’on a surtout fait ressortir jusqu’ici en
psychologie, c’est que la base des expériences préservées en mémoire, sur
laquelle opère le système cognitif en même temps qu’il traite l’information résultant
de l’interaction avec le milieu qui se traduit à son tour en expérience,
comprend l’ensemble de l’histoire individuelle. (http://irfcpo.org/home/)
De plus, dans son livre Reconstruire le sens de sa vie, Bégin
(1998) a émis trois hypothèses en lien avec sa conception de l’identité et
pouvant aussi s’appliquer en contexte de choix de carrière. Celles-ci sont
présentées à la page suivante.
1.
« Les individus recherchent des milieux
d’activités (travail, relations interpersonnelles significatives) d’un niveau
de complexité correspondant à celui des schèmes dont ils disposent.
2.
Les milieux ont, en retour, des
exigences de complexité que l’individu doit satisfaire pour s’y adapter et pour
s’y sentir adapté.
3.
La capacité adaptative de l’individu
sera en fonction du degré d’organisation des schèmes catégoriels dont son
système psychologique dispose. » (p.88-89)
Or, Bégin a élaboré un
instrument nommé Épreuve Groupements.
Il s’agit d’un instrument diagnostic permettant d’analyser la manière dont est
organisée l’expérience par un individu. Il s’agit donc de reproduire à plus
petite échelle, l’activité de catégorisation précédemment soulevée afin
d’évaluer le niveau de structuration ou d’organisation de l’identité des individus
dans le but de comprendre leur fonctionnement global au regard de l’identité.
Ainsi, les réponses à cette épreuve renvoient aux stratégies employées par une
personne pour « construire les significations qui guident sa vie. […] [Les
résultats] traduisent l’être qui s’y soumet. » (Bégin et Ross, 2007, p.v-vi)
Sommairement, l’Épreuve
Groupements comprend trente-sept cartons numérotés sur lesquels y est inscrite
une phrase courte décrivant une activité, telle que Isoler un plafond, Transporter des blessés, Étudier les coutumes d’un
peuple primitif, Conseiller des personnes qui ont des problèmes d’orientation ou
encore Soigner un blessé. La
procédure de passation de cet instrument est simple. En effet, le sujet reçoit
les trente-sept cartons et il doit associer ceux qu’il croit aller ensemble. Il
n’y a pas de limites en ce qui a trait aux associations. Ainsi, plusieurs
cartes peuvent être assemblées alors que d’autres peuvent être laissées seules.
Pour chacun des groupements effectués, le sujet doit donner la raison pour
laquelle ces cartons vont ensemble. Les cartons laissés seuls n’ont pas à être
justifiés. Il est important de souligner à la personne soumise à cette épreuve
qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. (Ross et Bégin, 2007)
Les résultats qui sont
obtenus (groupements et justifications) sont ensuite analysés afin de produire
un diagnostic identitaire défini comme étant « l’identification des zones
d’organisation personnelle susceptibles de faciliter ou d’entraver l’adaptation
aux différentes situations de la vie, que ce soit à l’école, au travail ou dans
la vie personnelle. » (http://irfcpo.org/home/) Seule une personne ayant suivi une
formation peut effectuer le travail d’interprétation. L’Épreuve Groupements
s’avère un instrument utile en contexte d’orientation scolaire et
professionnelle. En effet, l’interprétation d’une production à cette épreuve
permet au conseiller d’orientation d’obtenir de l’information sur son client, à
savoir « la stabilité de son orientation professionnelle, voire de sa capacité
de s’orienter, du niveau de ses aspirations professionnelles et de la direction
générale de son orientation, à savoir les familles professionnelles qui
s’avèreront les plus immédiatement attrayantes pour lui. » (Bégin, 1990, p.41)
D’ailleurs, la théorie
psychogénétique de l’identité soutenant cet instrument a été développée en tout
premier lieu à partir de problématiques liées à l’orientation. Bégin conçoit
l’orientation telle qu’une discipline allant au-delà de l’adéquation
individu-travail comme elle est souvent représentée, mais plutôt comme « une
discipline qui s’attarde à intervenir sur les diverses difficultés identitaires
des individus afin de leur permettre de transposer une identité « suffisamment
construite » en termes professionnels. » (Ross et Bégin, 2007, p.4) De ce fait,
l’Épreuve Groupements permet de cibler ce qui fait en sorte qu’une personne
possède des difficultés à s’orienter d’elle-même et donc de pouvoir intervenir
en conséquence à ce diagnostic.
