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De la lecture à la pratique ...
Compte-rendu de l'ouvrage
Compte-rendu de l'ouvrage
Albernhe, K. et Albernhe, T. (2008). Applications en thérapie familiale systémique. Issy-les-Moulineaux,
France : Masson. ISBN : 9782294703607
Produit par :
SOPHIE DUMONTIER-HOULE
Finissante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM
Sous la direction :
Louis Cournoyer, professeur
Université du Québec à Montréal
N.B. Le texte qui suit peut être téléchargé à partir du site Orientaction à l'adresse URL suivante : CLIQUEZ ICI !
1.
Avant-propos : stratégies d’intervention à saveur systémique
Il serait si simple de comprendre l’humain si tout était régi par la loi
de « cause à effet ». Cependant, il s’avère que nous sommes plus
complexes que cela. Les clients en orientation et en développement de carrière viennent
souvent consulter pour des problèmes bien spécifiques, mais il importe de
découvrir ce qui sous-tend ces difficultés pour pouvoir intervenir
adéquatement. D’autre part, les intervenants ont eux aussi un vécu, un bagage
plus ou moins lourd à traîner, qui filtre leurs façons de penser, de
comprendre, d’interagir, et bien sûr, d’aider.
Pour Karine et Thierry Albernhe, chaque individu est un système, en
interaction avec les autres qui représentent eux aussi des systèmes. Comme si
cela était trop simple, tous ces systèmes forment un autre système lorsqu’ils
sont mis en contact. Ainsi, un système peut être à la fois une seule personne,
mais aussi deux ou plusieurs personnes en interaction. Il en va de soi que
l’intervenant et ses clients n’en font pas exceptions. D’où l’importance pour
les professionnels œuvrant en orientation et en développement de carrière de
chercher constamment à s’améliorer dans leur pratique et d’être conscients de
leur impact sur les clients. Cet ouvrage permet une réflexion sur soi, en tant
qu’aidant, et offre des outils concrets pour affronter l’incertitude, la
complexité de la relation d’aide. D’autre part, il est explicitement mentionné
que les exercices présentés sont à titre indicatif seulement et doivent être
adaptés aux différents contextes. D’ailleurs, la reproductibilité exacte est
impossible et non souhaitable. Chaque intervenant a une couleur et ce n’est que
par la pratique, enrichie par la rétroaction, qu’il parviendra à colorer ses
interventions et à s’améliorer. Bref, celui qui cherche, par la lecture de cet
ouvrage, des recettes toutes faites et des réassurances se verra déçu.
Ce texte traite du livre Applications
en thérapie familiale systémique de Karine Albernhe et Thierry Albernhe.
Paru en 2008, il est un complément du traité général Les thérapies familiales systémiques, rédigé par les mêmes auteurs
et publié par le même éditeur.
2. Qui sont
Karine et Thierry Albernhe ?
Karine Albernhe est pédopsychiatre en Centre médico-psycho-pédagogique
(CMPP), en psychiatrie infanto-juvénile, et formatrice en thérapie familiale à
Avignon, en France. Thierry Albernhe, quant à lui, est praticien et chef de
service en psychiatrie infanto-juvénile au centre hospitalier de Montfavet, en
France. Thierry Albernhe compte parmi les auteurs des ouvrages suivants, sinon
le seul auteur : Psychiatrie légale. Sociale, Hospitalière, Expertale
(1995); L'enveloppement humide thérapeutique
(1997); Criminologie et psychiatrie (1997); Psychiatrie et handicap. Aspects médico-légaux et
administratifs (1997). De plus, Karine et Thierry Albernhe se
sont associés pour la rédaction des ouvrages suivants : Les thérapies familiales systémiques
(1999); Organisation des soins en psychiatrie
(2003); Les thérapies familiales systémiques : 2e
édition (2004); Les thérapies familiales systémiques : 3e
édition (2008); Applications en thérapie familiale systémique
(2008); Applications en thérapie familiale systémique :
2e édition revue et augmentée (2013).
