mercredi 3 octobre 2012

Enjeux et problématiques en développement de l'employabilité ...

Enjeux et problématiques en développement de l’employabilité    …

 

Jean-François Maltais, c.o.[1]

Au Québec, la majorité des services d’aide en développement de l’employabilité offerts à la population sont rendus par des professionnelles et professionnels formés au premier cycle universitaire en développement de carrière ou dans un domaine connexe lié aux sciences sociales,  sciences humaines et sciences de l’éducation. Au gré des transformations sociales, économiques, politiques, technologiques et autres ayant marqués les sociétés occidentales au cours des dernières décennies, les types de clientèles sollicitant, à un moment ou l’autre de leur vie, des services d’aide en développement de carrière ont non seulement augmenté, mais se sont aussi diversifié (Organisation de coopération et de développement économiques, 2004). Ainsi, les conseillers œuvrant en développement de carrière aujourd’hui au Québec doivent mener des interventions tenant compte aussi bien des enjeux psychosociaux, culturels et économiques de populations immigrantes, d’ex-contrevenants, de femmes monoparentales, de personnes sans emploi et bénéficiant de la sécurité du revenu de l’État, de personnes présentant un handicap sur le plan physique ou psychologique, que de travailleurs aux prises avec des pressions et des tensions liées à leur environnement de travail.


La section qui suit, présente, à travers différentes clientèles, les problématiques en émergences avec lesquels les intervenants travaillant dans les services d’aide au développement de l’employabilité du Québec doivent composer.

La population des personnes immigrantes est l’une de ces clientèles émergentes depuis quelques années. Ces personnes nées à l’extérieur du Canada, mais également celles de citoyens associés à un statut de minorités visibles, présentent de plus faibles revenus, un taux de chômage plus élevé, malgré une scolarité souvent supérieure à la moyenne de la population québécoise  (Emploi-Québec, 2007). Les enjeux de surqualification, d’absence de scolarisation québécoise, d’adaptation sociale, sans compter celles plus particulièrement liées aux craintes de préjugés et de stigmatisation ne sont que quelques-uns des enjeux qui pèsent sur l’expérience d’insertion socioprofessionnelle des immigrants (Bégin, 2009).

Un autre type de clientèle en émergence est celle des personnes ayant un dossier criminel. Celle-ci rencontre autant des difficultés d’insertion que de réinsertion sociale et professionnelle. Elle représente actuellement près de 10% de la population québécoise et ce chiffre ne cesse d’augmenter depuis 1996 (Bernheim, 2010). Cette personnes, comme plusieurs autres, voient leur situation s’accompagner d’enjeux psychosociaux importants dont une faible estime de soi, un manque de motivation, des difficultés liées à la consommation de drogues, d’alcool et de médicaments, des difficultés financières, ainsi que des problèmes de santé physique et mentale. Tous ces enjeux, concomitants les uns avec les autres, ne sont pas sans avoir d’incidences négatives sur le développement et le maintien de leur employabilité.

De leur côté, les femmes monoparentales représentent elles aussi un type de bénéficiaire présentant des problématiques complexes. Celles-ci font entre autres face à des contraintes d’organisation du temps en raison de leurs responsabilités familiales, elles se retrouvent souvent dans des emplois atypiques, caractérisés par la précarité, le travail moins bien rémunéré et sans sécurité d’emploi (Cournoyer, 2009). Une recension de recherches menées par Bujold et Gingras (2000) sur le développement de carrière des femmes démontre la panoplie d’enjeux auxquelles les femmes de manière générale, ainsi que les femmes en situation de monoparentalité en particulier, doivent faire face : développement d’une identité personnelle, sociale, professionnelle et maternelle en simultanée ; gestion de carrière et des barrières à l’emploi ; choix de vie et conciliation travail-famille, etc.

