mardi 17 décembre 2013

COMMENT SE CONSTRUIT LE SENS ? Proposition d'Érick Beaulieu, c.o.

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Pour moi la réponse à ta question repose dans ta question elle-même. L'expression clé étant que le sens *SE CONSTRUIT*. Comme tu l'apercevras clairement dans ma réponse, le sens se construit via un effort proactif fondé sur une inspiration, un déclic, un flash, un repère signifiant. D'où l'importance d'avoir un fil conducteur d'intervention (lors d'une démarche) qui permet au client de (re)découvrir son - sentiment d'efficacité personnel - à même la quête de sens qu'il effectue dans la démarche (accompagné ou pas d'un professionnel), qui le mobilisera ou l'orientera vers un objectif souhaité.

L
e - locus de contrôle - (interne), sur lequel une de tes élèves avait eu l'instinct de se concentrer dans son rapport de recherche démarre ce que *savoir-s'orienter* implique. C'est un ingrédient indispensable. Il converge avec le coeur du fil conducteur orientant que j'opère auprès de mes clients durant leur démarche avec moi, via leur *engagement* concret (moyenne de +/-5 heures entre chaque rencontre) à redécouvrir qui ils sont et ce qu'ils veulent. Cet étapisme d'intervention vise à installer ou consolider un tremplin de motivation intrinsèque servant à s'engager avec congruence -vers- un projet auquel la personne prétend déjà ou va s'identifier. À quoi une personne a le goût de croire en elle (intérêts, valeurs, aptitudes, besoins, etc.), qu'elle aimerait canaliser dans un projet (professionnel ou pas) est le point de départ plus ou moins conscient d'un éventuel " Eureka ! " orientant.

Le scénario découlant de la recherche que tu cites démontre comment une motivation découverte à travers une expérience de vie incite une personne à se mobiliser pour traquer la faisabilité d’un projet aperçu, osant vouloir croire à cette quête. Une démarche d'orientation permet de démystifier les raisons plus ou moins conscientes qui amène quelqu'un à vouloir et pouvoir s'engager, question de mieux fonder ses raisons de se croire et d'y croire. Suite à une pareille étincelle de sens, certains s'y engagent moins que plus (locus de contrôle externe) pour toutes sortes de raisons. D'autres s'y engagent plus systématiquement (locus de contrôle interne). Dans les deux cas l'aide d'un c.o. peut valider ou consolider l'élan en question. S’écouter ou ne pas s’écouter, LÀ est la question sur laquelle la personne va devoir s’entendre et pour laquelle plusieurs raisons pour ne pas aller de l'avant se superposent bien souvent.


Le défi du c.o. est d'avoir une méthodologie d'intervention qui permettra à son client de construire le sens de son projet, qu'il soit déjà relativement définit ou pas du tout. L'implication du client dans sa démarche est une clé incontournable pour permettre au sentiment d'efficacité personnel de naître à travers ce travail sur lui, permettant toutes sortes de prises en charge compréhensives pour raffermir les objets de sens et dénouer les différents nœuds d’empêchement. Plus on permet cet espace, plus on alloue du temps à cet apprivoisement de soi vers le choix dans une démarche, plus la personne « collera » ou adhèrera à SON projet, parce que ce processus lui appartiendra plus "fond-a-mentalement". La personne sera armée d'une motivation accrue, d'une meilleure connaissance de sa cause, pour faire face aux défis inhérents que comporte n'importe quel projet désiré: comme un héros qui doit braver les défis de sa quête. Tout projet désiré comporte cette dose d'aventure et d'équivoques à braver. Mon approche contraste avec une approche plus prescriptive ou technique, où le client semble plus venir emprunter la voie/x de son conseiller qui semble mieux savoir que lui. Notre mission professionnelle pointe justement l'importance de rétablir l'autonomie socio-professionnelle de nos clients: pas une mince tâche et loin de se limiter aux dimensions plus techniques de notre travail. Plus cette prise en compte identitaire est véritablement habitée ou incarnée par le client dans sa démarche, plus ce tremplin disposera une proactivité pour -VOULOIR- se retrouver dans un rôle-projet, plus authentiquement. « Faire ce qu’on Est », voilà l’enjeu qui mène au Flow, autre notion orientant le capacité d'une personne à *savoir-s’orienter*.