Bégin a donc voulu, par
ses recherches sur la formation de catégories, saisir de quoi est formée
l’identité, mais aussi comprendre comment elle se forme. Partant de cette
prémisse selon laquelle l’identité « se forme au fur et à mesure que la
personne vit des expériences, celles-ci faisant l’objet de catégorisation par
le système cognitif » (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.48), Bégin est d’avis
qu’une personne doit catégoriser les informations envoyées par les différentes
activités et expériences afin de leur donner un sens. (Ross et Bégin, 2007)
***
À la lumière de cette
recension de quelques modèles liés au développement de l’identité, il est
possible de dégager des éléments clés permettant de comprendre comment
l’identité se construit. Plusieurs éléments sont en commun à travers les
différentes modélisations soulevées, quelques points sont plutôt uniques à
certains théoriciens. En tout premier lieu, force est de constater que
l’identité se développe à travers les relations du sujet avec l’autre, l’autre
pouvant être considéré comme la société, l’environnement social, la famille,
les pairs, etc. En effet, tous les auteurs ont soulevé au sein de leur modèle,
le caractère social de l’identité, qu’il s’agisse de notions de relation à
l’autre, d’interactions, de transactions, de socialisation, de facteurs
contextuels, de contextes sociaux, tous ces termes démontrent la nature
relationnelle de l’identité. Donc, l’identité dépend d’autrui, car « Sans référence aux autres, l’identité ne saurait exister!
» (Roy, 2011, p.3)
Parmi les modèles abordés
ci-haut, seuls Waterman et Breakwell ont dégagé la notion d’émotions au sein de
leur conception. Effectivement, du côté de Waterman, celle-ci a été soulevée
par le concept d’expressivité personnelle référant au sentiment ressenti par
une personne lorsque sa vie reflète exactement ce qu’elle est, ce qui renvoie à
la réalisation identitaire. Pour sa part, Breakwell se réfère aux émotions
vécues par une personne et qui l’amènent à changer au plan de son identité. Ces
émotions sont conséquentes à une certaine menace à l’égard d’un engagement et
permettent le changement de l’identité. D’ailleurs, d’autres modèles adhèrent à
l’idée que pour qu’il y ait changement au sein de l’identité d’un individu,
celui-ci doit faire face à une menace. Toutefois, cette notion de menace est
aussi désignée sous les termes suivants : crise, exploration, conflit,
tension, stimulation et pression. Ceux-ci surviennent à travers les relations à
autrui, les différents contextes, les évènements, mais aussi à travers les
expériences et situations nouvelles qui permettent à une personne d’être en
contact avec de nouvelles réalités. Cela provoque donc certaines
réinterprétations au plan identitaire et une nouvelle compréhension de soi.
Enfin, tel qu’il est
possible de le distinguer, seul Erikson aborde le développement de l’identité à
travers des stades, qui sont d’ailleurs des étapes données d’avance qui seront
toutes traversées par un individu un jour ou l’autre dans son existence. Or, ce
concept de stades a fait l’objet de plusieurs débats à travers les années, en
réaction à sa nature pouvant être considérée comme étant linéaire, séquentielle
et plutôt figée. En effet, il est possible de se questionner à savoir si ces
huit stades se voient toujours traversés dans cet ordre précis par exemple. (http://fr.wikipedia.org/wiki/Stades_du_d%C3%A9veloppement_psychosocial)
Contrairement à un courant plus
traditionnel de l’orientation qui veut que s’orienter relève davantage de la
connaissance de soi et de la connaissance du marché du travail, Bégin (1990)
est d’avis que la capacité d’une personne de s’orienter dépend d’une identité
bien formée. D’ailleurs, tel que mentionné antérieurement, cet auteur considère
que « L’orientation professionnelle des individus se réalise par la
transposition de leur identité personnelle en termes professionnels. » (Bégin,
1990, p.2) Cette étape est toutefois possible seulement si une personne a
préalablement eu l’occasion de construire son identité et ensuite l’occasion ou
l’aide pour la clarifier. (Bégin, Bleau et Landry, 2000) Pour leur part,
certaines conceptions classiques ne considèrent pas nécessairement que la
