jeudi 20 mars 2014

DE LA LECTURE À LA PRATIQUE ... THÉRAPIES BRÈVES : PRINCIPES ET OUTILS PRATIQUES (Marjolaine Mercier)

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 De la lecture à la pratique ...

Compte-rendu de l'ouvrage 


Doutrelugne, Y., Cottencin, O. et Betbèze, J. (2013). Thérapie brèves : principes et outils pratiques (3e éd.). France, Paris: Elsevier Masson.ISBN : 9782294097737


Produit par : 

MARJOLAINE MERCIER
Finissante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM


Sous la direction : 
Louis Cournoyer, professeur
Université du Québec à Montréal 


N.B. Le texte qui suit peut être téléchargé à partir du site Orientaction à l'adresse URL suivante : CLIQUEZ ICI !


1.    Soigner la souffrance de façon rapide et efficace

L’ouvrage Thérapies brèves : principes et outils pratiques s’adresse à un large éventail de professionnels de la relation d’aide ou des services de santé et services sociaux tels que les psychologues, psychoéducateurs, infirmiers, psychiatres, travailleurs sociaux, médecins ainsi qu’aux conseillers d’orientation. Abordant la vision systémique, soit la globalité des interactions composant les différents systèmes d’une personne, le mouvement des théories brèves s’intéresse aux interactions dysfonctionnelles récurrentes et est axé sur le présent et le futur possible. Il octroie aux intervenants une vision de la problématique permettant de promouvoir leur créativité. Cette approche efficace motive et encourage le client à passer à l’action et à faire des changements réels pour une résolution rapide et permanente de leurs souffrances. La thérapie narrative fait son entrée dans la nouvelle édition. Intéressant, ce modèle permet de construire l’identité, redonne le pouvoir au client et crée un projet de vie en lien avec les valeurs de la personne.


2.    Présentation des auteurs[1]

Pour la première (2005) et deuxième (2008) édition de ce livre, les docteurs Yves Doutrelugne et Olivier Cottencin sont les co-auteurs de Thérapie brèves : principes et outils pratiques. En 2009, ces deux auteurs ont également publié Thérapies brèves : situations cliniques. Depuis 1988, Dr. Doutrelugne est praticien, thérapeute et formateur. Médecin, il est reconnu pour son humour et son côté pragmatique. Il est chargé de conférences à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et à l’Université de Lille II. Il est formateur en thérapies brèves, en hypnose médicale ainsi qu’en compétences relationnelles. Il propose également ces formations dans quelques entreprises, telle que la Solvay Business School (SBS). Finalement, il est co-fondateur de plusieurs associations dont l’Espace du Possible, l’Institut Milton H. Erickson de Belgique et du nord de la France, de la Confédération Francophone d’Hypnose et de Thérapie Brève. Pour sa part, Olivier Cottencin est professeur de psychiatrie et d’addictologie à l’Université de Lille Nord de France. Pour la troisième édition (2013) du livre présenté, Julien Betbèze s’est joint au duo en tant que collaborateur. Psychiatre et pédopsychiatre, il est chef du service d’Accueil familial adulte de Loire-Atlantique, thérapeute familial à l’unité d’addiction du CHU de Nantes et chargé de cours universitaire. Ces trois auteurs offrent de la formation aux professionnels de la santé et de la santé mentale ou aux praticiens de la relation d’aide qui souhaitent connaître et développer les principes et outils reliés aux modèles des thérapies brèves. Grâce à leurs expériences de praticien et de pédagogue, ils ont su, dans leur ouvrage, présenter les concepts théoriques de façon à faciliter l’apprentissage et à partager leurs propres outils dans un format flexible en laissant place à la créativité de l’intervenant qui se les appropriera.


