lundi 29 septembre 2014

La balance des attributions (Valérie Lavigueur) - Guide de stratégies d'interventions orientantes, 3ième édition


LA BALANCE DES ATTRIBUTIONS
Valérie Lavigueur, étudiante à la maîtrise en carriérologie (UQAM)

OBJECTIFS

Objectif général : Modifier les perceptions d’un client aux prises avec des sentiments intenses de tristesse, de honte ou de culpabilité à la suite d’un événement perçu comme traumatisant (violence physique ou verbale, perte d’un collègue, etc.) et pour lequel on identifie des répercussions au niveau professionnel.
Objectifs spécifiques :
û  Mieux comprendre les facteurs qui sont considérés par le client comme des éléments responsables de l’événement;
û  Aider le client à remettre en question certaines attributions qui entraînent de la détresse et à envisager d’autres facteurs qui pourraient aussi avoir joué un rôle dans l’événement;
û  Prendre conscience de la nouvelle réalité pour favoriser le maintien ou le retour en emploi;
û  Accompagner le sujet dans le développement de ressources cognitives, conatives et sociales rattachées au concept de la résilience (Pourtois, Humbeeck et Desmet, 2012)

MISE EN CONTEXTE ET PROCÉDURE D’INTERVENTION
*Matériel requis : table, deux verres en plastique, eau, balance (ou règle et crayon).

Cette activité trouve son utilité auprès d’une clientèle de tous âges présentant des symptômes post-traumatiques ainsi que des sentiments d’inexactitude et de remords. On peut parler entre autres d’une agression sur le lieu de travail, ou encore du décès d’un collègue à la suite d’un événement tragique, engendrant des craintes de maintien ou de retour en emploi. Le client présente ainsi une détresse qui semble découler de son interprétation des facteurs responsables de l’événement traumatique, l’empêchant par le fait même d’entamer ou de poursuivre son cheminement professionnel.

La première étape consiste à déposer une balance de Roberval sur une table entre vous et le client, et y placer séparément les verres en plastique (dans le cas où vous n’avez pas de balance de ce type, vous pouvez employer la technique illustrée dans l’image ci-dessous).

http://www.scientic.ca/img_scientic/883/balance.jpg

La deuxième étape consiste à utiliser la balance comme une tarte d’attributions et d’y schématiser l’importance des divers facteurs causaux qui, selon le client, pourraient être responsables de l’événement. Autrement dit, le sujet doit réfléchir aux différentes causes qui, d’après lui, expliquent la survenue de l’événement. Par exemple, il peut s’agir de son sentiment d’incompétence, de son impression d’inintelligence ou encore de manque de rapidité d’exécution. Le client doit ainsi identifier les causes responsables qui se rattachent à sa personne (facteurs internes) et aux autres facteurs qui ne relèvent pas de sa personne (facteurs externes).

La troisième étape consiste à ce que le sujet énumère un par un les facteurs causaux trouvés. Pour chacune de ces causes responsables, le client doit verser de l’eau dans un des verres, selon s’ils s’agissent de facteurs internes ou externes,  en mesurant bien la quantité d’eau selon le pourcentage d’attribution de la cause à l’événement traumatisant. Par exemple, la personne peut percevoir trois principales causes responsables, soit son sentiment d’incompétence (verser de l’eau jusqu’à la moitié du verre à sa gauche), son inintelligence (ajouter à ce même verre 1/5 d’eau) ainsi que le contexte économique (verser 1/8 d’eau dans le verre de droite). Il est important ici que le conseiller pousse la réflexion du client lorsque ce dernier nomme un facteur causal et qu’il y ait présence d’un échange empathique. 

