samedi 30 avril 2011

Concevoir le processus de counseling de carrière au regard des acquis de la formation de maîtrise en carriérologie


Auteurs : Virginie Brodeur et Louis Cournoyer
Source : Texte paru dans l’édition du printemps 2011 du Bulletin OrientAction.

  
Au cours des études au baccalauréat en développement de carrière et de maîtrise en carriérologie, plusieurs approches du counseling sont enseignées. Parmi celles-ci trois ont plus particulièrement retenu mon intérêt, soit l’approche orientée vers les solutions (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995), l’approche d’analyse des projets personnels (Little et Chambers, 2000) et celle de la psychologie positive (Seligman, 1993; Mandeville, 2005). Cet article expose ces trois approches, sans prétention d’exhaustivité, puis présente la manière dont j’ai intégré celles-ci au sein d’une démarche type de counseling de carrière.


L’approche orientée vers les solutions


Pour O’Hanlon et Weiner-Davis (1995), il vaut mieux s’attarder à rechercher des solutions aux problèmes que des problèmes aux solutions. C’est ainsi que l’approche orientée vers les solutions propose des interventions axées sur la mobilisation d’objectifs, de solutions et de ressources  personnelles. Les conflits du passé sont rapidement explorés pour donner place aux perspectives présent-futur. Parmi ces stratégies d’intervention, on retrouve la question miracle, les moments d’exception et la prescription de comportements tolérables. La question miracle consiste à déplacer la situation problématique perçue par le client dans un lieu et un temps fictifs où serait résolue celle-ci. Lors d’une rencontre où j’ai fait usage de la question miracle, j’ai pu constater que le fait que ma cliente s’imagine ne plus être aux prises avec ses difficultés et avoir atteint son objectif permettait de mobiliser chez elle l’espoir du changement et le désir d’agir dans cette direction. Quant à la technique de recherche de moments d’exception, il s’agit de trouver des expériences de vie où le problème relaté par le client n’est pas vécu de façon problématique. Ensuite, le conseiller examine avec le client les ressources déployées et les conditions présentes à ces moments pour voir comment les transférer au contexte actuel faisant problème. Les solutions peuvent être présentes sans que la personne s’en rende compte. À la suite de cette prise de conscience, une personne peut essayer de les reproduire lorsque la situation réapparaîtra. La prescription de comportements tolérables  s'appuie sur la notion de changements à petits pas où la personne est invitée à faire l’essai de comportements minimalement à risque, plus garants d’une hausse de l’estime et de la confiance en soi. Au coeur de l’approche centrée sur les solutions se retrouve une relation de collaboration (O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995) où le client y est considéré comme l’expert de sa situation puisque c’est lui qui définit ses propres objectifs de changement et qui mène les actions de recherche de solutions à sa problématique.


L’approche d’analyse de projets personnels

Pour Little et Chambers (2000), non seulement les projets personnels reflètentils nos préoccupations à l’égard de notre vie actuelle et de nos aspirations, mais également nos intentions d’actions. La réalisation de projets témoigne de la volonté d’actualisation de soi de l’individu. Ainsi, en examinant les caractéristiques, les aspects positifs et négatifs, la faisabilité, les significations, ainsi que les dimensions des projets personnels entretenus par la personne, le conseiller peut alors adapter ses interventions au fonctionnement psychologique et aux ressources de la personne. Là encore, la relation conseillerclient porte sur l’engagement du client dans sa démarche et la mobilisation active de ses ressources personnelles. Elles laissent plutôt la place aux possibilités, ce qui est davantage encourageant et positif pour la personne. Les projets personnels dévoilent beaucoup d’informations sur le client puisqu’ils sont entre autres le reflet de ses constructions personnelles et de l’environnement dans lequel le client évolue. Un avantage important de l’approche est de faciliter l’implication de personnes plus réservées ou plus limitées au plan du vocabulaire. Je crois qu’un client ayant de la difficulté à s’ouvrir au plan affectif sera plus à l’aise de discuter d’abord des projets personnels qu’il entretient et, de ce fait, sera plus enclin par la suite à préciser ses pensées ou ses émotions à leur égard.