3.    Compte rendu commenté de l’ouvrage

Huit chapitres composent ce livre de 236 pages. Les débuts et le développement des thérapies brèves, desquelles émergent de l’approche systémique, ainsi que certaines méthodes qui s’y rattachent, sont abordés dans le premier chapitre. Le chapitre deux met en relief un modèle schématisé des concepts des thérapies brèves; la thérapie systémique brève (TSB), la thérapie orientée vers les solutions (TOS) et les mouvements alternatifs en thérapie et hypnose (MATH). Les chapitres trois et quatre permettent aux lecteurs de se familiariser avec les principes, outils, tactiques et stratégies des thérapies brèves. Les auteurs ont su concrétiser les explications et apprentissages par plusieurs exemples et cas clinique. Les chapitres cinq et six se penchent spécifiquement sur la thérapie orientée vers les solutions et la thérapie narrative. Les chapitres sept et huit exposent deux entretiens mettant en lumière l’intervention paradoxale progressive, principe central des thérapies brèves.

Dès le premier chapitre, Historique et concepts, le lecteur prend connaissance que les thérapies brèves sont encore aujourd’hui en évolution et qu’elles sont nées sous l’influence de l’approche systémique véhiculée par Gregory Bateson de l’école de Palo Alto. Ayant comme centration la communication et la relation des individus avec son entourage, Bateson s’intéresse aux travaux sur l’hypnose de Milton Hyland Erickson. Ce dernier, ayant un style créatif et nouveau, apporte les premiers principes aux thérapies brèves : la confusion, les paradoxes, les doubles liens et le changement.

Quelques groupes issus de l’école de Palo Alto se forment et contribuent au déploiement des thérapies brèves :
-       Le Brief Therapy Center (BTC), en 1967. Les chercheurs de ce groupe (dont Paul Watzlawick, principalement cité dans ce livre) mettent sur pied une méthode nommée thérapie systémique brève (TSB) qui a ses propres outils et grilles d’intervention.
-       Le Centre de thérapie familiale brève de Milwaukee d’où Steve de Shazer et Bill O’Hanlon élaborent la thérapie orientée vers les solutions (TOS).
-       Le Mental Research Institute (MRI). Pendant deux ans, le MRI a été dirigé par Nicholas Cummings, psychologue américain qui a propulsé la thérapie brève. Aussi, du MRI, Francine Shapiro, vers la fin des années 80, expose la méthode appelée Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR). Cette méthode propose des séries de mouvements des yeux visant une désensibilisation traumatique puis une restructuration cognitive. Inspirés de cette méthode et de l’hypnose, les 14 protocoles des MATH (Mouvements Alternatifs en Thérapie et Hypnose) ont été élaborés par Jean-François Terakowski.
Enfin, de cet écrit traitant des thérapies brèves, un dernier modèle est traité, soit les thérapies narratives.

Le chapitre deux intitulé Modèle de thérapie stratégique combinant TSB, TOS et MATH (EMDR) décrit brièvement, à partir d’une figure, les principaux concepts des théories de différents groupes de l’école de Palo Alto. Tel qu’indiqué dans le livre, il est possible de consulter ce schéma sur le site www.espace-du-possible.org sous l’onglet Nos publications. Ce schéma peut servir d’aide-mémoire au praticien qui souhaite appliquer les concepts, étapes et outils reliés aux thérapies brèves.

Principes des thérapies brèves est le titre du chapitre trois. Dans le cadre de cette recension, plusieurs principes ont été soulevés et notés prioritaires dans la compréhension et l’application des thérapies brèves. Les voici :

La systémique. Chaque client fait partie d’un système et intervient dans celui-ci, c’est le principe de la circularité d’une relation. Alors, « quand l’autre, étant ce qu’il est, a envers moi un comportement difficile à vivre pour moi, ma réponse permet-elle que ce comportement s’arrête ? » (p.27)[2] Si la réponse à cette question est négative, il est possible d’affirmer que mon problème est la tentative de solution. « Quand mon problème se répète, c’est donc que le type de solutions que j’utilise est répétitivement inefficace. » (p.28) Cette façon d’aborder les difficultés du client souligne la pertinence d’observer et d’amener le client à explorer la façon dont il interagie et communique.

La brièveté. Le rôle du thérapeute dans la thérapie brève vise à ce qu’il devienne le plus rapidement inutile, toutefois la complexité du cas demeure la variable la plus importante dans la durée du traitement. Plusieurs raisons viennent appuyer cet intérêt : 1- d’un côté éthique, la personne qui souffre souhaite voir partir cette souffrance le plus rapidement possible 2- d’un côté systémique, cette personne souffrante est en relation avec d’autres, c’est alors tout son système qui souffre « que nous allions bien ou mal, c’est tout le monde qui en profite ». (p.25) 3- d’un côté économique, les longues thérapies sont coûteuses et peu accessibles pour certains.

Le problème. Un thérapeute adoptant l’approche des thérapies brèves soigne le problème de celui qui souffre et ne cherche pas forcément à ce que le client en comprenne le sens ou trouve le pourquoi. À l’inverse de l’image de l’iceberg, le problème d’une personne ne cache pas autre chose et il devient accessoire de rechercher les causes de ce problème : une fois celles-ci trouvées, le patient ne souffre pas moins et le problème existe toujours.

Le changement. Pour qu’un problème cesse, le patient doit décider de faire des changements. Le pouvoir de décision face au changement est essentiel et une fois que le choix de changer est fait, le thérapeute fait face à un client.

Le touriste, le plaignant et le client. Dès la première rencontre, il est nécessaire d’évaluer la vision de la personne qui consulte face à son problème. Le touriste dira qu’il n’en a pas, le plaignant aimera qu’on l’écoute et donnera la responsabilité de son problème à l’extérieur de lui et le client va s’approprier son problème et mettre en œuvre les actions nécessaires pour qu’il y ait changement. Identifier la position de la personne qui consulte détermine la direction de l’intervention. Le rôle du thérapeute sera d’amener un touriste à devenir plaignant et enfin client. Travailler auprès d’un client permet de rentabiliser les efforts de l’intervenant.

La définition. Les auteurs de ce livre adhèrent à la définition apportée par Nicholas Cummings : « Le patient a droit au soulagement le plus rapide, le plus complet et le plus durable possible de sa souffrance, et ce, de la façon la moins envahissante qui soit. Je ne lui demanderai rien d’illégal, rien d’immoral, rien d’impossible. En contrepartie, il fera tout pour me rendre inutile aussi vite que possible. » (p. 24)

La réalité et le recadrage. La vision qu’apporte l’école de Palo Alto face à la réalité permet de comprendre le principe de cadrage et recadrage des thérapies brèves. La réalité est de deux ordres : ce que les sens nous donnent comme informations (les faits) et le sens que nous y donnons (le cadrage). Le recadrage permet de voir les choses différemment (donner un nouveau sens) dans un but de diminuer la souffrance. Le recadrage permet de modifier le cognitif, ainsi il y a incidence sur les trois autres aspects de la personne : le comportemental, l’affectif et le somatique. Il devient donc essentiel de comprendre la façon de voir du client car chacun est unique et a des perceptions différentes des événements de sa vie. De plus, les thérapies brèves se veulent non-normatives. Pas de classification, ni de trouble ou de catégorie. Le thérapeute n’émet pas de diagnostic, il travaille avec la réalité du patient tel qu’il le lui a décrit : «  le patient dit avoir des problèmes dans sa consommation d’alcool » et non pas qu’il est alcoolique (p. 43).

Le chapitre quatre, le plus volumineux de l’ouvrage, a pour titre Outils de la thérapie brève. D’entrée de jeu, il est expliqué que dès le premier entretien, le travail débute. Plusieurs approches prônent que lors des premières rencontres la tâche principale est l’établissement de la relation de confiance entre l’aidant et l’aidé. Les techniques ou habiletés avancées sont souvent utilisées lors des séances subséquentes. La brièveté se distinguent : la première séance doit être thérapeutique (utilisation des techniques et outils), innovante, bienveillante et encourageante. De plus, tel que mentionné au chapitre trois, il est de mise d’établir qui est le patient devant nous : un touriste, un plaignant ou un client.

Dans le cas d’un touriste ou plaignant, la philosophie d’intervention est d’amener le patient à devenir client. L’auteur met en garde sur cette tendance de certains thérapeutes à travailler à la place du patient, voire, le sauver, lorsque celui-ci n’est pas un réel client. Beaucoup d’énergie de la part de ce thérapeute pour souvent bien peu de résultats. Une phrase écrite à différents endroits dans l’ouvrage fait référence à ce constat : « Quand je le fais à sa place, je ne suis pas à la mienne et je l’empêche de prendre la sienne. » (p.52 et 61)

Souvent, le touriste se présente en thérapie parce que quelqu’un de son entourage se plaint (souffre) du comportement de celui-ci. Par exemple : « Mon enfant s’est inscrit à l’école de théâtre alors que je souhaite tellement plus pour lui ! » Accueillir la vision du patient (dans ce cas-ci l’enfant de ce parent), soit celle qu’il n’a pas de problème, permet d’avoir une communication positive et bienveillante entre l’aidant et l’aidé. « Comment puis-je vous aider pour que le Référant soit satisfait? » (p. 58) Aussi, une question telle que : « Si par magie, grâce à une baguette magique à trois coups, tu pouvais changer trois choses dans ta vie, que changerais-tu ? » (p. 59) permet que les désirs du client soient transformés en objectifs de travail. Du côté du client plaignant par exemple « mon patron m’en demande toujours plus au travail, il n’est jamais content de ce que je fais, c’est à cause de lui si j’entre toujours en retard au travail, il me démotive » l’auteur propose plusieurs outils pour amener le plaignant à devenir client entre autres des métaphores et l’intervention paradoxale.

L’intervention paradoxale est le principal aspect distinctif de l’école de Palo Alto. Un paradoxe est le contraire à la logique habituelle. Lorsqu’une solution qui apparait logique ne fonctionne pas (paradoxe préalable), l’intervention paradoxale, soit l’intervention contraire à toute attente est expérimentée. « Un problème chronique est un problème qui est géré de façon erronée répétitivement : le paradoxe préalable est une erreur logique. L’intervention paradoxale (n’) est (que) la correction d’une erreur logique » (p.95). En raison de sa nature provocatrice et surprenante, trois ingrédients sont nécessaires pour réaliser une intervention paradoxale efficace: 1- repérer le paradoxe préalable 2- user de bienveillance 3- graduer l’intensité de l’intervention.

La définition du problème est l’élément central dans la thérapie systémique brève (TSB) : « si le problème est bien défini, la solution va de soi » (p. 67) Pour bien définir le problème, il faut en premier lieu bien comprendre la réalité du client et le sens que celle-ci a pour lui. Afin de bien comprendre la réalité du client, il faut l’amener à bien définir certains mots-valises, comme les auteurs les appellent, afin d’être en mesure de bien cibler le problème : « C’est l’enfer à mon travail, je veux quitter. » L’enfer est décrit de quelle façon chez cette personne ? Comment se sent-il à son travail ? Quel comportement adopte le client ? Etc. Utiliser le questionnement ouvert tout en prenant la position basse, soit celle de ne prendre rien pour acquis et de positionner le client dans le rôle de l’expert (il en connait beaucoup plus sur sa problématique que le thérapeute) permettra de bien définir le problème. Bref, il s’agit d’explorer ce problème sous tous les angles : cognitif, affectif, somatique et comportemental. Tel que vu au chapitre trois, l’idée des thérapies brèves de Palo Alto est que le problème décrit par le client est souvent la tentative de solution. L’outil proposé pour cibler le problème est la question suivante : « Si cela était résolu, votre problème serait-il entièrement réglé ? » (p.70)  et de là, il est possible de faire ressortir le vrai problème. Pour aider à bien définir le problème les auteurs suggèrent une grille d’intervention personnelle qui comporte certains points centraux : les faits, le sens donné aux faits, la circularité de la relation. Trois questions font également partie du tableau : « En quoi est-ce un problème? », « Pourquoi consulter maintenant? », « Y’a-t-il des exceptions et/ou des aggravations? » (p.142 et 143)

Dans un deuxième temps, il importe de définir l’objectif. L’objectif, soit l’état désiré, est représenté comme étant la solution. L’avantage non négligeable à définir l’objectif de façon concrète et précise est de pouvoir terminer la thérapie dès que celui-ci a été atteint. Pour arriver à définir cet objectif, l’auteur suggère 3 questions : « Que désirez-vous? », « Quand nous terminerons ce travail, qu’est-ce qui sera différent ? » et « À quoi verrez-vous que nous pourrons mettre fin à cette thérapie ? » (p.70). Parce qu’un des critères d’un objectif est qu’il vise à être réalisable, les thérapies brèves adoptent 2 visions : le changement minimum et l’effet boule de neige. La première évoque que les apprentissages se font pas à pas, donc les tâches exigées seront minimes et ainsi plus facilement réalisables.  La deuxième est qu’il y a un effet d’entrainement : le premier changement est initié par l’intervenant et est le début d’un enchainement de changements qui ne nécessitent plus la poussée du thérapeute. La grille d’intervention personnelle, évoquée plus haut, contient également les notions importantes reliées à l’objectif : les choix pour y parvenir, les coûts et bénéfices de chacun d’eux, les tâches concrètes proscrites, le moteur du patient (ce qui sera utilisé pour changer le comportement).

Deux jeux de rôles centraux sont décrits afin de travailler deux concepts importants. Le premier est nommé Le jeu du bras de fer et illustre le concept de la circularité de la relation décrit au chapitre trois. Donc, que la personne est active dans la relation et qu’elle a un pouvoir d’action. Le deuxième jeu de rôle, nommé Le jeu de l’écharpe à franges, démontre qu’il y a une panoplie de réponses, de choix possibles donc de solutions à la suite d’une interaction ou d’un comportement dans une relation. Un client qui prend conscience de son pouvoir d’action sur la direction d’une situation ou d’une relation et qui observe les différentes options pour modifier celle-ci s’engage dans un processus actif et motivant.

Pour intégrer un apprentissage, il faut pratiquer, passer à l’action concrète. La philosophie des thérapies brèves permettent quatre axes pour favoriser le passage à l’action : 1- La relation innovante. Dès la première rencontre la surprise et la créativité est à l’œuvre et a pour conséquence d’augmenter la motivation de la personne. 2- Les jeux de rôles. Ceux-ci permettent déjà une pratique concrète dans la thérapie. 3- Les tâches. À chaque séance une tâche est demandée pour la prochaine rencontre. 4- L’utilisation de l’hypnose. Car le client se plonge dans des expériences de façon émotionnelle, il a une implication active.

Face à des propos comme : « je suis stressée d’aller passer l’entrevue pour le poste que je souhaite. » Il peut être facile de juger ou d’intervenir ainsi : « ben non, ça va bien aller! ». Troquer le « pourquoi » par « vous avez certainement de bonnes raisons d’agir ainsi » place le thérapeute dans une position où il reconnaît, accepte les propos du client et pousse ce dernier à expliquer sa pensée, ses émotions, ses comportements. C’est la position de l’anthropologue. Un autre outil utilisé en thérapie brève qui favorise l’atteinte de l’objectif tout en acceptant et reconnaissant l’univers du patient est l’utilisation : tout ce qui fait partie de l’univers du patient peut être utilisé que ce soit un événement, un conjoint, un trait spécifique, la religion, les compétences d’une personne… Chaque personne a son « mode d’emploi » ou « un moteur » (p. 87) qui une fois actionné, l’amènera à passer à l’action et à faire des apprentissages. L’intervenant, s’il reconnaît et accepte ces moteurs, peut les utiliser pour que le patient parvienne à son objectif.

Il arrive de rencontrer des patients qui se mettent dans une position inconfortable peu importe le choix qu’ils prennent. Dans le même sens, dans une relation, la communication peut également mener à ce que les options offertes à l’autre soient « perdantes » peu importe le choix qu’il fait. Cette notion est appelée double lien ou double nœud. Pour illustrer cette situation, les auteurs donnent concrètement des exemples:
« Un patient dépressif est professeur d’économie dans une université. Il est terriblement déçu de ne pas être le numéro un en économie dans son pays. Mais s’il était numéro un, il serait sujet à la critique, ce qu’il ne supporterait pas non plus. » (p.108)
« Mon chéri, il y a trois choses que j’aimerais vraiment que tu changes dans ta façon de faire : ça, ça et ça. Le mari effectue ensuite ces changements dans ses comportements et sa femme lui dit : oui mais c’est trop tard ! Qu’il fasse ou ne le fasse pas, ça ne convient pas à son épouse. Comment peut-il faire pour que ça lui plaise ? » (p. 107)
Le rôle du thérapeute est de deux ordres : exposer la situation qui est dérangeante, qui fait vivre de l’impuissance et habiliter le patient à créer des doubles liens où les choix sont positifs peu importe lequel il choisit.

Une grande section du chapitre quatre est réservée à certaines tactiques et stratégies pour résoudre certaines situations souvent rencontrées en thérapie. En voici quelques-unes :
-       Lorsque la tentative de solution est identifiée rapidement, il peut être opportun de mettre une condition préalable pour l’entrée en thérapie.
-       Pour éviter les attaques personnelles ou faire face aux critiques (autant pour l’aidé que pour l’aidant), il est proposé de prendre la position basse.
-       Lorsque le thérapeute s’est trompé, a fait une erreur, dans le but de garder la relation avec le client tout en redevenant efficace, faire un U-turn est adapté.
-       Pour cesser un rituel ou pattern nuisible, il est demandé au client d’effectuer un petit changement dans celui-ci.
-       Afin que le client fasse l’apprentissage de la rechute ou de la réussite, la tactique du Petit Poucet (faire des allers-retours entre la situation initiale et l’actuelle) est prescrite.
-       Dans l’éventualité où une tâche bénéfique mais difficile à accomplir serait indiquée, un contrat en blanc pourrait être signé.
-       Quand il y a des résistances, le paratonnerre est une technique utile.
-       Pour qu’il y ait transfert de compétences d’un domaine à un autre, la technique clenched fist ou « poing serré »  dans laquelle la visualisation est utilisée, est nommée.

Le chapitre quatre termine avec un dernier outil utilisé en thérapie brève : l’hypnothérapie. Jusqu’à récemment, l’hypnothérapie peut nous faire penser à une technique qu’utilisaient les charlatans. De nos jours, grâce à la vision d’Erickson et ses travaux sur la communication, l’hypnose et ses outils peuvent être intégrés dans une thérapie brève.

Le chapitre cinq aborde la Thérapie orientée vers les solutions. Steve de Shazer et Insoo Kim Berg, et dans un 2e temps Bill O’Hanlon, ont développé les bases de ce modèle. La TOS a un langage bien à elle. Par cette façon d’aborder les choses, entre autre de parler du problème au passé, le client va reprendre le pouvoir sur sa vie. Ainsi, on perçoit l’influence hypnotique d’Erickson : le patient se projette dans un futur où le problème n’existe pas. L’utilisation du même langage que le patient est un ingrédient tout comme le renforcement des compétences du client. Les réussites sont importantes. Une question souvent posée pour les faire ressurgir est : « Comment avez-vous réussi à faire cela ? ». Les exceptions aussi sont capitales : un problème n’est jamais présent dans une vie de façon stable et continue. Il y a toujours des moments où, par exemple, la personne anxieuse se sent bien ou moins pire. C’est en se basant sur ces moments que cette personne en arrive à se trouver des forces, des outils et ainsi appliquer la même recette sur d’autres moments de sa vie. C’est ainsi que les tâches données au patient prennent formes : c’est lui-même qui se les trouve. Contrairement à la TSB, ces tâches sont multiples et optionnelles à chaque rencontre. Une autre différence à noter entre ces deux méthodes est la définition du problème. Dans la TOS, l’objectif est le point de mire. La mobilisation du patient ne sera que plus élevée envers cet état désiré, car il fait partie d’une réalité plausible. Ainsi, le changement devient presque inévitable. Propre à la TOS, la question miracle permet de bien décrire l’objectif. Elle demande au client de se projeter et de décrire son futur dans lequel l’état désiré serait atteint. Pour que le client prenne conscience des petits changements réalisés en cours de thérapie, l’outil de l’échelle est régulièrement utilisé. Par exemple, un client qui évalue son émotion à 3/10 et qui maintenant l’évalue à 5/10 peut  devoir réfléchir sur différents plans : comment il s’y est pris pour atteindre deux points? À quoi voit-il qu’il en est rendu là? Que faudrait-il pour atteindre un point de plus? Etc.

Le chapitre six expose les principaux principes derrière la Thérapie narrative. Michel White a grandement contribué au développement de ce modèle. Encore bien récente dans les pays francophones, la thérapie narrative s’apparente à la TOS par sa recherche d’événements positifs dans la vie d’une personne afin d’en faire ressortir une importance telle que la personne puisse y construire une identité forte et avoir de nouveau de l’emprise sur sa vie. Les distinctions majeures de la thérapie narrative sont les réflexions faites sur les intentions de l’action, sur l’impact social ainsi que les possibilités d’extrapoler sur d’autres histoires où le problème est absent. Les difficultés vécues chez certaines personnes sont prédominantes et ont comme conséquence de minimiser les forces ou les valeurs de cette personne. La jeune fille anxieuse, peu scolarisée et isolée se cherchant un emploi et qui se bute à plusieurs refus aura tout avantage à déterrer ses anciennes réussites afin de se construire une image d’elle concordant avec ses valeurs et l’inspirant à concevoir un avenir possible. Pour y arriver, les auteurs nous présentent quatre tableaux différents sur lesquels le thérapeute s’appuie: exceptions, intention et valeur, principes de vie, relation et reconnaissance. L’histoire de l’exception, lorsqu’elle est racontée, aborde plusieurs angles. Il est, entre autre, demandé au client si cette exception a eu des effets sur d’autres sphères de sa vie, sur lui-même, si ces effets sont satisfaisants et pourquoi le sont-ils. La prise d’initiative de la part du client est soulignée et a pour effet de révéler le pouvoir d’action sur la vie de l’individu. Elle est aussi une porte d’entrée pour souligner ses forces et ses compétences réelles. Dans un deuxième temps, la recherche des intentions derrière l’action met la personne en contact avec ses valeurs. Tout au long des rencontres, le thérapeute demande d’appuyer les dires de la personne avec d’autres histoires qui corroborent les faits. L’ensemble de ses histoires évoquent donc plusieurs valeurs qui dressent un ou des principes de vie chers à l’individu. Des sentiments d’espoir et le goût de construire des projets de vie en lien avec l’identité de la personne croissent. Finalement, White a exploré l’angle des relations et l’impact de celles-ci. D’une première façon, il invite le sujet à parler d’une personne significative dans le passé et de l’influence de celle-ci sur son image. D’une deuxième façon, il met le client en relation avec une personne inconnue qui lui renvoie l’image perçue lors de la narration de l’histoire (reconnaissance).

Le chapitre sept qui s’intitule Script – L’intervention paradoxale progressive, met en lumière une intervention du Dr. Doutrelugne auprès d’un client consultant afin d’améliorer la communication familiale. L’entretien est commenté en fonction des notions préalablement lues et a été sélectionné en raison des erreurs commises de la part du thérapeute. De prime abord, c’est l’intervention paradoxale qui est démontrée mais également d’autres outils et concepts tels que le changement, les tâches, le u-turn, la position basse, la progressivité de l’intervention paradoxale et l’utilisation. Ce script démontre à quel point l’intervention paradoxale peut être efficace mais combien difficile à pratiquer. Ici, le thérapeute recevait ce client depuis plus d’un an, ce qui est rare dans sa pratique (surtout pour une thérapie dite brève). D’ailleurs, une mise en garde est faite au lecteur, il est recommandé d’y aller de façon progressive et, de par son côté provocateur, de toujours faire preuve de bienveillance : les journées où le thérapeute se sent coléreux, mieux vaut qu’il s’abstienne d’intervenir de cette façon.

Le chapitre huit expose une autre entrevue « Le pueur de pieds » : dépression majeure, contrat en blanc de mise au lit et intervention paradoxale progressive. Ce script met en scène un jeune homme qui a l’impression de puer des pieds, au chômage depuis trois ans et ayant des signes de dépression majeure. Un contrat en blanc est l’outil utilisé. L’auteur nous met en garde que cet entretien peut paraître bien provocant, quoiqu’il ait résulté à un changement. Il demeure qu’à la lecture, plusieurs constats émergent: il faut oser et user de créativité. De plus, l’intérêt de supervisions en début d’apprentissage de l’intervention paradoxale peut certainement favoriser l’habileté.


4.    Pertinence pratique

Par les cas cliniques, les exemples, et la vignette « ce qu’il faut retenir » à la fin de chaque chapitre, l’ouvrage écrit par Dr. Doutrelugne et ses collaborateurs est un outil simple pour le conseiller d’orientation qui veut s’initier aux thérapies brèves. Orienté sur la pratique et flexible, le lecteur peut facilement appliquer ses apprentissages à son contexte d’accompagnement. En raison de la clientèle variée (adolescents, adultes, retraités, ex-détenus…), des milieux où la profession s’exerce (organisation, scolaire, privée, communautaire…) et des mandats (employabilité, orientation, réadaptation…), les conseillers d’orientation rencontrent de nombreuses problématiques desquelles les outils des différents modèles peuvent s’adapter. Pour en nommer quelques-unes, pensons à la personne accédant à de nouvelles fonctions lui demandant de gérer des clients difficiles, ou à l’étudiant qui connaît peu ses forces, ou à la personne accidentée de la route qui doit faire le deuil de sa profession. De plus, les problèmes relationnels sont fréquents et présents dans plusieurs contextes. Qu’il s’agisse de conflits récurrents dans une équipe de travail ou entre deux collègues, les problèmes relationnels ont des répercussions importantes : baisse de motivation, de rentabilité, du sentiment d’efficacité personnel, augmentation des absences au travail, etc. En ce sens, la pratique des thérapies brèves peut s’appliquer auprès d’un groupe autant qu’auprès d’un individu.

Encore, les théories systémiques brèves, orientées vers les solutions et narratives se combinent aisément avec les compétences relationnelles développées chez les conseillers d’orientation. La spécificité est à l’œuvre lors de la clarification du problème ou de l’objectif. De l’extérieur, il peut être facile d’apporter nos solutions aux clients, en usant d’empathie, la réalité subjective du client sera prise en considération et aisément, il y aura une acceptation des solutions apportées par le client. Utilisée, la confrontation devient une compétence bien aidante lors de la recherche d’exceptions, un élément central dans le modèle narratif et de la TOS. Enfin, les questions ouvertes sont de mise, pensons seulement à la question miracle qui permet d’ouvrir sur les objectifs et les moyens.

Rencontrer des résistances lors d’un processus de counseling est fréquent parce que le changement apporte son lot d’appréhension et d’incertitude. La TSB et TOS apportent une multitude d’outils pour faire face aux impasses, aux culs-de-sac rencontrés dans les processus de counseling d’orientation. La théorie des petits pas en est un exemple. Maîtriser quelques-uns des outils des modèles présentés enrichit le coffre à outil du professionnel en carriérologie. Donc, sans nécessairement être un puriste de cette approche, il est pertinent et utile de connaître les outils et concepts.  

L’intérêt face aux thérapies brèves est d’autant plus renforcé par la demande de certaines organisations à réduire le nombre de rencontres auprès d’une personne afin d’offrir des services à un plus grand nombre de clients. Aussi, d’après les auteurs, l’efficacité de cette méthode est démontrée. Les deux scripts à la fin du livre en font foi.

Orientée sur le futur, la TOS explore peu le passé, d’ailleurs, le problème ne serait pas connu de l’aidant que l’intervention en serait toute aussi efficace. Donc la phase d’exploration est quelque peu escamotée et la phase d’action est priorisée. Pour le débutant, l’intervention paradoxale semble être un art à maîtriser avec doigté. Malgré les trois éléments fournis par les auteurs pour favoriser la réussite de celle-ci, une bonne analyse de la situation jumelée à une supervision aurait tout avantage à faire partie de l’apprentissage du néophyte. De plus, face à ce style d’intervention, il serait pertinent d’investiguer la réaction chez la clientèle provenant d’autres cultures qui adoptent des valeurs et des styles de communication différents. Malgré la bienveillance prônée par les auteurs, se pourrait-il que certaines personnes réagissent mal devant un thérapeute lui disant : « Surtout, ne changez rien ! » ?

Tout compte fait, ces modèles ouvrent la voie à de nouvelles façons de faire et projettent une vision positive auprès du client.


5.    Bibliographie

Livres

Doutrelugne, Y., Cottencin, O. (2005). Thérapies brèves : outils et applications. France, