lundi 19 mai 2014

DE LA LECTURE À LA PRATIQUE ... Applications en thérapie familiale systémique (Sophie Dumontier-Houle)

Voir toutes les publications d'Orientation pour tous !

sur une seule page Facebook !

Cliquez sur ICI !
------------------------------------------------------------------------------------

 De la lecture à la pratique ...

Compte-rendu de l'ouvrage 



Albernhe, K. et Albernhe, T. (2008). Applications en thérapie familiale systémique. Issy-les-Moulineaux, France : Masson. ISBN : 9782294703607


Produit par : 

SOPHIE DUMONTIER-HOULE
Finissante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM


Sous la direction : 
Louis Cournoyer, professeur
Université du Québec à Montréal 


N.B. Le texte qui suit peut être téléchargé à partir du site Orientaction à l'adresse URL suivante : CLIQUEZ ICI !



1. Avant-propos : stratégies d’intervention à saveur systémique
Il serait si simple de comprendre l’humain si tout était régi par la loi de « cause à effet ». Cependant, il s’avère que nous sommes plus complexes que cela. Les clients en orientation et en développement de carrière viennent souvent consulter pour des problèmes bien spécifiques, mais il importe de découvrir ce qui sous-tend ces difficultés pour pouvoir intervenir adéquatement. D’autre part, les intervenants ont eux aussi un vécu, un bagage plus ou moins lourd à traîner, qui filtre leurs façons de penser, de comprendre, d’interagir, et bien sûr, d’aider.
Pour Karine et Thierry Albernhe, chaque individu est un système, en interaction avec les autres qui représentent eux aussi des systèmes. Comme si cela était trop simple, tous ces systèmes forment un autre système lorsqu’ils sont mis en contact. Ainsi, un système peut être à la fois une seule personne, mais aussi deux ou plusieurs personnes en interaction. Il en va de soi que l’intervenant et ses clients n’en font pas exceptions. D’où l’importance pour les professionnels œuvrant en orientation et en développement de carrière de chercher constamment à s’améliorer dans leur pratique et d’être conscients de leur impact sur les clients. Cet ouvrage permet une réflexion sur soi, en tant qu’aidant, et offre des outils concrets pour affronter l’incertitude, la complexité de la relation d’aide. D’autre part, il est explicitement mentionné que les exercices présentés sont à titre indicatif seulement et doivent être adaptés aux différents contextes. D’ailleurs, la reproductibilité exacte est impossible et non souhaitable. Chaque intervenant a une couleur et ce n’est que par la pratique, enrichie par la rétroaction, qu’il parviendra à colorer ses interventions et à s’améliorer. Bref, celui qui cherche, par la lecture de cet ouvrage, des recettes toutes faites et des réassurances se verra déçu.
Ce texte traite du livre Applications en thérapie familiale systémique de Karine Albernhe et Thierry Albernhe. Paru en 2008, il est un complément du traité général Les thérapies familiales systémiques, rédigé par les mêmes auteurs et publié par le même éditeur.
2. Qui sont Karine et Thierry Albernhe ?
Karine Albernhe est pédopsychiatre en Centre médico-psycho-pédagogique (CMPP), en psychiatrie infanto-juvénile, et formatrice en thérapie familiale à Avignon, en France. Thierry Albernhe, quant à lui, est praticien et chef de service en psychiatrie infanto-juvénile au centre hospitalier de Montfavet, en France. Thierry Albernhe compte parmi les auteurs des ouvrages suivants, sinon le seul auteur : Psychiatrie légale. Sociale, Hospitalière, Expertale (1995); L'enveloppement humide thérapeutique (1997); Criminologie et psychiatrie (1997); Psychiatrie et handicap. Aspects médico-légaux et administratifs (1997). De plus, Karine et Thierry Albernhe se sont associés pour la rédaction des ouvrages suivants : Les thérapies familiales systémiques (1999); Organisation des soins en psychiatrie (2003); Les thérapies familiales systémiques : 2e édition (2004); Les thérapies familiales systémiques : 3e édition (2008); Applications en thérapie familiale systémique (2008); Applications en thérapie familiale systémique : 2e édition revue et augmentée (2013).
3. Compte rendu commenté de l’ouvrage de Karine et Thierry Albernhe
