Le document de cet article est tirée du document suivant : Cournoyer, L. (Dir., 2014). Guide de stratégies d'interventions orientantes - Troisième édition. Document inédit. Montréal: Université du Québec à Montréal.
S’INTÉRESSER À LA DIFFÉRENCE
Marie
Dumoulin, étudiante à la maîtrise en carriérologie (UQÀM)
OBJECTIFS
Objectif général : Aider le client à améliorer ses relations
interpersonnelles auprès de ses collègues d’origines multiethniques en faisant
preuve de plus d’empathie.
Objectifs spécifiques :
û Aider
le client à prendre du recul de son système de valeurs afin de mieux comprendre
ses collègues
û Aider
le client à adopter une perspective à plusieurs points de vue par rapport à ses
collègues (décentration cognitive)
û Aider
le client à déconstruire ses croyances erronées afin de favoriser des échanges
plus ouverts avec ses collègues
MISE EN CONTEXTE ET PROCÉDURE D’INTERVENTION
George a 52 ans et travaille
chez Bombardier comme chef ingénieur, à Montréal, depuis près de 30 ans. Depuis quelques années, l’entreprise engage
plusieurs employés d’origine marocaine.
George n’a jamais voyagé au Maroc.
Il associe les Marocains aux terroristes, car il a remarqué que certains
d’entre eux ne prennent pas de plats contenant du porc à la cafétéria. George a tout de suite fait l’association
entre la religion musulmane et les attentats du 11 septembre 2011. Depuis, il fait tout pour éviter le contact des
Marocains qui travaillent avec lui. Il
leur marmonne seulement quelques mots lorsqu’il est dans l’obligation de le
faire pour le travail, et ce, s’il ne trouve personne pour faire
l’intermédiaire. Bien souvent, les
employés d’origine marocaine ne saisissent pas ce qu’il veut dire du premier
coup, puisque George parle dans sa barbe sans les regarder et avec son fort
accent québécois. George raconte donc
que ça ne donne rien de parler à ces employés, puisque de toute façon ils ne
comprennent pas le français.
Jusque là, George était très
apprécié de ses patrons chez Bombardier.
Il a toujours été coopératif, patient et disponible avec les membres de
ses équipes d’origine québécoise. Il est
par ailleurs un des employés les plus compétents étant donné son expérience de
longue date dans l’entreprise. George
est une ressource importante pour l’équipe de Bombardier. Par ailleurs, à ce jour, son employeur n’en
peut plus de la tension que George crée au sein de ses équipes. Les employés marocains lui ont fait de
multiples plaintes. Ceux-ci font tout
leur possible pour avoir de bonnes relations avec George, mais sans
succès. Afin de tenter de régler le
problème, il décide d’envoyer George consulter un conseiller
d’orientation. Son employeur espère que
le conseiller réussira à lui ouvrir l’esprit.
Selon Brunel et Cosnier
(2012), l’empathie est une variable cruciale dans la rencontre interculturelle
puisqu’elle permet d’explorer ses ressemblances et ses différences, selon ses
expériences passées, pour construire sa vision de l’autre et ainsi pouvoir
améliorer sa relation. Ces auteurs
mentionnent également qu’il faudrait considérer quatre niveaux de participation
dans une rencontre interculturelle, soient: l’émetteur, ses antécédents
culturels, le récepteur et ses antécédents culturels. L’activité présentée ici vise tout d’abord à
aider le client à déconstruire ses croyances erronées en lui faisant prendre
conscience de ce qu’il connait des employés marocains. La première étape de cette stratégie
d’intervention consiste à présenter à George ce tableau et à lui donner les
explications qui lui permettront de le compléter.
Nom
|
Ce que je connais
de lui
|
Preuve
|
Premièrement, on explique à
George que la colonne de gauche sert à écrire les noms des employés marocains
qui travaillent avec lui. Dans la
colonne du centre, il peut écrire ce qu’il connait de chacun de ces employés ou
encore ce qu’il en pense. Finalement,
dans la colonne de droite, il devra indiquer, pour chaque élément qu’il aura
écrit dans la colonne du centre, la preuve qui détermine que cet aspect
caractérise bel et bien la personne décrite ainsi. Voici un exemple de ce à quoi pourrait
ressembler ce même tableau une fois rempli par George.