construction de l’identité soit préalable à la connaissance de soi, mais plutôt
comme étant deux concepts interreliés :
clarifier l’identité aide celle-ci, d’une certaine
façon, à se développer, à se construire, si elle ne l’est suffisamment. Il y a
une certaine équivalence : développer son identité, c’est la clarifier. Et
vice versa. L’identité est alors vue comme un contenu qu’il s’agit de connaître
et de clarifier. (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.29)
Contrairement à ces conceptions
classiques de l’orientation, d’autres conceptions sont plutôt en accord avec
l’idée que l’identité « ne consiste pas en un contenu à connaître et à
clarifier, mais plutôt en une base, une structure, une organisation, un
fondement qui doit se construire et dont la construction ne peut être tenue
pour acquise. » (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.30)
Considérant les statistiques
soulevées à la section précédente en ce qui a trait aux difficultés
d’orientation qui sont entre autre liées à des difficultés de construction
identitaire, il va de soi, tel que le souligne Lannegrand-Willems (2008) que
les professionnels de l’orientation ont un rôle à jouer afin d’aider les jeunes
dans leur quête d’identité. En effet, « Accompagner les
personnes dans leur orientation, c’est donc les aider à se former une
représentation de soi pour soi, mais également à prendre en compte […] les
représentations de soi que les autres renvoient. » (Cohen-Scali et Guichard,
2008, p.3) Ainsi, l’orientation est alors conçue comme un processus
développemental, plus spécifiquement comme « un cheminement continu au cours
duquel la personne, partant de ses ressources individuelles, construit sa
propre identité et la transpose au plan professionnel. » (CSÉ, 2002, p.13) Selon
Bégin, Bleau et Landry (2000), les conseillers et conseillères d’orientation
détiennent au sein de leurs pratiques :
un rôle d’aide auprès des élèves ayant une
problématique identitaire particulière, sans oublier l’aide individuelle
nécessaire à beaucoup de jeunes pour faire le point sur leur orientation et les
assister en fonction de leur problématique spécifique afin qu’ils réussissent à
s’orienter. [Leurs] interventions peuvent alors porter tant sur la structure de
l’identité pour aider l’élève dans ses difficultés à cet égard, que sur son
contenu pour aider l’élève à clarifier son identité, ou sur le contexte pour
l’aider à la transposer en termes professionnels. (p.93)
Toutefois, toujours selon
Bégin, Bleau et Landry (2000), malgré que les précédentes fonctions puissent
aider plusieurs clients à cheminer au plan personnel et vocationnel, certains
spécialistes de l’orientation considèrent :
[qu’] un certain nombre de personnes qui consultent
pour des difficultés d’orientation ne sont pas aidées par les techniques et les
interventions traditionnelles d’orientation et de clarification de
l’identité : le counseling d’orientation, la psychométrie, les techniques
de prise de décision, l’information scolaire et professionnelle, etc. L’aide
auprès de ces personnes relativement à la clarification du concept de soi, de
l’identité et de sa transposition en termes vocationnels ne semble pas donner
les résultats souhaités […] une intervention à caractère thérapeutique peut
parfois s’avérer nécessaire…(p.29-30)
Dans cette lignée, il peut donc être
inadéquat d’entreprendre un processus d’orientation avec une personne
présentant un problème d’orientation sous-tendant un problème d’identité. En
effet, cette métaphore de Condamin (1996) reprise par Bégin, Bleau et Landry
(2000) rappelle que « Le développement de l’individu se construit comme une
seule et même maison, avec ses bases, ses murs et son toit, et il est inutile
d’essayer de faire un toit lorsqu’il n’y a ni murs solides ni bases établies. »
(p.32) C’est donc dire qu’il est nécessaire de résoudre ses problématiques
d’identité avant même d’aborder la question de l’orientation…
Dans un même ordre d’idées, il a été
soulevé précédemment que l’identité se développe entre autre à travers les
diverses influences issues d’abord du milieu familial et ensuite du milieu
scolaire et des différents milieux sociaux auxquels le jeune prend part.