L’ouvrage compte 277 pages réparties en 3 parties. La première partie, qui comprend les chapitres 1, 2 et 3, expose les applications à l’individu de la thérapie familiale systémique, notamment le travail sur soi du patient, mais aussi du thérapeute. Les chapitres s’intitulent, dans l’ordre, Théorie et hypothèses, Exercices pratiques et Applications en psychiatrie. Il est pertinent de mentionner le titre des chapitres, car les deux autres parties constituant le livre suivent la même logique. En effet, de par la même structure que la première partie, la seconde discute des applications au couple de la thérapie familiale systémique, constituée des chapitres 4, 5 et 6, et la troisième partie élabore sur les applications à la famille de ladite thérapie, à travers les chapitres 7, 8 et 9.
L’Introduction explique que cet ouvrage est en fait un manuel d’entraînement à des exercices concrets, s’adressant aux psychothérapeutes systémiciens, en complément du livre Les thérapies familiales systémiques (paru chez le même éditeur). Il vise à rendre plus concrète la théorie afin d’engendrer un « cercle vertueux » qui permet à la fois à la pratique et à la théorie de se développer sans cesse. Même s’il s’adresse à des psychothérapeutes, toute personne œuvrant en relation d’aide peut s’y retrouver, en ce sens que ce livre encourage la remise en question et le travail sur soi-même pour pouvoir aider les autres à faire de même. En effet, selon la pensée systémique, le patient et l’aidant sont interreliés, et cette dynamique transactionnelle complexe engendre des interactions réciproques qui modifient l’un et l’autre, mais aussi leur entourage. Il faut donc considérer plusieurs niveaux d’interventions, notamment le niveau individuel, le niveau du couple, et celui de la famille, qui sont explorés plus en détail dans le présent ouvrage.
La première partie du livre, intitulée Applications à l’individu – Le travail sur soi du patient… et du thérapeute, se divise en trois chapitres, à commencer par Théorie et hypothèses. Ce chapitre explique d’abord comment s’est construite la connaissance de soi, cette dernière étant fondamentale en orientation et en développement de carrière. Selon les auteurs, dès la Grèce Antique, on s’interrogeait sur l’importance de bien se connaître, puisque la croyance était que les hommes appartenaient aux Dieux et qu’ils devaient être conscients de leurs limites, de leur mortalité. On véhiculait la phrase « Connais-toi toi-même, et laisse le monde aux Dieux ». Par la suite, Socrate a longuement philosophé sur la première partie de la phrase, à en devenir le père fondateur de la connaissance de soi. Selon la pensée systémique, c’est dans le regard et l’écoute de l’autre que nous nous découvrons. Il faut donc se connaître soi-même, en interrelation, pour que naisse un « plus » qui multiplie les possibilités de chacun (le produit est plus que la somme de ses parties). Dans d’autres cultures, la recherche de la connaissance de soi se révèle par le chamanisme et les expériences avec transes et extases, parfois avec l’aide de substances stupéfiantes. Bref, après avoir relaté un court historique de la connaissance de soi, ce chapitre explique l’apport de la pensée systémique à la connaissance de soi. En effet, plusieurs outils et méthodes systémiques sont utilisés à cette fin. D’abord, l’historiogramme est l’étude diachronique des grands événements vitaux d’un individu ou d’un groupe d’individus, permettant à l’intervenant de connaître explicitement les événements marquants dans la vie d’une personne, mais orientant aussi vers l’implicite, le non-dit. De plus, l’historiogramme peut permettre à une personne en réorientation professionnelle de retrouver un fil conducteur à sa vie, face à des exigences de plus en plus complexes. Le génogramme (permettant de s’interroger en profondeur sur ses racines) et le sociogramme (ou carte des réseaux, pour se rendre compte visuellement de la richesse des interrelations entre le client ou l’intervenant et leur entourage respectif) sont deux autres outils explicités dans le livre favorisant l’exploration de soi et pouvant être grandement utiles en contexte d’orientation ou de développement de carrière. Enfin, les techniques modernes de vidéo-systémique, discutées dans le livre, permettent non seulement une rétroaction immédiate et incontestable au client, mais ce dernier peut retrancher ou déplacer des séquences filmées pour reconstruire son histoire. Malgré qu’elles soient coûteuses en temps et énergie, ces techniques peuvent être utiles en orientation et en développement de carrière, car elles mettent en évidence des schémas relationnels récurrents, permettent de recadrer des échanges, parviennent à donner du sens à des comportements inexplicables (grâce au recul sur le contexte), etc. Finalement, ce chapitre explique comment concevoir la formation d’un intervenant systémicien, en abordant les qualités requises ainsi que diverses façons de transmettre son savoir, de développer son propre savoir-être et de travailler sur ses blocages, entre autres.