3. Compte rendu
commenté de l’ouvrage de Karine et Thierry Albernhe
L’ouvrage compte 277 pages réparties en 3 parties. La première partie,
qui comprend les chapitres 1, 2 et 3, expose les applications à
l’individu de la thérapie familiale systémique, notamment le travail sur soi du
patient, mais aussi du thérapeute. Les chapitres s’intitulent, dans l’ordre, Théorie
et hypothèses, Exercices pratiques et Applications
en psychiatrie. Il est pertinent de mentionner le titre des chapitres,
car les deux autres parties constituant le livre suivent la même logique. En
effet, de par la même structure que la première partie, la seconde discute des
applications au couple de la thérapie familiale systémique, constituée des chapitres
4, 5 et 6, et la troisième partie élabore sur les applications à la famille
de ladite thérapie, à travers les chapitres 7, 8 et 9.
L’Introduction explique que cet ouvrage est en fait un manuel
d’entraînement à des exercices concrets, s’adressant aux psychothérapeutes
systémiciens, en complément du livre Les
thérapies familiales systémiques (paru chez le même éditeur). Il vise à
rendre plus concrète la théorie afin d’engendrer un « cercle
vertueux » qui permet à la fois à la pratique et à la théorie de se
développer sans cesse. Même s’il s’adresse à des psychothérapeutes, toute
personne œuvrant en relation d’aide peut s’y retrouver, en ce sens que ce livre
encourage la remise en question et le travail sur soi-même pour pouvoir aider
les autres à faire de même. En effet, selon la pensée systémique, le patient et
l’aidant sont interreliés, et cette dynamique transactionnelle complexe
engendre des interactions réciproques qui modifient l’un et l’autre, mais aussi
leur entourage. Il faut donc considérer plusieurs niveaux d’interventions,
notamment le niveau individuel, le
niveau du couple, et celui de la famille, qui sont explorés plus en
détail dans le présent ouvrage.
La première partie du livre, intitulée Applications à l’individu – Le
travail sur soi du patient… et du thérapeute, se divise en trois
chapitres, à commencer par Théorie et hypothèses. Ce chapitre
explique d’abord comment s’est construite la connaissance de soi, cette
dernière étant fondamentale en orientation et en développement de carrière.
Selon les auteurs, dès la Grèce Antique, on s’interrogeait sur l’importance de
bien se connaître, puisque la croyance était que les hommes appartenaient aux
Dieux et qu’ils devaient être conscients de leurs limites, de leur mortalité.
On véhiculait la phrase « Connais-toi toi-même, et laisse le monde aux
Dieux ». Par la suite, Socrate a longuement philosophé sur la première
partie de la phrase, à en devenir le père fondateur de la connaissance de soi. Selon la pensée systémique, c’est dans le
regard et l’écoute de l’autre que nous nous découvrons. Il faut donc se
connaître soi-même, en interrelation, pour que naisse un « plus » qui
multiplie les possibilités de chacun (le produit est plus que la somme de ses
parties). Dans d’autres cultures, la recherche de la connaissance de soi se
révèle par le chamanisme et les expériences avec transes et extases, parfois
avec l’aide de substances stupéfiantes. Bref, après avoir relaté un court
historique de la connaissance de soi, ce chapitre explique l’apport de la
pensée systémique à la connaissance de soi. En effet, plusieurs outils et
méthodes systémiques sont utilisés à cette fin. D’abord, l’historiogramme est l’étude diachronique des grands événements
vitaux d’un individu ou d’un groupe d’individus, permettant à l’intervenant de
connaître explicitement les événements marquants dans la vie d’une personne,
mais orientant aussi vers l’implicite, le non-dit. De plus, l’historiogramme
peut permettre à une personne en réorientation professionnelle de retrouver un