Une fois que le client a énuméré tous les facteurs, le conseiller peut passer à la quatrième étape, qui vise principalement à amener le sujet à s’interroger quant à l’importance qu’il accorde aux différentes causes responsables. Le conseiller pose alors trois questions à la personne :
1.   En examinant la balance, êtes-vous bien sûr(e) que chacun des éléments a sa part équitable de responsabilité ? Se pourrait-il que la responsabilité d’un ou de plusieurs facteurs soit exagérée ? (Brillon, 2013)
2.   Se pourrait-il que d’autres facteurs aient pu aussi jouer ? Par exemple, avez-vous considéré le rôle du hasard, du contexte social, de votre environnement, de la destinée, ou de la personne présente avec vous lors de l’événement, dans votre évaluation? Pourquoi? (Brillon, 2013)
  1. Si vous aviez à refaire cet exercice, comment répartiriez-vous les responsabilités maintenant ? (Brillon, 2013)

Cette étape cherche à illustrer la présence de certaines distorsions cognitives quant aux facteurs internes et externes, tout en tentant de permettre au client de penser aux autres facteurs non considérés.

La dernière étape consiste à accompagner le client vers une réévaluation de la responsabilité de chacun des facteurs. Partant de ce fait, le conseiller et le client échangent à propos des preuves appuyant et réfutant l’interprétation que l’événement aurait pu être empêché, ainsi que des façons envisagées de considérer les causes responsables de l’incident. Il est important de demander au client de reconsidérer l’importance de chacun des facteurs de la façon la plus objective possible et de vérifier si tous les éléments potentiels ont été envisagés. Par la suite, on considère d’autres causes qui ne lui semblaient pas pertinentes auparavant. On peut terminer l’activité en demandant au client de refaire la distribution des causes responsables en y versant maintenant la bonne quantité d’eau dans chacun des verres, selon s’ils s’agissent toujours de facteurs internes ou externes.

Si l’on reprend l’approche de Pourtois, Humbeeck et Desmet (2012), cet exercice permet à l’individu de développer des ressources rattachées au concept de la résilience, dans le sens où le sujet consent à faire preuve d’optimisme et de réalisme, tout en manifestant une aptitude à la narration de soi. Le conseiller peut également utiliser l’outil pour mieux comprendre et travailler les attributions du client face à ses comportements lors de l’événement, face à ses symptômes post-traumatiques et/ou face à l’attitude de son entourage.

MISE EN GARDE ET AUTRES INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Le conseiller doit faire attention à ne pas tomber dans un discours moralisateur, persuasif ou autosuggestif.  Il s’avère important en effet de respecter le rythme, les résistances ainsi que le système de valeurs du client. Cet exercice ne cherche nullement à pousser le sujet à faire quelque chose ou à convaincre les deux parties que tout va bien; il s’agit plutôt d’amener le client à comprendre ses craintes et tenter de les remettre tranquillement en question. L’individu ne doit pas sentir qu’il doit reconsidérer complètement sa façon de penser, mais bien d’induire un désir d’examiner plus précisément sa manière d’interpréter les choses. (Brillon, 2013)

Dans le même ordre d’idées, il est important que le conseiller ne réponde pas aux questions posées au client, sans quoi il pourrait dicter des réponses non révélatrices pour ce dernier ou encore implanter des nouvelles pensées plus réalistes. L’individu doit remettre en question ses propres pensées automatiques anxiogènes, le rôle du conseiller étant davantage axé au niveau de l’accompagnement à travers sa démarche et de l’adoption d’une attitude empathique. (Brillon, 2013)

PHASE DU PROCESSUS 

Cette stratégie d’intervention s’applique davantage à la phase de compréhension. En effet, elle permet au client d’avoir des prises de conscience par rapport à son fonctionnement psychologique, soit plus précisément à son mode de pensée. La restructuration cognitive permettra par la suite au sujet de se mobiliser au travers d’une intégration ou une réintégration en emploi.

MOTS-CLÉS 

·         Attributions dysfonctionnelles
·         Facteurs causaux
·         Représentation figurée
·         Restructuration cognitive
·         Sentiment de culpabilité




SOURCES D’INSPIRATION ET RÉFÉRENCES

BRILLON, Pascale. (2013). Comment aider les victimes souffrant de stress post-traumatique. Guide à l’intention des thérapeutes. Québec. Les Éditions Québec-Livres.


POURTOIS, Jean-Pierre. HUMBEECK, Bruno. DESMET, Huguette. (2012). Les ressources de la résilience, Paris, Presses Universitaires de France, 347p.

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