Le chapitre 2 de la première partie s’intitule Exercices pratiques. Il s’agit d’entraînements qui, sans être destinés à travailler spécifiquement la connaissance de soi, aideront l’intervenant dans cette voie, en lui faisant comprendre que c’est souvent en ne cherchant pas que l’on trouve. En effet, selon les auteurs, la connaissance de soi s’acquiert au fil des rencontres, des expériences, des lectures et des formations, entre autres. Ce chapitre explicite 11 différents exercices systémiques à réaliser seul ou en groupe, à des fins de formation pour les intervenants ou pour enrichir la réflexion de nos clients. Il serait intéressant d’aborder chacun d’entre eux, mais la complexité des exercices se prête mal à un simple résumé (il vaut mieux se référer directement au livre), sans compter la contrainte d’espace. En voici tout de même un exemple, soit Le petit théâtre des jeux relationnels. Le formateur (ou l’intervenant) lit un préambule, sous la forme d’une histoire simple et imagée, racontant la vie d’une personne qui apprend à revêtir des habits (ou des masques) en fonction de différents contextes. Après avoir discuté de l’histoire, il est possible d’inviter le ou les participant(s) à se poser les questions suivantes :  Quel personnage est-ce que je joue habituellement? Qu’en est-il de mes proches, de mes amis, de mes collègues? Puis-je observer une relation de complémentarité ou de symétrie entre moi et les autres? Puis-je décrire cette relation et lui donner sens? Et ainsi de suite.
Le chapitre 3 de la première partie s’intitule Applications en psychiatrie. Il explique comment nous pouvons nous servir du vécu, de la résonance que nous fait vivre le client, comme un atout, un pont unique et singulier entre nos constructions du monde respectives, au lieu d’en faire un handicap. En d’autres mots, nos sentiments et notre vécu, à titre d’intervenant, peuvent devenir des moteurs dans le processus, à condition de savoir les analyser. Il faut se poser les questions suivantes : Quelles cordes sensibles fait vibrer en moi le client? À quoi sert au client, et à moi-même, une telle résonance? Bref, en tant qu’intervenants en développement de carrière et en orientation, il faut être conscients qu’une sensibilité particulière insuffisamment travaillée peut nous faire prendre inconsciemment une position qui bloquera le système, qui l’empêchera d’évoluer, d’où l’importance de la formation et de la supervision. Par exemple, un client demande de l’aide à un conseiller d’orientation, mais en ne croyant pas vraiment pouvoir être aidé (puisque ses parents n’ont jamais été là pour lui). D’autre part, l’intervenant voudrait aider le client, mais ne croit pas réussir à aider ceux qui espèrent trop de lui (marqué par la mort de sa mère où il s’était senti impuissant). Si le conseiller d’orientation répond qu’il ne peut pas aider, ou s’il échoue dans ses tentatives, le client confirmera le bien-fondé de sa conviction que personne ne peut l’aider. Pour éviter cela, l’intervenant doit créer un contexte de sécurité affective et offrir à son client la possibilité de flexibiliser sa construction du monde (« Je ne peux pas croire que je puisse être aidé ») sans se sentir en danger (sans avoir peur de faire confiance et d’être déçu). Le conseiller d’orientation pourrait même demander au client de lui parler de la manière dont il ne l’aide soi-disant pas, pour que le client « vide son sac ». Se sentant ainsi écouté et n’ayant plus peur du danger de la désillusion, il comprendra qu’il est possible de se faire aider.
La deuxième partie du livre, intitulée Applications au couple – Le thérapeute et le couple, se divise de la même façon que la partie précédente, à commencer par le chapitre 4 : Théorie et hypothèses. En premier lieu, ce chapitre explique comment appliquer les grands principes systémiques au couple. Pour ce faire, voici quelques notions incontournables à retenir, à commencer par les lois de la première cybernétique. La loi de la totalité du système signifie que le système forme un tout, une entité composée d’éléments interdépendants les uns des autres, donc il suffit de s’intéresser à un axe pour obtenir un impact sur l’ensemble du système. La loi de non-sommativité des éléments postule que les interactions entraînent des multiplications et non de simples additions, d’où l’existence de propriétés émergentes, tel que mentionné précédemment (le produit est plus que la somme de ses parties). La loi de l’équifinalité