Sachant qu’un jeune passe plusieurs heures par jour à l’école, les diverses
interactions qu’il y vit devraient lui permettre de développer son identité. En
effet, le CSÉ (2002) a repris les propos de l’OCCOQ (1995) étant que l’identité
se développe « à travers des activités intellectuelles, scientifiques,
sociales, physiques, artistiques et culturelles, et ce, en interaction avec des
adultes. » (CSÉ, 2002, p.14)
Or, afin d’aider les jeunes à se
construire une identité claire à travers les activités d’apprentissage
effectuées à l’école, l’approche orientante, créée au début des années 2000 par
le Ministère de l’éducation du Québec (2002), est une stratégie pédagogique qui
suggère un accompagnement de l’élève dans sa construction identitaire, ainsi
que dans son cheminement vocationnel. Cette approche a pour objectif de
faciliter la démarche d’orientation en proposant différentes activités dans le
but de permettre à l’élève de construire et de structurer son identité. Elle a
aussi comme mandat d’aider l’élève à effectuer des liens entre les
apprentissages qu’il acquière à l’école et le monde du travail.
Plusieurs sont les acteurs pouvant
intervenir au sein de l’école orientante. Or, le conseiller d’orientation
détient un rôle important dans la mise en place et le bon fonctionnement de
l’approche orientante au sein du milieu scolaire. En effet, il est considéré
comme la personne-ressource puisqu’il est entre autre celui qui « maîtrise le
mieux les fondements de l’orientation, celui qui possède une base solide quant
au concept de l’identité…» (Bégin, Bleau et Landry, 2000, p.92) Il est donc
celui qui chapeaute le projet à l’intérieur de l’école et qui apporte son
soutien et son expertise aux membres de l’équipe-école qui intègrent à leurs
pratiques éducatives, des ressources formatives permettant d’aider les jeunes à
se construire au plan identitaire dans le quotidien scolaire. En effet, les
pratiques éducatives permettent un apprentissage qui réfère à un acquis de
savoirs, de contenus, alors que les pratiques formatives consistent plutôt «
dans l’élaboration de substrats qui permettent l’acquisition de contenus. »
(Bégin, 2001) En d’autres mots, les activités éducatives ciblent un acquis de
savoirs, de notions, de techniques quelconques, de comportements, de
connaissances etc. (Bégin, Bleau et Landry, 2000) tandis que les activités
formatives permettent plutôt, par l’entremise de la relation avec l’autre,
la formation, la construction, la croissance, le
développement de la façon de penser, de la conception de différents aspects de
la réalité, de l’organisation psychologiques de la personne, de sa structure
psychologique, des mécanismes psychologiques internes. (Bégin, Bleau et Landry,
2000, p.39)
Brièvement, les assises
de l’approche orientante sont celles de la théorie psychogénétique de
l’identité de Bégin qui a été discutée précédemment et celles de la théorie de
John Holland qui pour sa part, « propose que la personnalité des gens peut être
décrite à l’aide de six dimensions […] elles touchent entre autres aux
aptitudes, aux attitudes, aux intérêts, aux valeurs, aux mécanismes
d’adaptation, aux traits de personnalité, aux aspirations. » (Bégin, Bleau et
Landry, 2000, p.44) Or, les six dimensions sont chacune associée à un univers :
Réalisme (l’univers de la réalité), Investigatif (l’univers de la science),
Artistique (l’univers de la créativité), Social (l’univers de la communication
et des relations interpersonnelles), Entreprenant (l’univers du leadership) et
Conventionnel (l’univers du quotidien). (Bégin, Bleau et Landry, 2000)
Ainsi, chaque dimension a
une signification en ce qui concerne l’identité et sa construction peut être
favorisée de différentes façons. Le tableau à la page suivante offre une
définition des dix dimensions de la personnalité, des exemples de difficultés
pouvant être perçues chez les personnes pour qui la dimension est peu ou pas
construite, ainsi que quelques interventions possibles afin de favoriser leur
construction.