fil conducteur à sa vie, face à des exigences de plus en plus complexes. Le génogramme (permettant de s’interroger
en profondeur sur ses racines) et le sociogramme
(ou carte des réseaux, pour se rendre
compte visuellement de la richesse des interrelations entre le client ou
l’intervenant et leur entourage respectif) sont deux autres outils explicités
dans le livre favorisant l’exploration de soi et pouvant être grandement utiles
en contexte d’orientation ou de développement de carrière. Enfin, les techniques modernes de vidéo-systémique,
discutées dans le livre, permettent non seulement une rétroaction immédiate et
incontestable au client, mais ce dernier peut retrancher ou déplacer des
séquences filmées pour reconstruire son histoire. Malgré qu’elles soient
coûteuses en temps et énergie, ces techniques peuvent être utiles en
orientation et en développement de carrière, car elles mettent en évidence des
schémas relationnels récurrents, permettent de recadrer des échanges,
parviennent à donner du sens à des comportements inexplicables (grâce au recul
sur le contexte), etc. Finalement, ce chapitre explique comment concevoir la
formation d’un intervenant systémicien, en abordant les qualités requises ainsi
que diverses façons de transmettre son savoir, de développer son propre
savoir-être et de travailler sur ses blocages, entre autres.
Le chapitre 2 de la première partie s’intitule Exercices pratiques. Il
s’agit d’entraînements qui, sans être destinés à travailler spécifiquement la
connaissance de soi, aideront l’intervenant dans cette voie, en lui faisant comprendre
que c’est souvent en ne cherchant pas que l’on trouve. En effet, selon les
auteurs, la connaissance de soi s’acquiert au fil des rencontres, des
expériences, des lectures et des formations, entre autres. Ce chapitre
explicite 11 différents exercices systémiques à réaliser seul ou en groupe, à
des fins de formation pour les intervenants ou pour enrichir la réflexion de
nos clients. Il serait intéressant d’aborder chacun d’entre eux, mais la
complexité des exercices se prête mal à un simple résumé (il vaut mieux se
référer directement au livre), sans compter la contrainte d’espace. En voici
tout de même un exemple, soit Le petit
théâtre des jeux relationnels. Le formateur (ou l’intervenant) lit un
préambule, sous la forme d’une histoire simple et imagée, racontant la vie
d’une personne qui apprend à revêtir des habits (ou des masques) en fonction de
différents contextes. Après avoir discuté de l’histoire, il est possible d’inviter
le ou les participant(s) à se poser les questions suivantes : Quel
personnage est-ce que je joue habituellement? Qu’en est-il de mes proches, de
mes amis, de mes collègues? Puis-je observer une relation de complémentarité ou
de symétrie entre moi et les autres? Puis-je décrire cette relation et lui
donner sens? Et ainsi de suite.
Le chapitre 3 de la première partie s’intitule Applications en psychiatrie.
Il explique comment nous pouvons nous servir du vécu, de la résonance que nous
fait vivre le client, comme un atout, un pont unique et singulier entre nos
constructions du monde respectives, au lieu d’en faire un handicap. En d’autres
mots, nos sentiments et notre vécu, à titre d’intervenant, peuvent devenir des
moteurs dans le processus, à condition de savoir les analyser. Il faut se poser
les questions suivantes : Quelles cordes sensibles fait vibrer en moi le
client? À quoi sert au client, et à moi-même, une telle résonance? Bref, en
tant qu’intervenants en développement de carrière et en orientation, il faut
être conscients qu’une sensibilité particulière insuffisamment travaillée peut
nous faire prendre inconsciemment une position qui bloquera le système, qui
l’empêchera d’évoluer, d’où l’importance de la formation et de la supervision.