affirme que le même effet n’a pas les mêmes causes, et les mêmes contextes causaux n’ont pas les mêmes effets, donc les hypothèses ou conjectures linéaires et causalistes ne sont pas opérantes. Enfin, l’homéostasie en thérapie systémique est une manière métaphorique de parler du fonctionnement autorégulé d’un système (un couple, une famille ou un groupe, par exemple). Il s’agit du maintien dynamique de l’équilibre du système grâce à des variations rétroactives négatives ou positives. La cybernétique de second ordre, quant à elle, a permis d’élaborer la théorie de l’observation participante selon laquelle un observateur (l’intervenant) modifie toujours le système qu’il s’efforce d’observer. Ce chapitre explique aussi la fonction et le sens du symptôme dans une thérapie systémique, le symptôme étant une adaptation fonctionnelle à un contexte environnemental. Sa fonction est donc de « signaler une régulation dysfonctionnelle et souffrante des tensions interactionnelles[1] » et son sens est de « révéler un idéal partagé de fonctionnement commun auquel s’accrochent les protagonistes pour maintenir le système en l’état et garantir la pérennité des valeurs transmises.[2] » Bref, les symptômes constatés seraient en fait des rétroactions homéostatiques chargées de ramener le système à son état d’équilibre initial (voir l’homéostasie). À titre d’exemple, la dépression (symptôme) d’un client rencontré en counseling pourrait être le résultat de nombreuses disputes entre lui et son supérieur hiérarchique. À partir de là, l’intervenant peut appliquer des grilles de lecture, selon différentes approches, pour envisager diverses hypothèses heuristiques quant aux fonctions et aux sens du symptôme. Il doit ensuite se demander comment offrir un contexte de sécurité affective qui permettra de flexibiliser les règles du système afin que le client n’ait plus à jouer ce rôle de rétroaction négative qui ramène obstinément le système vers l’état d’équilibre antérieur. Ce chapitre discute ensuite du fonctionnement des couples en questions. Plusieurs questions sont proposées aux intervenants afin qu’ils en apprennent davantage sur leurs clients, notamment sur leur construction du monde, sur le poids du transgénérationnel (« patterns » de fonctionnement familial) et des modèles identificatoires (parentaux ou autres). Ces questions pourraient d’ailleurs être tout aussi pertinentes en contexte de counseling de carrière. Finalement, ce chapitre discute de trois étapes essentielles du processus thérapeutique : l’alliance thérapeutique, le recyclage de l’information (grâce aux techniques de déplacement du problème et du recadrage) et les mises en situations expérientielles.
Suivant la même logique que la première partie, le chapitre 5 de la deuxième partie s’intitule Exercices pratiques. Puisque la majorité des conflits de couple provient de troubles de la communication, ce chapitre s’attarde à décrire plusieurs exercices pratiques, simples, efficaces et reproductibles, destinés à favoriser la communication. Il est à noter que les troubles de la communication peuvent tout autant faire l’objet d’une consultation en développement de carrière ou en orientation, et les exercices présentés dans l’ouvrage pourraient facilement être adaptés à différents contextes. Ce chapitre se divise en quatre séries d’activités. La première série se nomme l’infini du couple et elle s’intéresse à l’ici et maintenant du couple. Les exercices permettent de définir une identité au couple : Qui est-il? Dans quel état est-il? L’axe de la deuxième série d’exercices, comprendre les changements naturels, est plutôt diachronique, explorant l’évolution naturelle du couple au cours du temps. Introduire les notions de présent, passé et futur délivre au système une tout autre perspective. Les activités visent à explorer comment chacun des membres du système voit l’évolution de la relation. La troisième série d’exercices, les échanges de représentations symboliques, porte sur la famille autour du couple et de son influence sur les protagonistes. D’ailleurs, le génogramme y est abordé de plusieurs façons : symbolique, imaginaire, interactif, projectif, etc. Finalement, la quatrième série d’activités, le soi, vise à faire ressortir les liens entre les dynamiques relationnelles propres à la famille d’origine et celles qui posent actuellement problème au sein du couple.
