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Pourquoi est-il difficile d’être le conseiller d’un ami ?
Pourquoi est-il difficile d’être le conseiller d’un ami ?
Sur le site Psych
Central, il est question aujourd’hui d’un article intitulé Therapists
Spill: How Therapy is Different from Talking to a Friend, produit par
Margarita Tartakovsky. Son contenu m’a inspiré ce texte.
Plusieurs de nos proches nous
demandent, notamment durant le temps des fêtes ou lors de rencontres sociales,
si nous pourrions les aider à s’orienter ? Pourquoi pas ?, se disent-ils. On se
connait et il s’agit essentiellement de parler de soi ensemble … et parfois
avec l’idée de sauver des sous. En fait, la rencontre d’un conseiller dans le
cadre d’une démarche d’orientation n’a rien à voir avec une discussion avec une
proche.
Selon qu’il s’agisse d’un
conseiller d’orientation ou d’un conseiller en développement de carrière,
chacun porte avec lui des années de formation spécialisée dans la capacité
d’établir une relation d’aide efficace (et non pas d’abord complice).
Contrairement aux amis, les conseillers n’ont pas d’enjeux de proximité amicale
ou sociale avec la personne en face d’eux. Donc, le but premier de la relation
n’est pas tant de veiller à maintenir une image de soi désirée, mais plutôt
d’encourager la personne qui consulte à développer une pensée autonome sur ce
qu’elle vie, et à lui mettre sous les yeux certains angles morts qu’elle ne
voit peut-être pas en rapport avec son fonctionnement psychologique.
Dans le cadre de ma thèse de
doctorat, intitulée L’évolution
de la construction du projet professionnel chez les collégiennes et les
collégiens lors des 18 premiers mois d’études collégiales : le rôle de
relations sociales il m’est
apparu clairement que les relations amicales sont fondées sur le maintien de
liens dits « forts », c’est-à-dire qui implique une relation de
proximité visant le partage de mêmes valeurs, de mêmes perspectives, souvent de
même environnements de vie et de croyances. De plus, les amis écoutent,
valident, mais rarement confrontent. C’est tout le contraire des professionnels
de l’orientation et du développement de carrière qui eux entretiennent plutôt
une relation fondée sur un lien dit « faible », c’est-à-dire plus
distant, plus objectif, plus instrumental, ce qui est dans un contexte de
relation d’aide nécessaire pour agir avec une réelle empathie (et non pas une
sympathie qui rend aveugle involontairement ou non des conflits de la personne
qui se trouve devant nous). Pour mieux comprendre cette notion de liens forts et de liens faibles, je vous invite à lire : Cournoyer, L. (2009). Entre relation sociales et projet professionnel: la force des liens. OrientAction,
La capacité d’empathie du
professionnel rendu possible, entre autre, grâce à cette distance de proximité
de vie est dont à la base de toute intervention efficace. Sans empathie, il est
impossible pour une relation d’aide d’explorer et de comprendre certains enjeux
de fonctionnement personnel et interpersonnel « extirpés » des « cassettes »,
scénarios de vie ou réponses automatiques que les individus mettent en place
pour se protéger (mécanismes d’autoprotection, souvent pour maintenir une image
de soi fragilisée).
Une autre dimension importante de
la relation d’aide professionnelle est qu’elle est confidentielle et
généralement imputable
à ce niveau, du moins lorsqu’il s’agit d’un professionnel membre d’un Ordre
professionnel tenu au secret professionnel et autre règlement déontologiques.
Dans le cas des professionnel en développement non membre d’un ordre, cette
garantie n’existe pas, sinon à l’égard du fait que si jamais un professionnel
manquait à son droit de réserve d’information à votre égard, vous pourriez
faire une plainte à la direction de cette organisation. Dans tous les cas,
contrairement aux relations amicales et de proximité sociale, la relation
d’aide au cœur du travail d’un conseiller d’orientation ou d’un professionnel
en développement de carrière se veut confidentielle. Cette condition permet à
la personne qui consulte de bénéficier d’une sorte d’espace de sécurité où elle
peut communiquer ses pensées et ses émotions les plus profondes, les plus
authentiques, à une personne devant elle qui n’est pas là pour la juger et qui
n’entretient pas d’autre relation avec elle que celle de l’aider à s’actualiser
professionnellement. Tel qu’il est mentionné dans l’article de Tartakovsky, le
contexte d’intervention est ici « un refuge, un endroit où je pourrais
recevoir de la rétroaction honnête, perspicacité, et la perspective de quelqu'un
en dehors de mon cercle. ».
Une dernière particularité de la relation d’aide
professionnelle versus la relation d’aide amicale ou de proximité sociale est
que dans le premier cas elle est uniquement centrée sur vous. Dans une relation
d’amitié, il est normal que chacun des acteurs puissent exposer ses besoins
d’écoute et d’aide, même si la demande provient initialement de l’un des
partis. Dans le cadre d’une relation d’aide professionnelle, l’objet du travail
c’est vous, juste vous. Le conseiller d’orientation ou le professionnel en
développement de carrière n’est pas là pour combler ses propres besoins, de
chercher à répondre à sa propre curiosité à l’endroit de ce que vous vivez,
mais à être là avant tout et uniquement pour répondre à l’objectif de travail
que vous vous êtes fixé ensemble.
Louis Cournoyer, Ph.D., c.o.
Professeur – Counseling de carrière
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