La psychologie positive

Chacun possède en lui des forces souvent cachées par les difficultés vécues par l’individu. Lorsque nous vivons des moments de faiblesse, nous avons tendance à oublier nos forces. La psychologie positive souhaite faire prendre conscience aux personnes de ces moments plus difficiles où des ressources personnelles furent mises en action pour passer au travers. Il s’agit là d’une vision positive de nous-même soulignant notre capacité d’affronter et de surmonter nos difficultés. La psychologie positive se pose en opposition de certains courants plus traditionnels de la psychologie qui focalisent leurs actions sur les maux, les difficultés et réparations requises chez la personne. À l’inverse, la psychologie positive mise sur les forces humaines, sur l’attention portée aux émotions, ainsi que sur les expériences positives vécues pouvant être source d’espoir et d’optimisme pour l’avenir (Mandeville, 2005). Elle pose un regard sur les comportements et les traits de caractère associés au bonheur d’un individu tels que le courage, la persévérance et la sagesse par exemple.


Concevoir le processus par ces trois approches

Ma conception du counseling de carrière porte sur une démarche type de quatre à cinq rencontres où l’accent des interventions porte essentiellement sur les ressources positives et l’individualité de la personne et sur la recherche constante d’un fil conducteur à l’expérience subjective de la personne.

Dès l’accueil du client et de sa demande, il est primordial de veiller à l’établissement d’une alliance de travail et d’un climat de confiance sain entre le conseiller et son client. À cela s’ajoute l’importance de recenser les démarches réalisées, les obstacles rencontrés, les impacts recherchés par rapport à un objectif de changement clairement identifié.

À partir de là, une exploration du parcours de vie de la personne sur les plans personnels, professionnels et scolaires est réalisée au regard des trois dimensions de la personne que sont les ressources personnelles, le fonctionnement psychologique et les conditions du milieu (Cournoyer, 2010; OCCOQ, 2010). À ce moment, le conseiller doit simultanément miser sur l’emploi de compétences relationnelles diverses (ex.: reflets empathiques au plan cognitif, affectif, comportemental et somatique; questions exploratoires visant la spécificité du propos; apports d’information ajustés et amenés au bon moment psychologique), ainsi que sur l’utilisation d’outils favorisant l’ouverture des possibles du client tels que les questionnaires, les exercices de connaissance de soi ou du marché du travail, l’élaboration de projets personnels (Cournoyer, 2010). De plus, il est préférable de focaliser sur le moment présent et sur l’avenir en termes de possibilités.

À mesure que progresse la collaboration conseiller-client, il devient possible de saisir ensemble la dynamique subjective et intersubjective de ce dernier. Il est essentiel que le client se sente interpellé par le processus. Également, l’exploration de la dynamique globale du client pourra permettre un passage vers des enjeux plus centraux chez ce dernier au travers de prises de conscience à l’égard de ses ressources intérieures. Au moment où une forte mobilisation de ces dernières est présente, il devient alors possible de mieux donner sens aux différentes options de choix, de projets ou de changements d’études, de professions ou de secteurs d’emploi par le client. Également, le client alors plus conscient de ce qu’il vit, ce qu’il traverse et surtout des moyens pour s’en affranchir pourra alors préciser un plan d’action éclairé et engagé. Enfin, plusieurs compétences relationnelles peuvent être utilisées de façon à être en résonance avec le client dans une démarche d’orientation. En début de processus, afin de créer une alliance thérapeutique et une relation de confiance avec le client, les compétences relationnelles de base sont essentielles à employer. Il s’agit de la présence et de l’écoute, de l’empathie, de la spécificité, de l’authenticité et du respect (Egan, 2005).

Lorsque nous sentons, en tant qu’intervenant, que la relation est bien établie, la confrontation peut alors être utile pour travailler les généralisations, les dissonances ou encore les ambiguïtés au sein des propos du client. À tout moment au cours du processus de counseling, mais en particulier lors de la phase de l’exploration, il est nécessaire en tant que conseiller, de mobiliser des compétences relationnelles dites spécifiques telles que les reflets empathiques, les questions ouvertes et les résumés (Egan, 2005). Le reflet empathique témoigne au client notre compréhension de son vécu. Également, cela permet au conseiller de valider ses propres incompréhensions (un reflet qui se pose sous forme de question ouverte permet de favoriser un discours libre et sans fermeture tout en permettant l’exploration). Les moments d’exception et la question miracle sont de bons exemples de questions ouvertes. Enfin, le résumé permet une synthèse de notre compréhension du monde de notre client. Il s’agit d’amasser l’information recueillie afin de dégager des éléments à retenir dans le discours de notre client, puisqu’en phase d’exploration, une quantité importante d’information est habituellement dégagée. Enfin, les compétences relationnelles peuvent être additives ou non additives. Au cœur de cette démarche d’aide au regard de la carrière, la relation de confiance demeure la fondation sur laquelle le conseiller pourra employer des compétences relationnelles plus additives au plan du contenu avancé.

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