Comprendre l’indécision
vocationnelle …
Katherine Coté, c.o.[1]
L’analyse
qualitative du verbatim de quinze entrevues enregistrées sur audio avec quinze
conseillères et conseillers d’orientation de différents cégeps de la province
de Québec a permis de mettre en lumière leurs perceptions entretenues à l’égard
de l’indécision vocationnelle vécue par les collégiennes et collégiens dans le
cadre de leur pratique professionnelle. Cette discussion vise principalement à
allier les éléments théoriques énoncés précédemment à propos de l’indécision
vocationnelle avec les perceptions entretenues à cet égard par les conseillères
et conseillers d’orientation interviewés pour cette recherche.
À ce sujet, les
conseillères et conseillers en orientation interviewés ont effectivement
illustré que le manque de maturité vocationnelle est dû au jeune âge des
collégiennes et collégiens en se basant sur les causes sous-jacentes
suivantes : leur développement identitaire inachevé, et leur connaissance
de soi et expériences de vie étant limitées. Cela corrobore tout à fait avec ce
que mentionnent le CSÉ (2002), Super (cité dans Bujold et Gingras, 2000 et dans
Poirier et Gagné, 1984), Holland et Holland (1977),
Harren (1979), Guay, Ratelle, Senécal, Larose et Deschênes (2006), Falardeau (2007), Donson (1996, 2003), et Forner
(2001, 2007).
En effet, les perceptions des
conseillères et conseillers d’orientation concernant leurs doutes quant au
niveau de maturité vocationnelle des jeunes collégiens sont fort probablement
influencées par
leur cadre d’analyse théorique initial issu de leur formation universitaire où
les approches développementales en orientation leur étaient enseignées. Par
exemple, par ses nombreuses publications, Donald E. Super, théoricien,
praticien et chercheur d’une renommée internationale en psychologie
développementale au niveau de l’orientation professionnelle, a su influencer
grandement la profession des conseillères et conseillers d’orientation à
travers le monde. Ce théoricien a notamment expliqué les notions de maturité
vocationnelle, de concept de soi (image de soi), de rôles de vie, d’influences
familiales et socioéconomiques, de stades développementaux incluant des tâches
développementales à réaliser selon des regroupements d’âges approximatifs en
lien avec son développement de carrière.
D’une part, la psychologie développementale comporte
l’avantage principal de comprendre son client en orientation à travers ses
stades développementaux franchis au cours des étapes développementales
importantes de sa vie personnelle et professionnelle. D’un autre côté, il est
de mise d’éviter de se limiter uniquement à l’approche développementale car les
individus ne traversent pas toujours les mêmes stades en même temps. À vrai dire,
il y a sans doute des variations entre les personnes car la psychologie humaine
est complexe. Dans ces conditions, l’éclectisme au niveau des approches
utilisées constitue en une alternative à privilégier pour ainsi bien compléter
et enrichir ses interventions auprès d’une clientèle en processus
d’orientation.
Plusieurs conseillères et
conseillers d’orientation ont discouru à propos de différentes réactions
émotives et comportementales qu’ils perçoivent chez les jeunes indécis en
processus d’orientation. Entre autres, ils mentionnent différents types
d’anxiété dont l’anxiété décisionnelle qui est passagère et l’anxiété
problématique qui empêche la décision de carrière parce qu’elle doit idéalement
être traitée en thérapie avec un psychologue. Ainsi, le facteur de l’anxiété
comme réaction émotive face à l’indécision est documenté par Falardeau et Roy
(1999), Falardeau (2007), Forner (2001, 2007), Krumboltz (1992), Harren (1979),
Gati, Krauss et Osipow (1996), Savikas (1995), Peterson,
Sampson, Reardon et Lenz (1996), le Guide d’évaluation en orientation, OCCOQ
(2010) et Matte (2010). Enfin, avec l’appui des propos des spécialistes
de l’orientation interviewés pour cette présente recherche ainsi que des
nombreux chercheurs corroborant le fait que l’anxiété constitue en un facteur
très souvent prédominant en matière d’indécision, il appert de constater que
l’anxiété paralyse la décision relative à la carrière ou bien repousse le délai
décisionnel chez les clients indécis. Le rôle du conseiller d’orientation est
alors d’évaluer le niveau d’anxiété du client pour voir s’il s’agit d’une
anxiété décisionnelle passagère qui requiert un soutien en counseling
d’orientation (ex. : exercices d’introspection, psychométrie, information
scolaire et professionnelle, etc.) pour ainsi soulager graduellement
l’ambiguïté reliée au choix professionnel ou bien s’il est question d’une
anxiété chronique et pathologique dans plusieurs sphères de vie qui nécessiterait
une référence chez un psychologue.