Par exemple, un client demande de l’aide à un conseiller d’orientation, mais en
ne croyant pas vraiment pouvoir être aidé (puisque ses parents n’ont jamais été
là pour lui). D’autre part, l’intervenant voudrait aider le client, mais ne
croit pas réussir à aider ceux qui espèrent trop de lui (marqué par la mort de
sa mère où il s’était senti impuissant). Si le conseiller d’orientation répond
qu’il ne peut pas aider, ou s’il échoue dans ses tentatives, le client
confirmera le bien-fondé de sa conviction que personne ne peut l’aider. Pour
éviter cela, l’intervenant doit créer un contexte de sécurité affective et
offrir à son client la possibilité de flexibiliser sa construction du monde (« Je ne peux pas croire que je puisse
être aidé ») sans se sentir en danger (sans avoir peur de faire
confiance et d’être déçu). Le conseiller d’orientation pourrait même demander
au client de lui parler de la manière dont il ne l’aide soi-disant pas, pour
que le client « vide son sac ». Se sentant ainsi écouté et n’ayant
plus peur du danger de la désillusion, il comprendra qu’il est possible de se
faire aider.
La deuxième partie du livre, intitulée Applications au couple – Le
thérapeute et le couple, se divise de la même façon que la partie
précédente, à commencer par le chapitre 4 : Théorie et hypothèses. En
premier lieu, ce chapitre explique comment appliquer les grands principes
systémiques au couple. Pour ce faire, voici quelques notions incontournables à
retenir, à commencer par les lois de la première cybernétique. La loi de la totalité du système signifie que le
système forme un tout, une entité composée d’éléments interdépendants les uns
des autres, donc il suffit de s’intéresser à un axe pour obtenir un impact sur
l’ensemble du système. La loi de non-sommativité
des éléments postule que les interactions entraînent des multiplications et non
de simples additions, d’où l’existence de propriétés émergentes, tel que
mentionné précédemment (le produit est plus que la somme de ses parties). La
loi de l’équifinalité affirme que le
même effet n’a pas les mêmes causes, et les mêmes contextes causaux n’ont pas
les mêmes effets, donc les hypothèses ou conjectures linéaires et causalistes
ne sont pas opérantes. Enfin, l’homéostasie
en thérapie systémique est une manière métaphorique de parler du
fonctionnement autorégulé d’un système (un couple, une famille ou un groupe,
par exemple). Il s’agit du maintien dynamique de l’équilibre du système grâce à
des variations rétroactives négatives ou positives. La cybernétique de second
ordre, quant à elle, a permis d’élaborer la théorie de l’observation participante selon laquelle un observateur
(l’intervenant) modifie toujours le système qu’il s’efforce d’observer. Ce
chapitre explique aussi la fonction et le sens du symptôme dans une thérapie
systémique, le symptôme étant une adaptation fonctionnelle à un contexte
environnemental. Sa fonction est donc de « signaler une régulation
dysfonctionnelle et souffrante des tensions interactionnelles[1] »
et son sens est de « révéler un idéal partagé de fonctionnement commun
auquel s’accrochent les protagonistes pour maintenir le système en l’état et
garantir la pérennité des valeurs transmises.[2] » Bref,
les symptômes constatés seraient en fait des rétroactions homéostatiques
chargées de ramener le système à son état d’équilibre initial (voir l’homéostasie). À titre d’exemple, la
dépression (symptôme) d’un client rencontré en counseling pourrait être le
résultat de nombreuses disputes entre lui et son supérieur hiérarchique. À partir
de là, l’intervenant peut appliquer des grilles
de lecture, selon différentes approches, pour envisager diverses hypothèses
heuristiques quant aux fonctions et aux sens du symptôme. Il doit ensuite se
demander comment offrir un contexte de sécurité affective qui permettra de
flexibiliser les règles du système afin que le client n’ait plus à jouer ce
rôle de rétroaction négative qui ramène obstinément le système vers l’état
d’équilibre antérieur. Ce chapitre discute ensuite du fonctionnement des
couples en questions. Plusieurs questions sont proposées aux intervenants afin
qu’ils en apprennent davantage sur leurs clients, notamment sur leur
construction du monde, sur le poids du transgénérationnel
(« patterns » de fonctionnement familial) et des modèles
identificatoires (parentaux ou autres). Ces questions pourraient d’ailleurs être
tout aussi pertinentes en contexte de counseling de carrière. Finalement, ce
chapitre discute de trois étapes essentielles du processus thérapeutique :
l’alliance thérapeutique, le recyclage de l’information (grâce aux
techniques de déplacement du problème
et du recadrage) et les mises en situations expérientielles.