Nom
|
Ce que je connais
de lui
|
Preuve
|
Mohammed
|
·
Il est arabe
·
Il est musulman
·
Il est ingénieur mécanique
·
Il ne comprend rien au français
·
Il est incompétent
|
·
Il est Marocain
·
Ne mange pas de porc
·
A été engagé
·
Quand je lui ai parlé, il m’a demandé de répéter plus
lentement
·
Il ne comprend pas ce que je lui dis
|
Ne
sait pas son nom
|
·
Il est arabe
·
Il est ingénieur électrique
·
Il ne comprend rien au français
·
Il est incompétent
|
·
Il est Marocain
·
A été engagé
·
Quand je lui ai parlé, il m’a dit qu’il ne comprenait pas
·
Il ne comprend pas ce que je lui dis
|
Ahmed
|
·
Il est arabe
·
Il est musulman
·
Il est ingénieur électrique
·
Il ne comprend rien au français
·
Il est incompétent
|
·
Il est Marocain
·
N’a pas pris le plat de porc à la cafétéria
·
A été engagé
·
Quand je lui ai parlé, il m’a demandé de répéter
·
Il ne comprend pas ce que je lui dis
|
La deuxième partie de
l’atelier consiste à demander à George ce qu’il remarque du tableau. Le conseiller d’orientation accompagne alors
le client afin de lui faire remarquer les incohérences de ses réponses en lui
posant différentes questions de manière empathique: “Êtes-vous certain que tous
les Marocains sont Arabes?”, “Est-ce que le fait qu’il n’ait pas pris le plat
de porc est une preuve véritable qu’il est musulman?”, “Est-ce que le fait
qu’il vous ait demandé de répéter prouve qu’il ne comprend pas le français?”,
et ainsi de suite. Ces questions ont
pour but d’amener le client à reconnaître que ses connaissances sont fondées
sur des croyances erronées. De plus,
comme il est important d’être conscient du caractère unique de l’individu et de
son altérité pour pouvoir faire preuve d’empathie selon Brunel et Cosnier
(2012), le conseiller peut faire remarquer au client qu’il a dressé au détail
près les mêmes descriptions pour les trois employés marocains. Il peut alors lui en faire prendre conscience
en lui posant une question comme celle-ci: “Votre
description de vos collègues laisse à penser qu’ils sont tous identiques. Le sont-ils vraiment? » La deuxième partie de l’atelier consiste à
reprendre les mêmes noms indiqués dans la colonne de gauche, mais cette fois à
noter les ressemblances et les différences de ses personnes avec le client,
encore une fois en indiquant la preuve.
Nom
|
Ressemblances
|
Différences
|
Preuve
|
Mohammed
|
·
|
·
|
·
|
Ne
sait pas son nom
|
·
|
·
|
·
|
Ahmed
|
·
|
·
|
·
|
Une fois ce tableau
complété, le conseiller accompagne le client en lui faisant remarquer qu’il y a
beaucoup plus de ressemblances prouvées dans le tableau, et ce, entre lui et
les employés marocains, que de différences.
Par exemple, l’on pourra constater qu’ils sont tous des hommes
ingénieurs travaillant pour la même compagnie, ayant une femme, des enfants,
des amis communs, etc. alors que les
différences prouvées seraient probablement l’origine culturelle et religieuse
seulement. L’idée de cet exercice est de
faire prendre conscience à George qu’il a aussi des ressemblances avec ses
collègues d’origine marocaine et qu’il est possible de s’y intéresser. Il est important ici que le conseiller nomme
au client, comme l’indique Brunel et Cosnier (2012), que la pluralité
culturelle étant un phénomène récent au sein des entreprises, qu’il est
compréhensible de s’y sentir inconfortable.
Cette information démontrera au client la compréhension de sa situation
par le conseiller et permettra de maintenir un lien de confiance avec le
client.
Finalement, le conseiller
peut conclure l’activité en faisant goûter à George un fruit exotique. “Quand on goûte un fruit qu’on ne connaît pas
pour la première fois, on se demande si on aimera ou pas. Il est possible que
vous aimiez certains fruits exotiques et d’autres pas. L’important, c’est d’y goûter pour le
savoir. Il suffit de s’intéresser à la
différence pour pouvoir y émettre une opinion par la suite. Je vous propose d’explorer vos collègues
d’origine marocaine en leur posant des questions sur leurs différences. Une fois que vous aurez compris qui ils sont
vraiment, vous aurez alors le loisir de vous former l’opinion d’eux que vous
voudrez, mais la première étape serait d’abord de s’intéresser à eux. Qu’en
pensez-vous? » L’approche de
Rogers décrite par Brunel et Cosnier (2012) décrit l’empathie comme étant
composée d’une notion de décentration et d’implication. Cette conclusion permettra à George de
s’orienter vers des actions qui le feront sortir de son système de valeurs
(décentration) et de s’orienter vers la compréhension d’autrui (implication).
MISE EN GARDE ET AUTRES INFORMATIONS
COMPLÉMENTAIRES
Si le client se sent forcé
par son employeur de réaliser cette activité, il sera important pour le
conseiller de décrire au client en quoi l’activité améliorera ses conditions de
travail et de vie, et ce, afin d’obtenir un niveau nécessaire de motivation
pour la réussite de l’intervention. Le
conseiller doit s’assurer que le client est apte à faire preuve
d’introspection. Cette activité peut
s’avérer longue. Il peut être pertinent
de prévoir deux rencontres pour la réaliser.
PHASE DU PROCESSUS
Cette activité est propice à la phase de
compréhension, car elle vise une prise de conscience par le client de son
fonctionnement psychologique, de la manière dont il traite l’information.
MOTS-CLÉS
·
Croyances
erronées
·
Décentration
cognitive
·
Empathie
·
Relations
interpersonnelles
·
Relations
multiethniques
SOURCES
D’INSPIRATION ET RÉFÉRENCES
Brunel M-L., Cosnier J. (2012). L'empathie. Un sixième sens. Lyon: PUL, ISBN :
978-2-7297-0859-7.
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