De surcroît,
quelques spécialistes de l’orientation interviewés ont perçu le manque de
confiance en soi comme une source plausible d’indécision qui amène diverses
réactions émotives et comportementales telles que l’accumulation d’information
de manière compulsive, le sentiment de confusion face à l’avenir et le maintien
de distorsions cognitives (croyances irréalistes) à propos de soi et de son
environnement. Conséquemment, plusieurs auteurs corroborent le fait qu’une
lacune au niveau de la confiance en soi (estime personnelle), l’entretien de
fausses croyances et de généralisations à propos de soi et/ou de son
environnement nuisent au processus décisionnel (Holland et Holland (1977); Harren (1979); Peterson,
Sampson, Reardon et Lenz (1996); Mitchell et Krumboltz (1996); Guide
d’évaluation en orientation, OCCOQ (2010), Gati, Krauss et Osipow (1996),
Falardeau et Roy (1999), Falardeau (2007) et Matte
(2010).
Encore au sujet
de leurs perceptions, des conseillères et des conseillers d’orientation parlent
de certains jeunes qui se décident à la dernière minute à cause de la situation
d’urgence, contrairement à d’autres qui prennent le temps de bien réfléchir
sans attendre au dernier moment. Pour ces personnes indécises, il s’agit donc
de réactions diamétralement opposées qui les amènent à consulter en
orientation. Tel que l’ont documenté Falardeau et Roy (1999), certains jeunes
veulent complètement éviter le sujet pour remettre à plus tard le moment de
choisir par peur de se commettre dans un choix. D’autres n’arrivent jamais à se
décider car ils ne cessent d’accumuler de l’information sur plusieurs
professions sans toutefois aller en profondeur (Falardeau et Roy, 1999).
Celles-ci constituent alors en des réactions émotives et comportementales
possibles dans une situation d’indécision qui sont très souvent reliées à un
sentiment d’anxiété.
En effet, les conseillères et
conseillers d’orientation ont reçu une solide formation en counseling pour
pouvoir bien dépister les réactions émotives et comportementales de leurs
clients en orientation. Ces derniers sont alors compétents pour reconnaître les
réactions comportementales et émotives qui peuvent bloquer le processus du
choix de carrière comme l’anxiété, la procrastination qui amène une décision
dans une situation d’urgence et d’inconfort, le manque de confiance en soi et
en l’avenir, etc. En démarche d’orientation, ces spécialistes de l’orientation
doivent alors faire prendre conscience aux clients que certaines de leurs
réactions comportementales et émotives peuvent nuire au dénouement du choix
vocationnel.
Quelques conseillères et conseillers d’orientation ont
discuté à propos de mesures d’aide à l’orientation. Ils ont alors énuméré les
mesures d’aide suivantes pour contrer l’indécision vocationnelle, entre autres,
le counseling individuel, les interventions groupales, l’introspection pour
approfondir la connaissance de soi, le testing psychométrique, la réflexion sur
les méthodes de prise de décision à privilégier, les activités d’approche
orientante, les rencontres avec des professionnels du milieu, et la
documentation sur le marché du travail et les formations reliées.