Vouloir un projet (personnel, professionnel ou académique) naît d'un insight projectif (déjà présent ou à construire) découlant de paramètres identitaires plaisants qu'une personne aimerait pouvoir actualiser. Pour s'orienter faut s'engager, et ce, dès les premiers instants d'un germe de sens qui se pointe. Ne pas donner suite à un momentum de sens, ou pire encore, apprendre à nier les momentum de sens que l'on croise sur son chemin hypothèque la possibilité de savoir-s'orienter avec plus de gratifications dans le monde. Sans ce vouloir s’y engager, l’insight demeurera contemplatif, voire même régressif pour le germe de potentiel qui avait pourtant osé se faire entendre via l'élan ressenti pour quelque chose. Cet "apprend'tissage" à l'écoute de soi vers le monde commence dès l'enfance. Les parents y jouent d'ailleurs un rôle crucial en encourageant ou négligeant, voire même brimant l'élan de leur enfant. Le sens se -construit- via une proactivité aussi réflexive qu'effective, venant confirmer graduellement les raisons de croire dans sa capacité à mener son projet, développant ainsi son autorité intérieure face à un monde loin d'y être favorable et dévoué à son développement. Je m'oriente donc je suis.. conjugué au verbe 'Être' ou 'Suivre' ?

Lorsque ce sens manque à l'appel et qu'on cherche tout de même à fonctionner dans le monde, au nom de raisons, aussi rationnellement convaincantes soient-elles, la santé mentale et/ou physique en écope tôt ou tard de façon plus ou moins flagrante. Fournir un effort indépendamment de son potentiel est faisable mais plus coûteux, d'une façon ou d'une autre. Rappelons aussi que notre époque a de quoi désorienter le moindre germe de sens pas assez assumé. Obnubilé par les nombreuses promesses de projets-clé-en-main-tout-cuits-dans-l'bec-à-rabais, miroités sur les 1001 panneaux réclames qui l'entoure, l'humain est facilement dévié de sa quête de sens. Cette quête constitue pourtant l'ultime preuve de son droit à la liberté et à l'épanouissement, telle que prescrit par la charte des droits et libertés de la personne. À défaut de bien se connaître et se sentir, notre regard est facilement orienté à l'extérieur de soi (locus de contrôle externe), comme si une réponse indépendante de soi pouvait répondre à soi. N'est-ce pas cela qu'on apprend à l'école, à répondre à des attentes indépendantes de soi, renforçant -l'état agentique- qui nous dévie de cette écoute de soi ? Certaines initiatives (LA réforme scolaire, l'approche orientante) ont pourtant été mises en place pour pallier à cette culture de "gobe-régurgite-à-sens-unique", avec un succès mitigé...


On peut donc résumer ce travail ou défi de construction de sens à une -quête- plus ou moins vertigineuse et laborieuse que le personne choisit d'assumer, au nom d'une main mise toujours plus grande sur le sens de ses capacités, pour mieux s'y voir et s'y comprendre d'abord, et mieux s'y prendre ensuite.