Tableau 4 : Six dimensions de la
personnalité d’Holland
|
Sens de la
réalité
|
Sens de la
rigueur
|
Sens de
l’initiative
|
Sens de
l’autre
|
Sens de
l’influence
|
Sens de
l’ordre et du devoir
|
Définition
|
Implique le contact avec la réalité, la préoccupation
ou le besoin d’éléments factuels. Elle touche la prise de décision, la
possibilité d’arrêter des décisions, car c’est en faisant appel aux éléments
de la réalité que plusieurs décisions personnelles sont prises.
|
Cette dimension renvoie à l’idée de la logique, de
l’exactitude et de la précision dans les façons de faire.
|
Cette dimension concerne la créativité, l’innovation,
et le besoin d’initiative.
|
Réfère à l’ouverture, à l’engagement et à l’empathie
envers les autres. Elle détermine également la capacité d’une personne à
s’investir dans une relation, dans un projet de vie ou tout autre rapport
avec les gens.
|
Cette dimension renvoie aux besoins d’influencer et
d’avoir du leadership.
|
Cette dimension détermine comment la personne intègre
son quotidien dans la vie de tous les jours, sa relation avec les aspects
répétitifs de la vie, avec la routine.
|
Difficultés
si cette dimension n’est pas construite
|
- Difficulté à arrêter des choix;
- Facilement influençable par ses pairs ou les
médias;
- Adhésion à des croyances magiques;
- Possibilité de vivre de l’anxiété à l’égard du
futur qui peut se manifester par de la rigidité et de l’impulsivité.
|
- Réponses souvent incomplètes;
- Approximation dans ses travaux;
- Ne voit pas la nécessité de respecter un cadre.
|
- Évitement des situations qui demandent de faire
preuve d’initiative;
- Malaise dans les situations ambigües;
- Besoin marqué d’encadrement et de directives
claires;
- Difficulté à prendre des risques.
|
- Attitudes égocentriques;
- Difficulté à établir des relations
interpersonnelles profondes;
- Difficulté à prendre soin ou à se préoccuper des
autres;
- Difficulté à s’engager dans des projets d’ordre
personnel ou autre.
|
- Évitement de situations qui demandent d’influencer
les autres et de les guider;
- Difficulté à exercer le leadership et/ou évitement
des situations demandant un leadership.
|
- Difficulté à supporter la routine;
- Tendance à la procrastination et au désordre ou
souci exagéré de l’ordre et du contrôle dans ce qu’il fait;
- Difficulté à respecter les obligations
quotidiennes.
|
Interventions
possibles
|
- Demander les raisons face à un choix;
- Confronter les préjugés ou idées préconçues;
- Insister pour que les élèves s’appuient sur des
faits pour agir ou s’exprimer.
|
- Fournir et maintenir un cadre rigoureux;
- Être exigeant intellectuellement;
- Demander de préciser leur pensée ou d’utiliser un
vocabulaire approprié;
- Demander le respect d’échéanciers très précis et
serrés.
|
- Amener les élèves à s’exprimer dans des situations
où il n’y a pas de bonne réponse;
- Amener les élèves à faire preuve d’initiative;
- Faire vivre des situations non structurées;
- Favoriser l’originalité et l’innovation.
|
- Travail d’équipe et de coopération;
- Activités d’implication communautaire;
- Débats où les jeunes ont à exprimer leurs
différences;
- Interventions auprès d’élèves manquant de respect.
|
- Amener les élèves à faire preuve de leadership;
- Intervenir sur le type d’influence que les élèves
exercent;
- Organiser des joutes oratoires.
|
- Demander aux élèves de réaliser des tâches
répétitives, claires et bien définies selon un ordre préétabli;
- Établir des responsabilités quotidiennes.
|
Source :
Tableau inspiré du livre L’école orientante :
la formation de l’identité à l’école (Bégin, Bleau et Landry, 2000,
p.79-80)
Ainsi, ces interventions permettront
à un élève de construire son identité seulement si elles engendrent une
situation d’inconfort et « subit une pression [psychologique] à laquelle [il]
ne peut échapper et qui force la modification de sa perception. » (Bégin, 2001,
p.206) Donc, les différentes interventions n’auront pas les mêmes impacts pour
chacun, dépendamment de la pression qu’elles exerceront sur l’individu.
D’ailleurs, pour favoriser les impacts des interventions sur le jeune, il est
important selon Bégin, Bleau et Landry (2000) « qu’un adulte significatif
puisse intervenir à son égard et, entre autre, lui faire remarquer [ses
attitudes et comportements par exemple] […] c’est à travers des interactions
avec d’autres personnes, et plus particulièrement avec des adultes, que le
jeune va construire son identité. » (p.56) Donc, les adultes tels que les
enseignants qui accompagnent les élèves dans différentes activités doivent
intervenir auprès des étudiants afin de permettre certaines prises de
conscience qui les amèneront à changer.