Effectivement, il appert de bien comprendre que les professionnels de
l’orientation doivent varier leurs méthodes d’intervention pour ainsi bien
répondre à différents besoins chez des clientèles variées. Par exemple, une
évaluation psychométrique mesurant les intérêts et la personnalité ne serait
pas appropriée pour une personne en dépression, car pendant cette maladie, les
intérêts d’un individu sont atténués par l’humeur dépressive. Dans un autre
cas, un test psychométrique et des exercices d’introspection s’avèreraient
bénéfiques pour un jeune collégien qui manque de maturité vocationnelle et qui
se connaît peu. Aussi, des ateliers d’approche orientante sont plus dédiés aux
étudiants qu’aux adultes ayant plus de dix années d’expérience sur le marché du
travail. En terminant, il existe moult exemples pour démontrer que les
conseillères et conseillers d’orientation doivent se servir de leur jugement
professionnel pour ainsi choisir la méthode d’intervention appropriée à la
problématique du client (ex. : santé physique et mentale, situation d’indécision
passagère ou chronique, besoins, âge, imminence d’une décision à prendre,
etc.).
Ces spécialistes
de l’orientation interviewés mentionnent également que les émotions doivent
être prises en compte dans un processus décisionnel pour que la personne se
sente confortable avec son choix. Comme l’ont précisé Peterson, Sampson,
Reardon et Lenz (1996) : « le fait d’exposer une résolution de
problème relative à la carrière en tenant compte d’une perspective du
traitement cognitif de l’information implique de reconnaître l’éventail des
émotions humaines qui interagissent dans la prise de décision. » (p.
429-430, traduction libre)
De surcroît, les
perceptions des conseillères et conseillers d’orientation vont dans le même
sens que les auteurs Peterson, Sampson, Reardon et Lenz (1996) lorsqu’ils
stipulent que le client doit communiquer son besoin, analyser sa situation,
synthétiser ses options plausibles, évaluer ses différentes avenues et mettre à
exécution son plan d’action tout en ayant considéré ses facteurs de réalité
(cycle des habiletés décisionnelles CASVE). Par la suite, très souvent avec
l’aide du conseiller d’orientation, l’individu doit réfléchir sur l’ensemble de
son processus décisionnel. A-t-il mis en œuvre des stratégies gagnantes pour y
arriver ? A-t-il vérifié s’il avait le potentiel (cote R, motivation, santé,
etc.) pour s’inscrire dans une telle formation ? (Sampson, Reardon et Lenz,
1996) En fait, les conseillères et conseillers d’orientation interviewés
trouvent important d’amener le jeune à effectuer de la métacognition sur
l’ensemble de son processus décisionnel pour que sa démarche d’orientation
fasse du sens et le rende donc plus apte à prendre une décision de façon
autonome et que celle-ci soit reliée avec ses propres aspirations.