Les clientèles mentionnées jusqu’à présent, ainsi que plusieurs autres s’entremêlent également au sein de celles des prestataires de l’aide sociale. Pour les conseillers en emploi qui accompagnent ces personnes en vue d’un développement de leur employabilité,  celle-ci représente un défi passablement important.  Ainsi, malgré que la clientèle adulte sans contrainte d’emploi, selon les normes du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS), ait diminué de 44,2 % entre 1998 et 2008, les dernières années ont vu apparaître une modification du profil de cette clientèle. En fait, le nombre d’adultes sans contrainte d’emploi faisant toujours appel au service d’aide sociale et bénéficiant de ce service depuis plus de 120 mois semblent avoir augmenté (Emploi-Québec, 2008). De sorte que cette clientèle apparaît désormais comme étant de plus en plus éloignées du marché du travail. Les prestataires d’aide sociale présentent entre autres des problématiques de faible niveau de scolarité, des difficultés à intégrer un emploi stable et à s’y maintenir, ainsi que des difficultés comportementales et relationnelles lorsqu’en emploi (Cournoyer, 2009).

Pour les personnes en marge du marché du travail, tout comme pour celles qui sont intégrées depuis plusieurs années, certains phénomènes prennent de plus en plus d’ampleur. C’est le cas du phénomène de vieillissement de la population. Au cours des dernières années, il est possible d’en voir les premières répercussions sociales, dont sur le plan de problématiques avec lesquelles les conseillers en développement de l’employabilité doivent, et devront de plus en plus, composer.  Bussière et coll. (2009) mentionnent, dans une étude de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) — Urbanisation, Culture et Société, qu’à moins de changements démographiques majeurs, le Québec sera l’une des sociétés les plus vieilles en occident d’ici 2041. Face à cette problématique du vieillissement de la population, une étude de Ressources humaines et développement des compétences du Canada (RHDCC, 2008), mentionne les obstacles à l’emploi auxquels cette clientèle en émergence au Québec et au Canada doit faire face. Ils mentionnent entre autres que certains employeurs risquent de nourrir des stéréotypes négatifs au sujet des travailleurs âgés et de s’accrocher aux mythes au sujet de leur capacité ou de leur rendement. D’autres risquent de sous-évaluer la productivité des travailleurs âgés, d’appliquer des pratiques surannées en matière de ressources humaines ou simplement de ne pas être conscients des compétences, des capacités et de la valeur que les travailleurs âgés apportent à leur organisation. Il est aussi question d’un manque de connaissance en matière de stratégies de recherche d’emploi, d’aspirations salariales élevées, de préjugés de la part des employeurs, d’une scolarité insuffisante, de compétences en micro-informatiques insuffisantes et d’une faible mobilité de la main-d’œuvre.

Les personnes présentant un handicap figurent aussi parmi les clientèles à la fois plus nombreuses et plus à risque sur le plan de la précarité de l’emploi. Les difficultés d’intégration au travail des personnes handicapées vont bien au-delà de leur qualification, car ces personnes font face à des limitations aussi bien intellectuelles, psychiques, que physiques (Emploi-Québec, 2009). Les défis d’intégration à l’emploi de ces personnes toucheraient par exemple, des problématiques telles que le manque de confiance en soi, le manque d’estime de soi, l’isolement, des difficultés à s’adapter aux changements ou des attentes irréalistes face au marché du travail (Emploi-Québec, 2004). Ce qui engendre des difficultés supplémentaires à prendre en compte dans le développement de l’employabilité de ces clientèles.