Plusieurs activités
orientantes peuvent être expérimentées en classe, dans le cadre même des cours.
Toutefois, d’autres milieux et pratiques peuvent favoriser la construction de
l’identité, que ce soit la participation à des activités parascolaires,
l’implication dans une coopérative étudiante, la pratique de bénévolat,
l’organisation du spectacle de fin d’années, le vécu d’un stage en entreprise,
etc., en autant que celles-ci soient supervisées par des adultes qui possèdent
des attitudes orientantes et qui interviennent de façon appropriée au
développement. (Bégin, Bleau et Landry, 2000) En somme, la mission de l’école
(l’approche) orientante est de permettre à l’élève de parvenir, selon Bégin
(2001) :
aux moments importants de son évolution scolaire avec
les caractéristiques psychologiques qui lui permettront d’avoir le sentiment
d’être ‘identique à lui-même’ ou […] d’avoir une identité stable. […] Parce que
l’identité, c’est le sens que l’on donne à sa vie, c’est le sens que l’on
attribue aux expériences que l’on vit.
(p.210)
Or donc, lorsqu’une personne est en
mesure d’octroyer un sens à ses apprentissages et à l’école en général, cela
pourra avoir pour conséquences qu’elle s’y intéresse davantage et qu’elle ait
le désir de persister dans ses études jusqu’à l’atteinte de l’objectif convoité.
(Bégin, 2000)
[1]
Brodeur, V. (2013). Les pratiques professionnelles de conseillers et de conseillère d’orientation
du réseau d’enseignement collégial public au regard de l’intervention sur
l’identité de la personne. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté
d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil :
carriérologie. Document disponible en ligne :
http://orientationpourtous.blogspot.ca/2013/02/essai-en-ligne-lintervention-sur.html
[2] «
Les perspectives développementales associent la découverte de soi à l’identité
personnelle. Les théories évoquées sont attachées aux aspects intégratifs de
l’identité et sont focalisées sur la manière dont l’individu parvient plus ou
moins facilement à construire une représentation cohérente de lui-même, à
partir de son histoire personnelle, et en envisageant ce qu’il souhaite
devenir. » (Cohen-Scali et Guichard, 2008a, p.4)
[3]
D’après Cohen-Scali et Guichard (2008a), « les perspectives contextuelles
attribuent une place centrale aux identités sociales (issues de la découverte
de soi ou de la construction de soi) et au rôle des contextes sociaux. Ces
théories s’intéressent globalement aux déterminants sociaux des représentations
de soi et leur changement. » (p.4)
[4]
L’approche cognitive « s’intéresse au développement de la personnalité à
travers l’évolution des processus psychologiques donnant lieu à l’émergence du
Soi […] au traitement de l’information dans des contextes sociaux et dont
l’objectif est de rendre compte de la tendance que manifestent les individus à
répondre de façon constante aux stimulations du milieu » (Essopos, 2007, notes
de cours)
[5] «
Le moment où une capacité donnée apparaît pour la première fois (ou apparaît
sous forme testable), ou comme cette période où un certain nombre d’éléments
corrélatifs sont si bien établis et intégrés que le degré suivant du
développement peut être amorcé avec assurance ». (Erikson, 1968, p.103)
[6] La
notion de crise peut être conçue comme « un synonyme de tournant nécessaire, de
moment crucial dans le développement lorsque l’individu doit choisir entre des
voies parmi lesquelles se répartissent toutes les ressources de croissance, de
rétablissement et de différenciation ultérieure […] une période cruciale de
vulnérabilité accrue et de potentialité accentuée. » (Erikson, 1968, p.11, 98)
[7] Appellation employée en
Europe pour la profession de conseiller d’orientation
[8] Les états identitaires sont « des moments d’un
processus de développement dynamique qui fonctionne sur le mode
déséquilibre/rééquilibration […] Aucun état n’est définitif ni fermé sur
lui-même ou encore exclu du processus de construction identitaire. » (Gohier,
Anadón et Chevrier, 2008, p.817)
[9]
C.O.P est une abréviation pour Conseillers d’orientation psychologues
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