Krumboltz
(1992) mentionne que la société devrait mieux habiliter les gens aux méthodes
de prise de décision. Selon Forner (2001), une absence de méthode de prise de
décision peut causer de l’indécision. En effet, Peterson, Sampson, Reardon et
Lenz (1996) parlent beaucoup de la connaissance de soi et de la recherche
d’information scolaire et professionnelle comme étant deux étapes primordiales
pour en arriver à la prise de décision. De surcroît, Gati, Krauss et Osipow (1996)
renchérissent que des manques d’informations à propos de soi-même (ses
compétences, valeurs, et intérêts), des professions, des domaines de formation,
des méthodes de prise de décision ainsi que des façons d’obtenir des
renseignements pertinents à son plan de carrière constituent en d’autres causes
d’indécision professionnelle. Par leur approche basée sur l’apprentissage
social, Mitchell et Krumboltz (1996) stipulent que les jeunes doivent aller
découvrir sur le terrain les professions envisagées pour qu’ils puissent enfin
confronter leurs perceptions et possibles préjugés avec la réalité. Ces
collégiennes et collégiens sont alors encouragés à aller rencontrer des
professionnels directement dans leur environnement de travail par l’entremise
de rencontres d’informations ou bien de stages d’observation. Puis, les styles
décisionnels rationnels, intuitifs et dépendants sont représentés dans le
modèle de Harren (1979). En effet, le conseiller d’orientation doit alors être
conscient du style décisionnel de son client pour l’outiller à travailler sa
prise de décision en appuyant sur ses forces et en corrigeant certaines limites
associées à son style décisionnel. Par exemple, le style dépendant devra se
détacher graduellement de son attitude passive dans le but d’acquérir une
attitude active tout en acceptant la responsabilité de ses choix sans s’en
remettre aux autres. De ce fait, les conseillères et conseillers d’orientation
travaillent l’ensemble de ces méthodes d’intervention reliées au travail sur
l’identité et aux outils de prise de décision. De même, le Guide d’évaluation en orientation (2010) définit la pratique de
l'orientation des conseillères et conseillers d’orientation en mentionnant
qu’il faut :
« Évaluer le
fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu,
intervenir sur l’identité ainsi que de développer et maintenir des stratégies
actives d’adaptation dans le but de permettre des choix personnels et
professionnels tout au long de la vie, de rétablir l’autonomie
socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain
en interaction avec son environnement. » (p. 3)
Quant qu’à la vulgarisation des
informations du monde du travail, Savard, Michaud, Bilodeau et Arseneau (2007)
démontrent que l’intervention d’un conseiller contribue de façon significative
dans la prise de décision de carrière du client. « Le conseiller est en
mesure de considérer le profil psychologique particulier de l’individu, sa
situation unique et son interaction avec l’environnement. » (Savard, Michaud,
Bilodeau et Arseneau, 2007, p. 161) De plus, suite à une étude sur des
adolescents canadiens, Julien (1999) stipule que 59,7 % des jeunes ont du mal à
obtenir les renseignements nécessaires à leur planification de carrière. Julien
(1999) ajoute que ces adolescents se sentent dépassés par la surcharge
d’informations sur le monde du travail. En effet, l’intervention d’un
conseiller d’orientation s’avère très bénéfique pour contrer l’indécision et
l’anxiété reliées à un choix de carrière dans cette mer d’informations sur le
marché du travail. Effectivement, les discours des conseillères et conseillers
d’orientation interviewés vont tout à fait dans le sens des recherches de
Savard, Michaud, Bilodeau et Arseneau (2007) et de Julien (1999). En fait, ces
spécialistes de l’orientation interviewés voient l’importance de bien
accompagner leurs clients tout au long de leur processus décisionnel car ces
derniers découvrent leur identité personnelle et professionnelle par
l’entreprise du counseling d’orientation, de la vulgarisation des informations
sur le marché du travail et des programmes de formation, des animations
groupales et de la passation d’outils psychométriques.
Comme pistes d’intervention, les
spécialistes de l’orientation ont entretenu des propos semblables à ceux
qu’utilisaient le théoricien Super (cité dans Bujold et Gingras, 2000 et dans
Poirier et Gagné, 1984), soit les étapes développementales de l’exploration, de
la cristallisation, de la spécification ainsi que de la réalisation
(actualisation) du choix vocationnel. En fait, ils en ont fait la mention de
façon sous-entendue lorsqu’ils discutaient de l’étape où l’individu explore les
diverses facettes de son identité personnelle en lien avec des milieux
professionnels différents (exploration en sous-entendu). Ensuite, le jeune
classifie et regroupe les différentes professions en fonction de ses champs
d’intérêts qui commencent à s’éclaircir davantage (cristallisation en
sous-entendu). Après, la collégienne ou le collégien prévoit divers scénarios
possibles en fonction de ses préférences professionnelles dans le but de se
diriger vers un secteur d’activités plus précis (spécification en
sous-entendu). La dernière étape de consiste alors à planifier les démarches
pour ainsi mettre en action son plan de carrière en regardant les facteurs de
réalité avec son conseiller d’orientation tels que la cote R demandée, le
soutien familial et financier, les choix de rechange, la distance géographique du
choix d’université, etc. (réalisation en sous-entendu)
Plusieurs conseillères et
conseillers d’orientation interviewés ont expliqué que le choix de carrière se
trouvait grandement influencé par le réseau social du jeune dont la famille,
les proches, les amis et ainsi que les environnements scolaires,
professionnels, sportifs et communautaires. Cependant, certaines influences
peuvent être bénéfiques, mais d’autres peuvent nuire au processus décisionnel
des collégiennes et collégiens. Cela dépend des types d’interaction sociale que
les jeunes entretiennent et de la façon dont ils gèrent les commentaires reçus.