Le chapitre 6 de la deuxième partie est Applications en psychiatrie. Il présente d’abord le modèle de Mony Elkaïm appliqué aux thérapies de couple. Ce modèle explique que lorsqu’une personne a eu mal à un même endroit, d’une manière plus ou moins régulière, elle tente de se protéger de ces contextes, de ces relations, qui l’ont exposée au mal, en se forgeant une armure. Pour reprendre l’exemple présenté au chapitre 3, une personne pourrait à la fois penser : « Je veux que tu m’aides » et « Je ne crois pas que tu puisses m’aider ». En effet, la seule façon que cette personne accepte l’aide proposée est de renoncer à sa protection (le fait de ne pas croire qu’elle puisse être aidée), ce qui l’expose à une chute encore plus dure. Elkaïm propose donc l’hypothèse suivante : ce que je reproche à l’autre serait quelque chose que ce dernier a mis en place pour m’aider à maintenir mon armure. En d’autres mots, au sein d’une relation, l’un peut se voir demander quelque chose par l’autre qui a besoin de continuer à ne pas croire que cette chose est possible. Ainsi, le comportement que l’un reproche à l’autre a comme fonction de protéger sa construction du monde (la sienne ou celle de l’autre), c’est-à-dire que le symptôme a une fonction et un sens pour l’autre, ce qui est la base fondamentale de l’approche systémique : la circularité. Il faut donc rechercher la fonction et le sens du symptôme (pour le système) apparu et maintenu dans le contexte, et vérifier les hypothèses avant de les prendre pour base d’intervention. Pour concrétiser le tout, ce chapitre se termine par une vignette clinique.
La troisième et dernière partie du livre, intitulée Applications à la famille – Le thérapeute et la famille, commence par le chapitre 7 : Théorie et hypothèses. Ce chapitre explique comment l’intervenant peut en apprendre plus sur le fonctionnement des familles en questions, c’est-à-dire celles qui viennent consulter pour une thérapie familiale. Tout d’abord, des questions sont proposées au thérapeute afin qu’il puisse questionner ses clients sur la raison de son « ticket d’entrée », car ce sont les clients qui invitent le thérapeute à les aider et non l’inverse. Ce fameux « ticket d’entrée » du thérapeute permet de contextualiser le besoin de consultation, avant, pendant et après les rencontres. Ainsi, les auteurs précisent l’importance de questionner : la demande, le symptôme, les représentations mentales associées à la démarche thérapeutique, la vie quotidienne, ainsi que les liens ou réseaux intra- et extra-familiaux. Pour continuer, ce chapitre met l’accent sur les fratries, notamment les travaux de Walter Toman sur Les constellations fraternelles et les structures familiales qui s’interrogent sur les effets de ces dernières sur la personnalité et le comportement, ce qui peut intéresser tout intervenant en orientation ou en développement de carrière. Par exemple, selon Toman, les fils uniques (étant l’une des constellations fraternelles) feraient preuve de maturité intellectuelle précoce, d’une excellente stabilité intérieure, d’un sens de l’objectivité, etc. Il serait donc pertinent de questionner les clients sur leur fratrie. Enfin, ce chapitre discute des grandes Écoles de thérapies familiales systémiques, en mentionnant pour chacune d’entre elles, le modèle systémique associé, les leaders historiques d’opinion et les grands principes théoriques. Plus précisément, les modèles systémiques abordés sont les suivants : École de Palo Alto et centre de thérapies brèves, Thérapies stratégiques, Thérapies structurales, Thérapies intergénérationnelles, Thérapies expérientielles, et Constructivisme et constructionnisme social.
Toujours dans la troisième partie, le chapitre 8 s’intitule Exercices pratiques. Comme son nom l’indique, plusieurs activités sont proposées dans le but d’initier les processus de réflexion et la démarche d’auto-questionnement chez les différents clients. Les exercices portent sur 12 thèmes, à commencer par l’histoire de la famille. Ce thème vise à répondre à la question « D’où je viens et avec qui je suis? », à l’aide du génogramme familial et symbolique. Le deuxième thème porte sur des scènes de la vie de famille et vise à répondre à la question « Comment fait-on ensemble? ». Les activités proposées sont l’imitation et le recours à des jeux symboliques. Le troisième thème s’intéresse au rôle et à la fonction de chaque membre de la famille, et pour ce faire, le théâtre de déguisements et l’improvisation sont très efficaces, notamment cette dernière qui oblige à être « naturel ». Le quatrième thème, sur la reconnaissance de la famille, présente des activités visant à aider les clients à reconnaître ce que leur famille a de particulier. Les exercices proposés sont le questionnement à tour de rôle, les