Suivant la même logique que la première partie, le chapitre 5 de la
deuxième partie s’intitule Exercices pratiques. Puisque la
majorité des conflits de couple provient de troubles de la communication, ce
chapitre s’attarde à décrire plusieurs exercices pratiques, simples, efficaces
et reproductibles, destinés à favoriser la communication. Il est à noter que
les troubles de la communication peuvent tout autant faire l’objet d’une
consultation en développement de carrière ou en orientation, et les exercices présentés
dans l’ouvrage pourraient facilement être adaptés à différents contextes. Ce
chapitre se divise en quatre séries d’activités. La première série se nomme l’infini du couple et elle s’intéresse à
l’ici et maintenant du couple. Les
exercices permettent de définir une identité au couple : Qui est-il? Dans
quel état est-il? L’axe de la deuxième série d’exercices, comprendre les changements naturels, est plutôt diachronique,
explorant l’évolution naturelle du couple au cours du temps. Introduire les
notions de présent, passé et futur délivre au système une tout autre
perspective. Les activités visent à explorer comment chacun des membres du
système voit l’évolution de la relation. La troisième série d’exercices, les échanges de représentations symboliques,
porte sur la famille autour du couple et de son influence sur les
protagonistes. D’ailleurs, le génogramme y est abordé de plusieurs
façons : symbolique, imaginaire, interactif, projectif, etc. Finalement,
la quatrième série d’activités, le soi,
vise à faire ressortir les liens entre les dynamiques relationnelles propres à
la famille d’origine et celles qui posent actuellement problème au sein du
couple.
Le chapitre 6 de la deuxième partie est Applications en psychiatrie.
Il présente d’abord le modèle de Mony Elkaïm appliqué aux thérapies de couple.
Ce modèle explique que lorsqu’une personne a eu mal à un même endroit, d’une
manière plus ou moins régulière, elle tente de se protéger de ces contextes, de
ces relations, qui l’ont exposée au mal, en se forgeant une armure. Pour
reprendre l’exemple présenté au chapitre 3, une personne pourrait à la fois
penser : « Je veux que tu m’aides » et « Je ne crois pas
que tu puisses m’aider ». En effet, la seule façon que cette personne
accepte l’aide proposée est de renoncer à sa protection (le fait de ne pas
croire qu’elle puisse être aidée), ce qui l’expose à une chute encore plus
dure. Elkaïm propose donc l’hypothèse suivante : ce que je reproche à
l’autre serait quelque chose que ce dernier a mis en place pour m’aider à
maintenir mon armure. En d’autres mots, au sein d’une relation, l’un peut se
voir demander quelque chose par l’autre qui a besoin de continuer à ne pas
croire que cette chose est possible. Ainsi, le comportement que l’un reproche à
l’autre a comme fonction de protéger sa construction du monde (la sienne ou
celle de l’autre), c’est-à-dire que le symptôme a une fonction et un sens pour
l’autre, ce qui est la base fondamentale de l’approche systémique : la circularité. Il faut donc rechercher la
fonction et le sens du symptôme (pour le système) apparu et maintenu dans le
contexte, et vérifier les hypothèses avant de les prendre pour base
d’intervention. Pour concrétiser le tout, ce chapitre se termine par une
vignette clinique.