Par exemple, certains étudiantes ont des parents de type contrôlant et se
laissent envahir par leurs rétroactions tandis que d’autres s’affirment et agissent
conformément à leurs aspirations intrinsèques. Effectivement, beaucoup
d’auteurs cités dans cet essai appuient les perceptions entretenues par les
spécialistes de l’orientation interviewés.
Tout d’abord,
Harren (1979) explique l’influence de l’environnement familial et social (amis,
enseignants, collègues, patrons, etc.) dans le choix de carrière par
l’entremise de leur encouragement, respect, reconnaissance, soutien
psychologique et financier, de la mutualité du choix qui est assumé par un
couple ou une famille, etc. Bien que l’entourage immédiat soit important,
Harren (1979) précise que le choix de carrière doit être vécu par la
collégienne ou le collégien avec un niveau ajusté d’autonomie, de maturité
interpersonnelle et de conscience de ses buts. Ensuite, Gati, Krauss et Osipow
(1996) et Peterson, Sampson, Reardon et Lenz (1996) ont illustré parmi les sources
reliées à l’indécision vocationnelle que la pression du milieu ajoute un stress
au sein du processus décisionnel. Quant à eux, Mitchell et Krumboltz (1996)
discourent à propos des facteurs environnementaux qui reposent sur des
influences d’ordre social, économique, politique, culturel, etc. Ainsi, les
conditions familiales, socioéconomiques et communautaires auront un effet
majeur sur l’accessibilité à différents contacts professionnels. Or, dans le
Guide d’évaluation en orientation (2010), la famille, les camarades, les
collègues de travail et d’études, les patrons et les enseignants font partie
intégrante des conditions du milieu
du client à évaluer en processus d’orientation pour ainsi mettre en lumière,
entre autres, les possibilités d’emploi, les valeurs, les échanges relationnels
importants ainsi que les différentes influences possibles reliées au choix
vocationnel. Aussi, les conditions du
milieu regroupent, entre autres, le contexte socioculturel, institutionnel,
organisationnel et économique de la personne. Selon le Guide d’évaluation en
orientation (2010), il est également important de considérer que les contacts
et réseaux sociaux font partis des ressources
personnelles de l’individu pouvant l’aider dans son choix. À tous ces
égards, les propos des conseillères et conseillers d’orientation interviewés
vont sensiblement dans la même direction que ces écrits, sauf que les c.o.
n’ont pas précisément spécifié les impacts des milieux socioéconomiques des
jeunes. Ils se sont davantage penchés sur les causes individuelles reliées à
l’indécision plutôt qu’aux causes socioéconomiques.
De
surcroît, tel que l’explique Super (cité dans Bujold & Gingras, 2000; Poirier et Gagné, 1984), depuis l’enfance, les influences
familiales, économiques ainsi que les différents rôles de vie joués (étudiant,
employé, membre d’une équipe, parent, etc.) façonnent le concept de soi de la
manière dont la personne se perçoit au plan de ses intérêts, compétences et
valeurs. En fait, les propos des conseillères et conseillers d’orientation corroborent tout à fait avec cette vision de
Super lorsqu’ils mentionnent que la famille et les proches démontrent des
modèles personnels et professionnels tout en ayant pour fonction d’être des
reflets identitaires importants.