représentations en sculptures familiales réelles et symboliques et la chaise vide de la famille. Le cinquième thème porte sur l’entraide intrafamiliale et cherche à répondre à la question « Comment s’entraide-t-on? », à l’aide des activités suivantes : la promenade aveugle, la traversée d’obstacles et l’équipe à trois pieds. Le thème suivant concerne les gratifications intrafamiliales et le but est d’amener les clients (en couple ou en famille) à s’interroger sur « Comment nous gratifions-nous entre nous? ». Les auteurs proposent l’exercice de l’un pour tous et du tous pour un, qui consiste en un parcours de jeux psychomoteurs se couronnant par un « cadeau surprise ». Le septième thème s’intéresse aux différentes formes de communication et vise à mettre en évidence les patterns de communication (du couple ou de la famille), afin de montrer aux participants l’importance des messages non verbaux et de les interroger sur la congruence entre ces messages et ceux qui sont verbaux. Les activités explicitées sont les jeux avec les tam-tams et les communications sans paroles. Le huitième thème concerne la communication psychocorporelle. Le protocole de thérapies psychocorporelles systémiques (TPCS) est présenté et consiste essentiellement en des séances de massages filmées (entre les membres du couple ou de la famille), puis commentées dans le but de mieux ressentir les besoins de l’autre et d’être plus attentif aux rétroactions des thérapeutes. S’inscrivant dans la continuité des exercices destinés à améliorer la communication, ceux destinés à améliorer l’expression des sentiments sont particulièrement importants, ce qui en fait l’objet du neuvième thème. Il est à noter que les activités proposées pourraient être pertinentes pour n’importe quel groupe visant à améliorer l’expression des sentiments et la capacité d’empathie, d’autant plus qu’elles sont faciles d’application. Il s’agit des devinettes sentimentales (« Regardez-moi et devinez ce que je ressens ») et des marionnettes (« Dire et se dire avec des marionnettes »). Le dixième thème s’intéresse aux repas en famille, notamment à la manière de partager un repas, ce qui fournit énormément d’éléments d’information sur chaque personne. En effet, les repas sont vus comme des moments privilégiés pour analyser le système en question. Le onzième thème porte sur l’évolution dans le temps et permet de questionner les participants à savoir « Comment évolue-t-on dans le temps? » et « Quelle histoire construit-on ensemble? ». Les techniques présentées par les auteurs sont les sculptures familiales diachroniques, les albums photos, le petit théâtre des peluches de la famille, les histoires sans fin réelles, mais avec une fin symbolique, le  jeu de l’oie systémique et le conte systémique. Finalement, le dernier thème s’intéresse aux différentes façons de voir et d’être vu, où le but est d’amener chaque protagoniste à se demander « Comment nous voyons-nous les uns des autres? » et « Comment suis-je vu par les autres? ». Ce genre d’interrogations peut d’ailleurs s’appliquer à de multiples contextes, notamment en orientation et en développement de carrière. Pour identifier les visions qu’ont les uns des autres, les activités proposées dans le livre sont : le jeu des portraits imaginaires et les enregistrements vidéo.
Le dernier chapitre de la troisième partie, ainsi que de l’ouvrage en question, s’intitule Applications en psychiatrie. Ce neuvième chapitre permet d’intégrer entièrement la matière théorique de l’ouvrage. En effet, pour présenter des applications générales en thérapie familiale systémique, des cas cliniques sont exposés, allant du recueil des données contextuelles, à la présentation du problème vu par chacun des protagonistes, pour qu’ensuite les thérapeutes puissent émettre leurs hypothèses. Viennent alors le recadrage et l’intervention, abordés selon les différentes Écoles de thérapies familiales systémiques énumérées au chapitre 7. Pour continuer, des applications en psychiatrie infanto-juvénile sont présentées par l’entremise de cas cliniques, c’est-à-dire que le lecteur peut « assister » à un protocole thérapeutique original, où chacune des séances sont commentées. Ce chapitre ajoute ensuite quelques propositions d’exercices lors d’une mise en situation, afin d’entraîner le lecteur à développer sa technique en matière de raisonnement systémique. Finalement, on retrouve des témoignages de familles, sur la qualité de la prise en charge de leurs enfants, qui d’ailleurs semblent très satisfaites du processus et très confiantes pour leur avenir.