Au fur et à mesure que se confrontent les lourdeurs des problématiques propres à chacune des clientèles mentionnées ci-dessus à un environnement de travail de plus en plus exigeant, où la sécurité d’emploi est moindre, la qualité des conditions d’accès et de développement au travail réservé à une élite, la marginalisation, la mise à l’écart du besoin fondamental de travailler ou de produire quelque chose de sa vie peut entraîner des conséquences importantes sur la santé psychologique. Cournoyer (2010) indique que la clientèle présentant des troubles de santé mentale est en augmentation dans les organismes en employabilité. Il mentionne par exemple des problématiques de dépression, de troubles bipolaires et de troubles de personnalité limite, comme faisant partie des problématiques auxquelles les spécialistes du domaine de l’employabilité doivent de plus en plus faire face. Il peut être ajouté à cela, des problèmes de consommation de drogue, de lourde médication ou de la dépendance au jeu. Norcross et coll. (2002), mentionnaient déjà il y près de dix ans les grands besoins en soins pour la santé mentale et l'augmentation de la mise à contribution des professionnels en counseling de niveau maîtrise dans le traitement de ces problèmes. Toujours il y a dix ans, l'Organisation mondiale de la santé (OMS, 2001) mentionnait que les besoins pour des soins de santé en lien avec la santé mentale étaient en augmentation et représentait 12% de toutes les maladies répertoriées. Il est à noter qu’au Québec, 59 % des diagnostics médicaux des prestataires du programme de solidarité sociale répertoriés en 2008 touchent la santé mentale, ainsi que les difficultés intellectuelles et d’apprentissage (Emploi Québec, 2009). Plus récemment, une recherche menée par la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ, 2011), mentionne la fulgurante augmentation des cas de troubles d'apprentissage, de déficits de l'attention ou de problèmes de santé mentale et mentionne que ces problématiques ont bondi de 1150 % de 2005 à 2009.

Au niveau de la prévalence des troubles de la personnalité dans la population générale, peu de données canadiennes semblent disponibles. Toutefois, plusieurs études américaines récentes démontrent qu’environ 10 % de la population générale souffrirait d’un trouble de la personnalité (Torgersen, 2001; Reich, Yates et Nduaguba, 2005; Lenzenweger, 2009). Une étude de Landry et coll. (1996) mentionne aussi une prévalence élevée de troubles de la personnalité chez les personnes aux prises avec un problème de toxicomanie. Les troubles de la personnalité seraient même une des plus importantes causes d’inadaptation psychosociale des individus à long terme (Bessette, 2010). En se basant sur ces statistiques, on peut facilement croire que parmi les individus se présentant dans les services d’aide à l’emploi du Québec, un certain pourcentage d’entre eux a un trouble de la personnalité ou de santé mentale autre.

Parallèlement, des études récentes rapportent l’impact de la dégradation des conditions de travail, de la qualité de vie et de la santé mentale chez les travailleurs et les personnes sans emploi. Tel que le souligne Soarès (2002), la prévalence élevée de la détresse psychologique, de symptômes dépressifs et de troubles de stress post-traumatique est plus élevée chez de nombreuses personnes en emploi ou qui perdent leur emploi. Une étude moins récente menée par Karasek, Gardell et Lindell (1987) mentionnait déjà dans les années 80 des liens entre la surcharge de travail et la détresse psychologique des travailleurs. L’association internationale de la sécurité sociale (2010), mentionne dans une étude concernant l’impact des crises économiques sur la santé mentale des travailleurs que dans l’optique où les difficultés existant sur le marché de l’emploi et le niveau élevé du chômage se prolongent, l’on peut s’attendre à ce que l’anxiété générée par la précarité des revenus et des emplois persiste. L’étude souligne entre autres que les problèmes de santé mentale risquent par conséquent de devenir de plus en plus préoccupants pour les gouvernements et les travailleurs et que la dernière crise économique a probablement eu des répercussions sur la santé mentale des travailleurs dans tous les pays. De plus, on y mentionne que les bénéficiaires d’indemnités en lien avec des limitations dû à la santé mentale sont les personnes qui rencontrent le plus de difficultés à retrouver un emploi à plein temps. Bemak et Hanna (1998), dans un article paru dans l’International Journal for the Advancement of Counselling, mentionne que le 21e siècle amènera de nouveaux problèmes de société qui auront un impact majeur sur la santé mentale des populations. Les auteurs disent entre autres que les conseillers en relation d’aide prendront de plus en plus de place dans toutes les sphères la société quant à la prévention et l’intervention sur les problématiques de santé mentale. Ils suggèrent donc que les formations des conseillers prennent en compte ces faits et ajustent leurs formations afin de répondre plus efficacement à cette réalité. Au sujet de la place occupée par les conseillères et les conseillers en emploi sur le marché du travail, Services Canada (2010) mentionne que vu les besoins grandissants des adultes en chômage ou en processus de réorientation en matière de counseling d'emploi et d'orientation professionnelle, le nombre de conseillers en emploi devrait augmenter de façon notable au cours des prochaines années.