Voir aussi l'économiste (prix Nobel) Amartya Sen et ses travaux sur le développement humain et l'économie du bien-être pour comprendre les variables environnementales qui devraient également venir contribuer à l'essor du potentiel ou du sens humain au travail. Comme quoi la volonté individuelle doit autant (sinon plus..) être appuyée par les différentes instances sociales qui nous chapeaute. Nos institutions sociales devraient idéalement être accueillantes de l’expression des "capabilités" individuelles (ou du potentiel). Permettre cet élan individuel nourrirait le tissu social d’une contribution plus engagée et plus intelligemment productive (!) favorisant un renouvellement plus authentique des acteurs sociaux. Au lieu de continuer à admirer passivement une élite d’actualisé(e)s, cette perspective humaniste propose un moteur socio-économique qui favoriserait l'actualisation de soi pour tous les citoyens. Fonctionner dans la société sans son potentiel déshumanise le monde du travail et coûte cher. Sans cette place laissée à l’originalité individuelle motivée, les modèles de fonctionnement sociaux (voir la réforme de l’assurance chômage par exemple) contraindra toujours plus à suivre une voie tracée d’avance (i.e. s’orienter qu'à partir des emplois d’avenir par exemple). Cette voix/e est vouée à une endogamie socio-économique, répondant à des prérogatives économiques potentiellement déshumanisantes. L'homme au service de l'économie (au lieu de la perspective inverse proposée par Amartya Sen) empêche un renouveau social plus authentique. Notre monde est pourtant si assoiffé de l’urgence d'agir autrement face aux nombreux défis qui frappent insidieusement l’humanité, sans qu'on s'en rende compte. Einstein nous avait déjà d'ailleurs bien dit que "La manière de penser qui a généré un problème ne pourra jamais le résoudre". D'où l'importance de sortir de nos sentiers battus réflexifs.


Loin d’être un caprice lié à notre seul appétit professionnel, l’Orientation du potentiel individuel est le seul gage d’une renaissance durable pour notre monde en manque d’humains vraiment engagés à y contribuer de leur unicité. Se sortir du fatalisme ambiant, de la désillusion généralisée est impératif. À force de négliger le potentiel humain, de "l'autrucher", on perd le sens de ce que veut dire être humain et on se met à prendre les discours dominants pour acquis, y obéissant aveuglément. Là encore, Einstein nous disait que "La perfection des moyens et la confusion des buts semblent caractériser notre époque". D'où l'importance de faire du Sens une question de survie, pas de caprice comme l'entendent bien souvent les tenants de l'hégémonique "réalisme" économique, comme s'ils parlaient au nom d'une loi de la nature alors que c'est une loi bien humaine qui est urgent de réformer pour rétablir l'équité et l'équilibre parmi nous.

Pour moi l’acte orientant a définitivement un potentiel écologique pour notre place sur cette planète. Poser la question pour savoir comment l’individu construit le sens de son projet, c’est répondre au défi « humani-terre » actuel. L’acte orientant a ce potentiel de trait d’union pour passer d’une société é« g »ologique à une société écologique. Certains taxeront cette vision d’utopie. Je suis d’accord. Mais négliger le potentiel humain en le casant au lieu de l'émanciper à tout prix nuit à la vitalité de nos structures de participation sociale. On a pas les moyens de s’orienter autrement, sous peine de voir l’humanité s’auto-détruire derrière un fonctionnalisme opérant qu'au nom de la sacro-sainte loi de la croi$$ance économique, en train de déséquilibrer tous les systèmes vitaux de notre planète et de notre civilisation sujette à un désinvesti$$ement croissant du tissus social au profit d'intérêt$ privés, alors qu'il n'y a jamais eu autant de riche$$es dans l'histoire de l'humanité.. Trouvez l'erreur.

En guise de clin d’œil aux détracteurs de ma perspective : qui aurait cru que Mandela serait un jour président de son pays et aujourd'hui parmi les plus adulés de ce monde, maintenant décédé ? Sa vision initiale du monde fut d'abord jugée subversive et terroriste au point d’avoir été incarcéré pendant 30 ans ! Tant que les c.o. n’auront pas cette même ferveur pour leur utilité sociale, comme le peuple sud-africain l'a eu pour appuyer la vision révolutionnaire de Mandela, notre cause professionnelle demeurera bêtement fonctionnaliste, au lieu de devenir un nouveau vecteur de justice sociale qui se défendrait au nom de l'éducation à la protection des besoins d’Orientation du public.


Érick Beaulieu conseiller d'orientation

Louis Cournoyer, Ph.D., c.o.
Professeur, counseling de carrière

Université du Québec à Montréal

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