D’ailleurs, les chercheurs Guay, Senécal, Gauthier et
Fernet (2003) ont stipulé que les perceptions
entretenues par une collégienne ou un
collégien sur sa propre autonomie et efficacité personnelle sont influencées
par ses relations parentales et amicales. De ce fait, ces personnes
significatives ne doivent pas contrôler le jeune ni le surprotéger dans ses
choix, mais bien l’encourager à prendre des actions qui l’inciteront à
développer son autonomie et son sentiment efficacité personnelle en regard à son
développement de carrière. En somme, les propos entretenus par les conseillères
et conseillers d’orientation sont donc semblables car ils ont été sensibles au
fait que l’entourage de la cégépienne ou du cégépien puisse influencer la façon
dont est perçue l’indécision ainsi que la prise de décision vocationnelle.
Cependant, ils n’ont pas été jusqu’à préciser que l’influence de
l’environnement social pourrait jouer sur le sentiment d’efficacité personnelle
et d’autonomie du jeune.
En
outre, les conseillères et conseillers d’orientation interviewés ont clairement
rapporté comme mesures actives entreprises pour l’orientation : les stages
d’observation, les rencontres d’information avec des professionnels, les
conférences sur les métiers et les professions ainsi que la sensibilisation des
enseignants et des jeunes à l’approche orientante. Effectivement, cela aide
énormément les jeunes à clarifier leur identité personnelle et professionnelle
en effectuant des liens entre la matière scolaire et le monde des professions.
Ainsi, Pelletier (2004) croient ardemment aux bénéfices de l’approche
orientante et Mitchell et Krumboltz (1996), théoriciens de l’apprentissage
social, appuient les visites
d’entreprises, les stages et rencontres d’informations avec les travailleurs du
milieu pour aider les collégiennes et collégiens à s’orienter.
Quelques conseillères et
conseillers d’orientation ont mentionné que l’entrée au cégep constituait une
période de transition très importante dans la vie des collégiennes et
collégiens. Ces professionnels de l’orientation ont mis en lumière les mêmes
propos qu’a avancés le CSÉ (2002), c’est-à-dire que ces jeunes collégiennes et
collégiens commencent leur entrée dans la vie d’adulte et doivent effectuer des
choix importants pour leur avenir personnel et professionnel. Ainsi, le choix
vocationnel et le départ du domicile familial sont des tournants majeurs dans
la vie de ces cégépiennes et cégépiens car ils doivent apprendre à devenir
autonomes et à vivre avec les conséquences de leurs choix de vie. Alors, s’ils
se trompent de choix de programme d’études, cela aura plusieurs répercussions
sur leur vie telles que l’allongement de la durée des études, des coûts
financiers en surplus, et de la persévérance qu’ils devront maintenir plus
longtemps pour enfin diplômer, etc. Falardeau et Roy (1999) stipulent également
que l’entrée au collégial est une étape de vie sérieuse qui génère très
fréquemment de l’anxiété. De plus, ces auteurs avancent qu’un jeune sur trois
change de programme d’études postsecondaires et que cette indécision atteint
parfois leur sentiment de compétence décisionnelle.
Bien que les conseillères et conseillers d’orientation
interviewés aient mentionné que les jeunes devaient choisir leur carrière assez
tôt dans leur développement identitaire et qu’ils ne sont pas toujours matures
au niveau vocationnel, ils n’ont pas amené l’aspect de la pression sociétaire
pour diplômer le plus rapidement possible comme l’ont stipulé Krumboltz (1992),
le MELS (2010) et le CSÉ (2002). Cependant, la
seule pression sociale qui fut discutée par les conseillères et conseillers
d’orientation interviewés a été celle imposée par certains parents. Si
l’échantillon des c.o. interviewés avait été plus grand et par le fait même
plus représentatif, peut-être que la notion de pression de la société aurait
été mentionnée.