Partout au Canada les associations professionnelles de conseillers en relations humaines se regroupent pour développer un cadre plus rigoureux au plan de la déontologie et des normes de pratique (Association canadienne de counseling et de psychothérapie, 2009). Tel qu’on le mentionne dans le comité responsable des travaux menés dans le cadre du mandat de modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines (Comité d’experts, 2005):

Jamais sans doute n’aura-t-on accordé, autant qu’à notre époque, une telle attention à la santé, que ce soit sous l’angle de la santé des individus, des politiques de santé publique, des services à la population, du financement qui s’y rattache, des avancées technologiques et scientifiques, des perspectives d’avenir… Derrière cela, se profilent très nettement l’évolution des sociétés, le vieillissement des populations, de nouvelles conceptions au plan des droits, l’essor des découvertes, la mondialisation, et bien d’autres phénomènes, tant en contexte québécois, que canadien ou étranger. (p.3)

Cet état des faits sur la complexification du marché du travail et des types de problématiques vécu par les clientèles, combinées à un intérêt de plus en plus évident à travers le Canada pour développer un cadre plus rigoureux au plan de la déontologie et des normes de pratique, envoie un message clair sur l’importance de la compréhension du fonctionnement psychologique des individus par les conseillères et conseillers en relation d’aide, et ce, peu importe leur secteur d’activité. De tels constats peuvent soulever des questionnements au niveau de l’employabilité quant à la compétence des conseillères et des conseillers en emploi à intervenir avec des clientèles de plus en plus complexes et par le fait même, sur leur compétence à intervenir sur les multiples dimensions qui composent les individus. Entre autres, les ressources personnelles (connaissance de soi, aptitudes, capacités, acquis formels et informels, sexe, âge, etc.), les conditions du milieu (famille, groupe de pairs, contexte socioculturel, conditions économiques, etc.) et sur la dimension du fonctionnement psychologique (intérêts, valeurs, croyances, personnalité, stratégies d’adaptation, motivation, lieu de contrôle, affirmation de soi, autonomie, etc.) (Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ), 2010). Rivière (2008) a abordé la question du sentiment de compétence des intervenants en décrivant le sentiment d’impuissance qui peut être ressentie en relation d’aide. L’auteur mentionne que les clients, par leurs attentes irréalistes quant aux résultats de la thérapie, par leurs demandes contradictoires, par leurs comportements mésadaptés face au cadre et aux règles du processus, fait en sorte que les intervenants en arrivent à ressentir un sentiment d’impuissance dans leur capacité à aider leurs clients. Cela vient en quelque sorte renforcer l’idée pour les conseillers et conseillères en emploi d’avoir des compétences au niveau de la compréhension des dimensions composants les individus, dont celle du fonctionnement psychologique.