La troisième et dernière partie du livre, intitulée Applications à la famille – Le
thérapeute et la famille, commence par le chapitre 7 : Théorie
et hypothèses. Ce chapitre explique comment l’intervenant peut en
apprendre plus sur le fonctionnement des familles en questions, c’est-à-dire
celles qui viennent consulter pour une thérapie familiale. Tout d’abord, des
questions sont proposées au thérapeute afin qu’il puisse questionner ses
clients sur la raison de son « ticket d’entrée », car ce sont les
clients qui invitent le thérapeute à les aider et non l’inverse. Ce fameux
« ticket d’entrée » du thérapeute permet de contextualiser le besoin
de consultation, avant, pendant et après les rencontres. Ainsi, les auteurs
précisent l’importance de questionner : la demande, le symptôme, les
représentations mentales associées à la démarche thérapeutique, la vie
quotidienne, ainsi que les liens ou réseaux intra- et extra-familiaux. Pour
continuer, ce chapitre met l’accent sur les fratries, notamment les travaux de
Walter Toman sur Les constellations
fraternelles et les structures familiales qui s’interrogent sur les effets
de ces dernières sur la personnalité et le comportement, ce qui peut intéresser
tout intervenant en orientation ou en développement de carrière. Par exemple,
selon Toman, les fils uniques (étant l’une des constellations fraternelles) feraient
preuve de maturité intellectuelle précoce, d’une excellente stabilité
intérieure, d’un sens de l’objectivité, etc. Il serait donc pertinent de
questionner les clients sur leur fratrie. Enfin, ce chapitre discute des
grandes Écoles de thérapies familiales
systémiques, en mentionnant pour chacune d’entre elles, le modèle
systémique associé, les leaders historiques d’opinion et les grands principes
théoriques. Plus précisément, les modèles systémiques abordés sont les
suivants : École de Palo Alto et
centre de thérapies brèves, Thérapies
stratégiques, Thérapies structurales,
Thérapies intergénérationnelles, Thérapies expérientielles, et Constructivisme et constructionnisme social.
Toujours dans la troisième partie, le chapitre 8 s’intitule Exercices
pratiques. Comme son nom l’indique, plusieurs activités sont proposées
dans le but d’initier les processus de réflexion et la démarche
d’auto-questionnement chez les différents clients. Les exercices portent sur 12
thèmes, à commencer par l’histoire de la famille. Ce thème vise à répondre à la
question « D’où je viens et avec qui je suis? », à l’aide du génogramme familial et symbolique.
Le deuxième thème porte sur des scènes de la vie de famille et vise à répondre
à la question « Comment fait-on ensemble? ». Les activités proposées
sont l’imitation et le recours à des jeux symboliques. Le
troisième thème s’intéresse au rôle et à la fonction de chaque membre de la
famille, et pour ce faire, le théâtre de
déguisements et l’improvisation
sont très efficaces, notamment cette dernière qui oblige à être
« naturel ». Le quatrième thème, sur la reconnaissance de la famille,
présente des activités visant à aider les clients à reconnaître ce que leur
famille a de particulier. Les exercices proposés sont le questionnement à tour de rôle, les représentations en sculptures familiales réelles et
symboliques et la chaise vide de la
famille. Le cinquième thème porte sur l’entraide intrafamiliale et cherche à
répondre à la question « Comment s’entraide-t-on? », à l’aide des
activités suivantes : la promenade
aveugle, la traversée d’obstacles
et l’équipe à trois pieds. Le thème
suivant concerne les gratifications intrafamiliales et le but est d’amener les
clients (en couple ou en famille) à s’interroger sur « Comment nous
gratifions-nous entre nous? ». Les auteurs proposent l’exercice de l’un pour tous et du tous pour
un, qui consiste en un parcours de jeux psychomoteurs se couronnant par un
« cadeau surprise ». Le septième thème s’intéresse aux différentes
formes de communication et vise à mettre en évidence les patterns de
communication (du couple ou de la famille), afin de montrer aux participants
l’importance des messages non verbaux et de les interroger sur la congruence
entre ces messages et ceux qui sont verbaux. Les activités explicitées sont les jeux avec les tam-tams et les communications sans paroles. Le
huitième thème concerne la communication psychocorporelle. Le protocole de
thérapies psychocorporelles systémiques (TPCS) est présenté et consiste
essentiellement en des séances de massages filmées (entre les membres du couple
ou de la famille), puis commentées dans le but de mieux ressentir les besoins
de l’autre et d’être plus attentif aux rétroactions des thérapeutes.