En
outre, Krumboltz (1992) stipule qu’une situation d’indécision professionnelle génère
souvent de l’anxiété ou du doute chez les personnes étant incapables de prendre
une décision dans les délais prescrits par les institutions scolaires. En
effet, Krumboltz (1992) affirme que, pour une période momentanée, l’indécision
peut être bénéfique et constructive pour explorer des avenues avant de prendre
une décision plus définitive. Ainsi, les spécialistes de l’orientation
interviewés pour cet essai ont exprimé de façon partielle que l’indécision
vocationnelle pouvait être un moment d’arrêt bénéfique pour se positionner sur
son choix de carrière. En fait, ces professionnels de l’orientation ont expliqué
que certains jeunes avaient besoin d’aller travailler ou d’aller expérimenter
d’autres choses car certains collégiens ne se sentent pas prêts à prendre une
décision. Aussi, à la lecture flottante du verbatim des c.o., l’indécision
vocationnelle était davantage expliquée sous un angle problématique tout en
amenant des pistes de solutions, entre autres, l’introspection avec ou sans
l’aide des tests psychométriques, l’acquisition d’expériences nouvelles,
l’influence positive de l’environnement, les stages d’observation, les
activités orientantes, etc. Une intéressante piste de réflexion serait :
est-ce que l’indécision vocationnelle est une situation peu souhaitable ou bien
nécessaire à l’étape de la découverte identitaire dès l’entrée au collégial des
jeunes collégiennes et collégiens ? La société n’influencerait-elle pas notre
perception de l’indécision ?
De
même, plusieurs auteurs mentionnent que les personnes doivent développer une bonne
capacité d’adaptation pour faire face à ce monde complexe et incertain du
marché de l’emploi qui subit des changements multiples et constants (Donson,
2003; Forner 2001, 2007; Krumboltz, 1992). Sur ce point, Forner (2007) précise
que « chacun doit réajuster constamment son information et donc ses
projets et, pour s’adapter, ne prendre de décision que le plus tard possible. »
(p. 227) À première vue, les conseillères et conseillers d’orientation ne
semblent pas avoir élaboré ces éléments, mais en fait, ils les sous-entendent
partiellement lorsqu’ils expliquent qu’il faut tenir compte des conditions du
marché du travail pour effectuer une adéquation viable avec le profil personnel
et professionnel du client. Toutefois, les spécialistes en orientation ne
mentionnent pas explicitement qu’il faille prendre une décision le plus tard
possible comme le stipule Forner (2007). Or, le délai décisionnel dépend de
nombreux facteurs psychosociaux selon les conseillères et conseillers
d’orientation interviewés tels que le soutien familial, le niveau d’estime
personnelle, les conditions de santé, les obligations personnelles et
familiales, etc. Par ailleurs, il serait intéressant d’interviewer des
conseillères et conseillers d’orientation dans le cadre d’une autre recherche à
propos de leurs représentations sociales de l’indécision. En fait, dans ce
présent essai, ces derniers nous ont davantage fait état des causes
individuelles et psychologiques reliées à l’indécision vocationnelle dont
l’anxiété passagère ou chronique, le manque de confiance en soi, les lacunes au
niveau de la maturité vocationnelle, le manque d’expériences de vie et de
connaissance de soi des jeunes adultes, etc.
[1]
Coté, Katherine (2012). Les
perceptions entretenues par des conseillères et des conseillers d’orientation
du réseau d’enseignement collégial public, à l’égard de l’indécision
vocationnelle des collégiennes et des collégiens, dans le cadre de leur
pratique professionnelle. Sixième chapitre – Discussion. Rapport d’activités dirigées présenté comme
exigence partielle de la maîtrise en carriérologie. Sous la direction de Louis
Cournoyer, professeur. Montréal : Université du Québec à Montréal.
Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/06/essai-en-ligne-les-perceptions-de-co-du.html
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