Bien qu'il soit difficile de convenir d'une définition générale du fonctionnement psychologique sans faire référence à une théorie, une approche ou un modèle conceptuel spécifique, l'OCCOQ (2010) dans son guide d'évaluation en orientation donne la définition suivante :

En référence au champ d'exercices, le fonctionnement psychologique implique la prise en compte des caractéristiques de la personne (ex. : intérêts, valeurs, aptitudes, traits de personnalité), de l'organisation dynamique de son expérience (ex. : croyances, pensées, émotions, comportements), ainsi que de leurs effets sur sa vie quotidienne (ex. : modalités d'autorégulation et d'autoprotection, qualité de l'estime et de la confiance en soi, stratégies adaptatives). Le fonctionnement psychologique est influencé par des facteurs d'ordre biologique, psychologique et social. L'évaluation du fonctionnement psychologique implique également de prendre en compte la présence de troubles mentaux ou neuropsychologiques, d'un retard mental, de situation de handicap, de difficultés d'adaptation en contexte scolaire ou professionnel, ou d'autres troubles décelés par des référentiels reconnus en santé mentale.[2](p.6-7)

Il y a alors lieu de se demander si les conseillères et conseillers en emploi sont suffisamment formés pour intervenir efficacement à l’intérieur de cette dimension de l’individu qu’est le fonctionnement psychologique. C’est ce que nous tenterons de répondre un peu plus loin.


Rôle et tâches de conseillères et de conseillers en emploi

Dans le domaine de l’employabilité au Québec, ce sont les conseillères et les conseillers en emploi qui principalement s’occupent du développement de l’employabilité. Le Ministère des Ressources Humaines et Développement des Compétences du Canada (RHDCC) via le site Internet[3] de la classification nationale des professions (CNP, 2010), définit le métier de conseiller en emploi de la façon suivante :

Les conseillers en emploi prodiguent des conseils et du counseling, et donnent des renseignements aux clients qui travaillent sur tous les aspects de la recherche d'emploi et du choix de carrière. Ils conseillent également les employeurs sur les problèmes liés aux ressources humaines et à l'emploi. Les conseillers en emploi travaillent principalement pour les gouvernements fédéraux et provinciaux, mais travaillent également dans de grands établissements et des services de placement privés. Les superviseurs des conseillers en emploi sont compris dans ce groupe de base.

Pour ce qui est des tâches des conseillères et conseillers en emploi, ceux-ci font principalement les tâches suivantes :




Tableau 1.1
Tâches relatives au travail de conseillères et de conseillers en emploi

  • faire une entrevue d’accueil et rencontrer les clients pour obtenir des renseignements sur leurs antécédents professionnels et scolaires, ainsi que leurs objectifs professionnels, en utilisant le counseling individuel.
  • identifier les obstacles à l'emploi et aider les clients dans des domaines comme les aptitudes à l'emploi, les stratégies de recherche d'emploi, la rédaction du curriculum vitae et la préparation avant une entrevue;
  • conception, planification et animation d'ateliers de groupe ayant pour but la recherche d'emploi (bilan de carrière, méthodes et techniques de recherche d'emploi: curriculum vitae, lettre de présentation, entrevue d'emploi, contacts téléphoniques, etc.).
  • élaborer des plans d'action, faire l’encadrement et le suivi des participants lors des stages d'exploration au marché du travail
  • donner des conseils aux employeurs sur les ressources humaines et autres sujets liés à l'emploi;
  • administrer et interpréter des tests afin de cerner les intérêts, les aptitudes et les habiletés d'un client;
  • déterminer les besoins tels que la réadaptation, l'aide financière ou la formation professionnelle complémentaire et diriger les clients vers les services appropriés;
  • fournir aux travailleurs en emploi de l'information sur le maintien en emploi ou les mutations au sein d'un organisme, la façon de faire face à l'insatisfaction professionnelle ou les changements d'orientation en cours de carrière;
  • recueillir des renseignements sur le marché du travail et informer le client des possibilités d'emploi, des conditions d'accès à la profession, des compétences requises et autres renseignements sur les professions;
  • fournir des services de consultation aux groupes et organismes communautaires, aux entreprises et à l'industrie ainsi qu'à d'autres organisations qui s'occupent de fournir des ressources dans la collectivité au niveau de la planification de carrières.
  • Possibilité de travailler auprès d'une clientèle présentant divers handicaps physiques ou intellectuels
  • Référer vers diverses ressources selon les besoins.

