J’ai lu …
Dans le cadre de mes fonctions de
chercheur-professeur en counseling de carrière à l’Université du Québec à
Montréal, je lis plusieurs articles, livres et rapports de nature scientifique.
À cet égard, je recueille des réflexions et des propos d’auteurs variés. Dans
cette chronique « J’ai lu … » j’en profite pour partager le
compte-rendu de ces lectures et leur pertinence potentielle pour les
professionnels en orientation professionnelle et développement de carrière. Dernièrement, j’ai lu …
Falender, C.A. et Shafranske, E.P. (2007). Competence in Competency-Based Supervision Practice: Construct and
Application. Professional Psychology:
Research and Practice, 38(3), 232–240.
Bien instaurée chez les
psychologues, la culture de supervision clinique chez les conseillers d’orientation
et de manière plus étendue chez les conseillers en développement de carrière
demeure très peu répandue. Toutefois, les auteurs de l’article auquel ce compte
rendu fait référence rappellent qu’alors que la supervision clinique constitue
une activité des plus importantes pour les psychologues, une minorité d’entre
eux sont véritablement formés à son exercice (Falender et Shafranske, 2007). Dans
cet article, Carol A. Falender and Edward P. Shafranske, tous deux professeurs en
psychologie à Pepperdine University (Malibu, Californie), abordent une
réflexion sur des conditions facilitantes à l’établissement d’un modèle de
supervision clinique centré sur les compétences.
COMPÉTENCE
Une supervision centrée sur les
compétences devrait initialement bénéficier d’une définition claire de … la
notion de compétence. Pour Falender et Shafranske (2007), il est normal
d’exiger que les superviseurs soient compétents, mais il serait bien d’être
plus au clair sur ce qu’est au juste que d’être compétent. Et il en va de même
pour l’incompétence. Le relevé de la
littérature scientifique consultée par Falender et Shafranske (2007) suggère une
définition de la compétence impliquant la compréhension et de la mobilisation
de connaissances, d’habiletés et de valeurs
de manière efficiente dans la réalisation de tâches spécifiques dans des
contextes tout aussi spécifiques, au regard de normes et de standards
prédéfinis par une structure (sociale, organisationnelle, institutionnelle ou
autres) de référence. De façon plus spécifique, la compétence professionnelle
relève de l’utilisation courante et appropriée de connaissances, d’habiletés et
de techniques de communication diverses, mais surtout d’une action orientée sur
ce qui est « à faire » et non pas de stricte acquisition de « savoir-faire »
(Falender et Shafranske, 2007). Et s’il est une compétence que les auteurs
jugent significative en matière de supervision clinique pour professionnels, c’est
celle de « méta compétence ». Essentiellement, Falender et Shafranske
(2007) résume celle-ci à la capacité d’évaluer ce que l’on sait et ce que l’on
ne sait pas de manière à assumer la responsabilité qui nous incombe en matière
de développement de compétences tout au long de sa carrière et pour réaliser ensuite
l’intégration appropriée de nouvelles connaissances et compétences en situation
de pratique autodirigée.
SUPERVISION COMPÉTENTE
La pratique de la supervision
clinique est, sur plusieurs points, similaire à d’autres activités d’intervention
sur le plan des compétences : elle nécessite d’abord une formation initiale
acquise dans une institution d’enseignement supérieur, la réalisation d’activités
de développement professionnel et de formation continue, la confrontation de
ses compétences en contexte de pratique (Falender et Shafranske, 2007). Le
texte de Falender et Shafranske (2007) abordent de manière plus spécifique des
conditions requises pour conduire une démarche de supervision clinique : 1)
établir et maintenir une alliance de travail; 2) évaluer les connaissances et
les compétences professionnelles du supervisé; 3) évaluer d’autres dimensions
relatives au fonctionnement de la personne; 4) prendre en compte la présence et
l’influence de facteurs contextuels ; 5) identifier des critères et des
indicateurs de réussite; 6) fournir un accompagnement clinique permettant au
supervisé d’accroitre ses compétences à partir de savoirs mobilisés en
supervision; 7) analyser les processus de résolution de problème, de
raisonnement clinique, d’apprentissage et de connaissance de soi s’opérant dans
la pratique professionnelle du supervisé et en contexte de supervision. Une notion
qu’il est possible d’extraire en complément à ces conditions de travail est
celle que je qualifierais d’« authenticités interdépendantes et
intégrées ». Il s’agit de l’identification,
de la reconnaissance, de l’acceptation, tant par le superviseur que par le
supervisé de la présence de forces et de résistances propres à chacun qui
jouent un rôle latent ou effectif d’influence sur le processus partagé.