S’inscrivant dans la continuité des exercices destinés à améliorer la
communication, ceux destinés à améliorer l’expression des sentiments sont
particulièrement importants, ce qui en fait l’objet du neuvième thème. Il est à
noter que les activités proposées pourraient être pertinentes pour n’importe
quel groupe visant à améliorer l’expression des sentiments et la capacité d’empathie,
d’autant plus qu’elles sont faciles d’application. Il s’agit des devinettes sentimentales (« Regardez-moi
et devinez ce que je ressens ») et des marionnettes
(« Dire et se dire avec des marionnettes »). Le dixième thème
s’intéresse aux repas en famille, notamment à la manière de partager un repas,
ce qui fournit énormément d’éléments d’information sur chaque personne. En
effet, les repas sont vus comme des moments privilégiés pour analyser le
système en question. Le onzième thème porte sur l’évolution dans le temps et
permet de questionner les participants à savoir « Comment évolue-t-on dans
le temps? » et « Quelle histoire construit-on ensemble? ». Les
techniques présentées par les auteurs sont les sculptures familiales diachroniques,
les albums photos, le petit théâtre des peluches de la famille,
les histoires sans fin réelles, mais avec
une fin symbolique, le jeu de l’oie systémique et le conte systémique. Finalement, le dernier
thème s’intéresse aux différentes façons de voir et d’être vu, où le but est
d’amener chaque protagoniste à se demander « Comment nous voyons-nous les
uns des autres? » et « Comment suis-je vu par les autres? ». Ce
genre d’interrogations peut d’ailleurs s’appliquer à de multiples contextes,
notamment en orientation et en développement de carrière. Pour identifier les
visions qu’ont les uns des autres, les activités proposées dans le livre
sont : le jeu des portraits
imaginaires et les enregistrements
vidéo.
Le dernier chapitre de la troisième partie, ainsi que de l’ouvrage en
question, s’intitule Applications en psychiatrie. Ce
neuvième chapitre permet d’intégrer entièrement la matière théorique de
l’ouvrage. En effet, pour présenter des applications générales en thérapie
familiale systémique, des cas cliniques sont exposés, allant du recueil des
données contextuelles, à la présentation du problème vu par chacun des
protagonistes, pour qu’ensuite les thérapeutes puissent émettre leurs
hypothèses. Viennent alors le recadrage et l’intervention, abordés selon les
différentes Écoles de thérapies
familiales systémiques énumérées au chapitre 7. Pour continuer, des
applications en psychiatrie infanto-juvénile sont présentées par l’entremise de
cas cliniques, c’est-à-dire que le lecteur peut « assister » à un
protocole thérapeutique original, où chacune des séances sont commentées. Ce
chapitre ajoute ensuite quelques propositions d’exercices lors d’une mise en
situation, afin d’entraîner le lecteur à développer sa technique en matière de
raisonnement systémique. Finalement, on retrouve des témoignages de familles,
sur la qualité de la prise en charge de leurs enfants, qui d’ailleurs semblent
très satisfaites du processus et très confiantes pour leur avenir.