Sources : Site internet de la CNP (2006) ; Relance des diplômées et des diplômées de l’université de Sherbrooke (2010)

Le développement de l’employabilité consiste à évaluer la situation de la personne selon différentes dimensions, dont les ressources et les lacunes, à mobiliser son potentiel humain, ainsi qu’à intervenir sur certaines caractéristiques du fonctionnement personnel et social. Si la répartition géographique des problématiques sociales, psychologiques, culturelles, économiques et autres propres aux clientèles de conseillers en développement de carrière s’étend sans aucun doute à l’ensemble des régions du Québec, force est de constater que c’est dans la région de Montréal qu’il est possible d’y retrouver la plus forte concentration et le plus grand nombre de personnes aux prises avec une ou plusieurs de celles-ci.


Spécificité montréalaise en développement de l’employabilité  

Dans la région de Montréal, la population présente certaines particularités faisant en sorte que cette région du Québec présente des défis pour les intervenants en employabilité qui sont différents du reste de la province. Tout d’abord, la part des personnes titulaires d’un diplôme universitaire (certificat, baccalauréat et diplômes d’études supérieures) correspond à près du tiers (31,8 %) de la population montréalaise, ce qui est bien au-dessus de la moyenne québécoise (21,4 %) (Emploi-Québec, 2010). Il apparaît toutefois que ce pourcentage de personnes possédant un diplôme universitaire sur l’île de Montréal varie beaucoup d’un secteur à l’autre de l’île. En effet, ce pourcentage passe de 14 % pour le territoire du centre local d’emploi (CLE) de Pointe-aux-Trembles,  à 48,3 % pour le territoire du Plateau-Mont-Royal. Aussi, près du tiers des personnes de 15 ans et plus ne possèderaient aucun diplôme dans les secteurs de Montréal-Nord et de Saint-Michel (Emploi-Québec, 2009). Des disparités apparaissent donc avec le reste du Québec, mais aussi à travers les différents secteurs de l’île de Montréal. Selon cette même étude, la présence des personnes nées hors Canada et des personnes issues des minorités visibles serait très marquée sur l’île de Montréal puisque ces deux groupes rassemblent respectivement 602 060 et 455 700 des personnes de l’île. À l’échelle du Québec, 66,1 % des personnes nées hors Canada et 69,7 % des personnes issues des minorités visibles résideraient sur le territoire de l’île de Montréal. Aussi, en comparaison avec le reste de la province de Québec, l’île de Montréal comporterait une plus grande part de jeunes adultes de 20 à 39 ans, tant chez les hommes que les femmes. Sur l’aspect salarial, les personnes vivant sur l’île de Montréal auraient un salaire annuel inférieur au reste du Québec. Pour la population des 25 à 44 ans cela représenterait un salaire d’environ 12 % de moins. La situation serait davantage préoccupante pour les personnes nées à l’extérieur du Canada et vivant sur l’île de Montréal, puisque leur revenu médian serait inférieur à ceux des personnes nées au Québec et vivant eux aussi sur l’île de Montréal (respectivement 18 183 $ et 25 561 $).

 


Portée des interventions des conseillères et des conseillers en emploi 

Le répertoire en ligne « Itinéraire pour l’emploi » fournit une liste de sites Internet d’organismes du grand Montréal offrant des services en développement de l’employabilité. L’analyse exhaustive des informations contenues sur les sites Internet  d’une quarantaine de ces organismes indique une prépondérance de services offerts plus particulièrement aux jeunes adultes et aux adultes visant à insérer ou réinsérer, à s’adapter, sinon à se maintenir sur le marché du travail.  L’analyse a également permis de mettre en lumière la variété des problématiques – parfois imbriquées les unes aux autres - qui accompagnent ces services, que ce soit les enjeux d’immigration, de toxicomanie, de judiciarisation, de santé mentale et d’adaptation psychosociale (Appendice A).