Falender et Shafranske (2007)
abordent également les questions d’éthique, de gestion de la diversité et d’interculturalité,
de même que celle de modes pluriels de développement professionnel en contexte
de supervision. Tout d’abord, Falender et Shafranske (2007) sont d’avis que le
superviseur et le supervisé doivent sur le plan éthique non seulement se
préoccuper de normes déontologiques, mais de la manière dont les actions
examinées peuvent affecter différents acteurs et ce, en cherchant à se dégager
de valeurs morales (au profit de valeurs éthiques). La capacité d’autoréflexion
(reflet de soi sur soi) permet au superviseur de mieux comprendre comment sa
morale personnelle joue un impact sur la manière dont il conduit sa pratique (Falender
et Shafranske, 2007). Les auteurs explorent également la notion d’incompétence en
regard du jugement éthique. Pour eux, l’incompétence peut prendre différentes
formes. La capacité-même du supervisé à s’engager dans une démarche d’autoréflexion
visant à prendre conscience de ses erreurs de jugement; le manque de
connaissances et de compétences initiales pour porter un jugement éthique; d’attitudes
et de valeurs personnelles contraire aux normes et standards éthiques. Sur le
plan de la gestion de la diversité et de la multiculturalité, les auteurs sont
d’avis qu’il s’agit là d’une compétence essentielle chez le superviseur. Falender
et Shafranske (2007) soulignent à cet égard certains pièges ou glissements
possibles sur le plan de l’efficacité d’une supervision et du maintien de l’alliance
de travail lorsque ne tient pas compte et que l’on n’aborde pas, en toute
transparence, les questions de culturalité chez les personnes impliquées dans
ce processus. Enfin, pour ce qui est des
modalités possibles et plurielles de développement professionnel en contexte de
supervision, Falender et Shafranske (2007) souligne que l’on peut certes opter
pour des activités d’éducation formelle et d’auto-formation (cours, ateliers, lectures), mais que ce qui s’avère
sans doute le plus puissant comme dispositif d’apprentissage relève davantage d’activités
de collaboration et de partage entre pairs, avec l’examen d’enregistrement
vidéo, de jeux de rôles, de travail collectif de résolution de problèmes
partagés (Falender et Shafranske, 2007).
RECOMMANDATIONS
En conclusion de leur article, Falender
et Shafranske (2007) suggèrent douze recommandations pour la mise en place de
méthodes de supervision centré sur le développement de compétences :
1.
Le
superviseur doit lui-même, préalablement, réaliser une autoréflexion sur sa
pratique et les enjeux qu’ils rencontrent;
2.
Le
superviseur s’engage conjointement avec le supervisé à s’engager dans une
relation de supervision mutuellement viable pour faire émerger une alliance de
travail optimale;
3.
Le
superviseur et le supervisé s’engage à respecter et intégrer certains valeurs
au sein de leur démarche : intégrité dans la relation, quête de pratiques
fondés sur des valeurs éthiques, respect de la diversité, recherche d’appuis
scientifiques fondés sur des connaissances empiriques probantes;
4.
Le
superviseur identifie et nomme ses attentes à l’égard du supervisé sur le plan des
normes et des standards de pratique à respecter;
5.
Le superviseur identifie et nomme ses attentes
à l’égard du supervisé sur le plan de compétences spécifiques à atteindre et
lui fournit la documentation nécessaire pour se faire;
6.
Le
superviseur collabore avec le supervisé à la formulation d’une entente de
consentement éclairé afin d’assurer une communication claire quant aux
objectifs, aux tâches et aux compétences à atteindre, ainsi qu’aux tâches et
procédures logistiques requises pour les atteindre;
7.
Le
superviseur joint à l’entente de consentement éclairé un document clair quant aux compétences à
atteindre, aux procédures d’évaluation et aux types de rétroactions rendues;
8.
Le
superviseur revoie le travail du supervisé par l’appui de support audio ou
vidéo, de même que de notes évolutives;
9.
Le
superviseur propose des modalités d’évaluation centrées sur la présence de
prises de conscience et de pratique réflexive chez le supervisé;
10.
Le modèle de supervision adopté par le
superviseur favorise l’auto-évaluation et le développement de la métacompétence
chez le supervisé et ce, tout au long de la démarche;
11.
Le
superviseur fournit une rétroaction continue, verbale et écrite sur le travail du
supervisé qui tient compte des propos de ce dernier et qui lui fournit des
encouragements pour la poursuite de ses activités d’intervention;
12.
Le superviseur cherche constamment à maintenir
la communication et la responsabilisation avec le supervisé.
Bien que ce texte affirme portée
sur un modèle de supervision centrée sur la compétence, la description
opérationnelle du dit « modèle » est absente et la centration sur les
compétences est plus ou moins établie. Le texte permet davantage de relever
certaines conditions essentielles à l’élaboration d’un modèle de supervision
clinique. Il propose d’ailleurs des
balises intéressantes pour quiconque souhaiterait amorcer une réflexion sur son
propre modèle de supervision clinique ou encore pour élaborer un tel
dispositif.
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