4. Pertinence pratique
L’ouvrage de Karine et Thierry Albernhe expose les fondements de la thérapie systémique. Les professionnels de l’orientation et du développement de carrière qui souhaiteraient faire l’usage d’une telle approche devraient avant tout « questionner », car selon ces auteurs, pour aider, il faut questionner. Se questionner sur les clients, questionner les clients et les amener à se questionner sur eux-mêmes, mais aussi et surtout se questionner sur soi-même dans sa relation aux clients. Ce triple questionnement est nécessaire lors d’une prise en charge systémique, voire lors de toute prise en charge, quels que soient les contextes (intervention individuelle ou de groupe, formation ou enseignement, encadrement, gestion de personnel, etc.), quels que soient les problèmes abordés et quels que soient les clients. Cet ouvrage appelle aux intervenants à travailler sur eux-mêmes, à se renouveler sans cesse, car un intervenant peut répéter les mêmes erreurs tout au long de sa carrière s’il ne confronte pas sa pratique.
Une intervention réalisée sous une approche systémique se divise principalement en trois étapes. D’abord, il faut implanter l’alliance thérapeutique. Il faut interroger la personne sur plusieurs aspects, mais surtout, il faut l’écouter, faire preuve d’empathie, et lui faire part de notre compréhension, tout en s’assurant de la justesse de cette information par la reformulation. La deuxième étape consiste à recycler l’information. En d’autres mots, il faut repositionner le problème à un autre niveau, c’est-à-dire qu’il n’est plus personnel, mais interpersonnel et contextuel. Le but est de recadrer les croyances, d’aider le client à faire preuve de flexibilité dans sa construction du monde. La troisième étape est la mise en situation, la déconstruction du récit par l’utilisation d’exercices, d’activités qui permettent à la personne de faire l’expérience de nouveaux apprentissages, d’une nouvelle façon de voir les choses. C’est ainsi que le client en arrive à faire du sens de ses difficultés, mais un nouveau sens, plus prometteur.
Parmi les avantages de cette approche, relevons le fait que le problème n’est plus « le client », mais bien le contexte relationnel du client. Sans désengager la personne, le fait de situer le problème à un autre niveau permet de redonner de la force au client qui, bien souvent, se sent découragé et responsable de ses malheurs. Cela permet à la personne de se reprendre en main, de se responsabiliser. De plus, le fait de considérer le client comme un système faisant partie du système de l’intervenant, donne encore plus de « pouvoir » à ce dernier qui peut utiliser ses ressources (son bagage de connaissances, entre autres) pour aider celui qui en a besoin. Autant le client que le professionnel ont un rôle actif à jouer dans la démarche, ce qui mobilise les forces de chacun. De plus, la dynamique entre le client et l’intervenant est profitable dans les deux cas, c’est-à-dire que l’aidant apprend de l’aidé et vice-versa. Le fait de modifier un système (le client, par exemple) aura un impact sur d’autres systèmes, et ce, à plusieurs niveaux (comme la famille, le conjoint, les enfants, les collègues, etc.). En effet, chaque démarche avec les clients permet à l’intervenant de transposer ses nouveaux apprentissages dans sa pratique comme dans sa vie personnelle. D’où la grandeur de l’influence systémique. D’autre part, cette approche s’intéressant à l’impact des interventions encourage les professionnels à demander une rétroaction suite aux processus, ce qui ne fait qu’enrichir leur pratique et grandir leur personne, en plus de pouvoir constater le résultat de leurs interventions, selon le point de vue des clients. Finalement, cet ouvrage offre de multiples idées d’exercices à réaliser et il ne tient qu’aux intervenants d’adapter ces outils à leur couleur et à celle de leurs clients.
Bibliographie
Centre médico-psycho-pédagogique. (2013, mise à jour le 14 mai). Dans Wikipédia. Récupéré de http://fr.wikipedia.org/wiki/Centre_m%C3%A9dico-psycho-p%C3%A9dagogique
Decitre. (n.d.). 10 résultats pour auteur : Thierry Albernhe. Récupéré le 15 octobre 2013 de http://www.decitre.fr/auteur/193740/Thierry+Albernhe/





[1] Albernhe, K. et Albernhe, T. (2008). Applications en thérapie familiale systémique. Issy-les-Moulineaux, France : Masson.
[2] Ibid.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.