Les conseillères et les conseillers en emploi possèdent généralement une formation de 1er cycle universitaire en développement de carrière ou dans une discipline connexe. Au Québec, trois universités offrent le programme de formation spécialisée en orientation et en développement de carrière : Laval, Université du Québec à Montréal et Sherbrooke. Toutefois, la Classification nationale des professions (CNP, 2010) apporte les précisions suivantes concernant la formation des conseillers et conseillères en emploi actuellement sur le marché de travail :

Un baccalauréat ou un diplôme d'études collégiales dans un domaine connexe tel que la psychologie, les services sociaux ou l'éducation est habituellement exigé. Un diplôme d'études secondaires, ainsi que plusieurs années d'expérience dans les services liés au counseling ou dans une profession d'aide peuvent suppléer aux études officielles.

Ainsi, la formation des conseillères et conseillers en emploi s’avère plus ou moins définie et rien ne semble garantir que toutes et tous présentent les qualifications initiales couramment associées aux tenants d’un baccalauréat en orientation ou en développement de carrière. Cette réalité est d’autant plus préoccupante que 40 % des conseillères et conseillers en emploi ne possèderaient pas de formation universitaire et que près de 10% auraient un diplôme d’études secondaires 5 ou moins (Site internet de Services Canada, 2010).  Le tableau qui suit présente la répartition de l’emploi selon le plus haut niveau de scolarité atteint par les conseillers et conseillères en emploi au Québec :



Tableau 1.2
Scolarité des conseillères et des conseillers en emploi au Québec
Moins d’un diplôme d’études secondaire
1,4 %

Diplôme d’études secondaires complété (DES)
9,0 %

Diplôme postsecondaire non universitaire
29,6 %

Diplôme universitaire de baccalauréat et plus
60,0 %

Source : Service Canada (2010)

Les cursus de formation de premier cycle universitaire spécialisés en orientation et en développement de carrière permettent aux étudiantes et aux étudiants d’acquérir les compétences théoriques et pratiques sur le plan du counseling de carrière, de la psychométrie, du traitement de l’information, de la psychologie de la personnalité et de l’information scolaire et professionnelle. Néanmoins, comme il est possible de le constater en analysant les cursus de formation de chacune des universités (Appendice B), les compétences acquises suite à la formation demeurent lacunaires au plan de l’intervention clinique auprès de personnes présentant des troubles de santé mentale et d’adaptation psychosociale. La formation de baccalauréat leur fournit beaucoup de notions théoriques et pratiques comme des stages, mais la dimension du fonctionnement psychologique y semble très peu approfondie.

Les conseillères et conseillers en emploi ne sont pas seuls à intervenir dans le domaine de l’employabilité. Les conseillères et conseillers d’orientation œuvrent aussi dans ce domaine. Le comité responsable des travaux menés dans le cadre du mandat de modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines (Comité d'experts sur la modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines, 2005) propose la définition suivante quant au rôle des conseillères et des conseillers d’orientation :

L’exercice de l’orientation consiste à évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu, à intervenir sur l’identité, à développer et à maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de faire des choix personnels et professionnels tout au long de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec son environnement. L’information, la promotion de la santé, la prévention du suicide, de la maladie, des accidents et des problèmes sociaux font également partie de l’exercice de la profession auprès des individus, des familles et des collectivités.

Ce même comité d’experts (2005) mentionne aussi que lorsqu’on prend en considération le rôle du travail dans la préservation de la santé mentale et l’impact des problèmes liés au travail dans l’équilibre de la personne, le conseiller d’orientation pourra être mis à contribution dans le cadre de la réalisation du Plan d’action en santé mentale du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Cournoyer (2009), mentionne quant à lui : 

Par leur travail d’évaluation, d’interventions et de suivi du développement de l’employabilité de leur clientèle, les conseillers d’orientation sont en mesure, entre autres, de participer à la reconnaissance de compétences génériques et techniques,  de préparer les personnes aux réalités qui les attendent sur le marché du travail, à porter des actions préventives en matière de décrochage scolaire et enfin, à donner un sens à la vie personnelle et professionnelle de personnes plus ou moins éloignées du marché du travail. (p.29)

L’analyse des formations de niveau maîtrise (deuxième cycle universitaire) des conseillères et conseillers d’orientation permet de remarquer que les notions enseignées sont plus approfondies quant au fonctionnement psychologique de la personne (Appendice C).  La formation semble mieux outiller ces dernières et ces dernières à intervenir auprès de clientèles présentant des problématiques plus complexes. D’ailleurs, la profession de conseillères et conseillers d’orientation (Comité d’experts, 2005) est aujourd’hui appelée légalement à voir ses interventions dirigées sur la prise en compte des multiples dimensions de l’individu et entre autres sur celle du fonctionnement psychologique. Par exemple, les caractéristiques de la personne, l’organisation dynamique de son expérience et les effets sur sa vie quotidienne. Ces professionnels doivent aussi prendre en compte la présence de troubles mentaux ou neuropsychologiques, d'un retard mental, de situation de handicap, de difficultés d'adaptation en contexte scolaire ou professionnel, ou d'autres troubles décelés par des référentiels reconnus en santé mentale (OCCOQ, 2010). Cela est d’autant plus vrai depuis l’apparition du projet de loi 21, qui avait pour objectif de modifier le Code des professions afin de prévoir une redéfinition des champs d’exercices professionnels dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines pour plusieurs métiers en relation d’aide, dont le métier de conseiller d’orientation. Entre autres, ce projet de loi inclut des activités d’information, de promotion et de prévention communes à l’exercice de certaines professions de la santé, tel que la prévention du suicide. Il établit pour les conseillers d’orientation une réserve d’exercice pour des activités à risque de préjudice dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines et prévoit l’encadrement de la pratique de la psychothérapie (gouvernement du Québec, 2009).

Ces différents aspects du métier de conseillère et de conseiller d’orientation témoignent d’une meilleure préparation à l’exercice d’interventions portées sur  des  problématiques psychosociales toujours plus présentes sur le marché du travail. Néanmoins, il demeure que les conseillères et conseillers en emploi, qu’elles et qu’ils le veuillent ou non,  sont aussi confrontés quotidiennement à ces problématiques difficiles et complexes. Ils n’auront toutefois pas nécessairement le bagage pour intervenir et se sentiront peut-être dépassés au niveau de l’intervention.

À ce propos, il existe au niveau de l’intervention en général, une multitude de courants de pratique différents pouvant être utilisées par les conseillers et conseillères en emploi dans le cadre de leur pratique. Parfois utilisées seules ou en combinaison, les choix ne manquent pas. Suite à une étude sur l’identité professionnelle des conseillers canadiens, Gazzola et coll. (2010) ont démontré que l'orientation théorique la plus utilisée par les conseillers canadiens ayant participé à l'étude, est l'approche humaniste centrée sur le client, tandis que les approches psychodynamiques seraient le moins utilisées. 40% des répondants affirmeraient utiliser au moins trois approches différentes dans leur pratique et 30 % en utiliseraient même six et plus.




[1] Maltais, Jean-François (2012). L’impact d’une formation axée sur la compréhension du fonctionnement psychologique (Approche Masterson) sur les pratiques de conseillères en développement de l’employabilité au sein d’organismes du Montréal métropolitain. Rapport d’activité dirigée présenté à la faculté d’éducation en vue de l’obtention de la maîtrise en orientation profil : carriérologie. Document disponible en ligne : http://orientationpourtous.blogspot.ca/2012/04/bonjour-vous-voici-une-premiere-mise-en.html

[2] Dans le cadre de cette recherche, lorsqu’il sera question du fonctionnement psychologique, c’est à cette définition que le lecteur est invité à se référer.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.