4. Pertinence
pratique
L’ouvrage de Karine et Thierry Albernhe expose les fondements de la
thérapie systémique. Les professionnels de l’orientation et du développement de
carrière qui souhaiteraient faire l’usage d’une telle approche devraient avant
tout « questionner », car selon ces auteurs, pour aider, il faut
questionner. Se questionner sur les clients, questionner les clients et les
amener à se questionner sur eux-mêmes, mais aussi et surtout se questionner sur
soi-même dans sa relation aux clients. Ce triple questionnement est nécessaire
lors d’une prise en charge systémique, voire lors de toute prise en charge,
quels que soient les contextes (intervention individuelle ou de groupe,
formation ou enseignement, encadrement, gestion de personnel, etc.), quels que
soient les problèmes abordés et quels que soient les clients. Cet ouvrage
appelle aux intervenants à travailler sur eux-mêmes, à se renouveler sans
cesse, car un intervenant peut répéter les mêmes erreurs tout au long de sa
carrière s’il ne confronte pas sa pratique.
Une intervention réalisée sous une approche systémique se divise
principalement en trois étapes. D’abord, il faut implanter l’alliance
thérapeutique. Il faut interroger la personne sur plusieurs aspects, mais
surtout, il faut l’écouter, faire preuve d’empathie, et lui faire part de notre
compréhension, tout en s’assurant de la justesse de cette information par la
reformulation. La deuxième étape consiste à recycler l’information. En d’autres
mots, il faut repositionner le problème à un autre niveau, c’est-à-dire qu’il
n’est plus personnel, mais interpersonnel et contextuel. Le but est de recadrer
les croyances, d’aider le client à faire preuve de flexibilité dans sa construction
du monde. La troisième étape est la mise en situation, la déconstruction du
récit par l’utilisation d’exercices, d’activités qui permettent à la personne
de faire l’expérience de nouveaux apprentissages, d’une nouvelle façon de voir
les choses. C’est ainsi que le client en arrive à faire du sens de ses
difficultés, mais un nouveau sens, plus prometteur.
Parmi les avantages de cette approche, relevons le fait que le problème
n’est plus « le client », mais bien le contexte relationnel du
client. Sans désengager la personne, le fait de situer le problème à un autre
niveau permet de redonner de la force au client qui, bien souvent, se sent
découragé et responsable de ses malheurs. Cela permet à la personne de se
reprendre en main, de se responsabiliser. De plus, le fait de considérer le
client comme un système faisant partie du système de l’intervenant, donne
encore plus de « pouvoir » à ce dernier qui peut utiliser ses
ressources (son bagage de connaissances, entre autres) pour aider celui qui en
a besoin. Autant le client que le professionnel ont un rôle actif à jouer dans
la démarche, ce qui mobilise les forces de chacun. De plus, la dynamique entre
le client et l’intervenant est profitable dans les deux cas, c’est-à-dire que
l’aidant apprend de l’aidé et vice-versa. Le fait de modifier un système (le
client, par exemple) aura un impact sur d’autres systèmes, et ce, à plusieurs
niveaux (comme la famille, le conjoint, les enfants, les collègues, etc.). En
effet, chaque démarche avec les clients permet à l’intervenant de transposer
ses nouveaux apprentissages dans sa pratique comme dans sa vie personnelle.
D’où la grandeur de l’influence systémique. D’autre part, cette approche s’intéressant
à l’impact des interventions encourage les professionnels à demander une
rétroaction suite aux processus, ce qui ne fait qu’enrichir leur pratique et
grandir leur personne, en plus de pouvoir constater le résultat de leurs
interventions, selon le point de vue des clients. Finalement, cet ouvrage offre
de multiples idées d’exercices à réaliser et il ne tient qu’aux intervenants
d’adapter ces outils à leur couleur et à celle de leurs clients.
Bibliographie
Centre
médico-psycho-pédagogique. (2013, mise à jour le 14 mai). Dans Wikipédia.
Récupéré de http://fr.wikipedia.org/wiki/Centre_m%C3%A9dico-psycho-p%C3%A9dagogique
Decitre. (n.d.). 10 résultats pour auteur : Thierry
Albernhe. Récupéré le 15 octobre 2013 de http://www.decitre.fr/auteur/193740/Thierry+Albernhe/
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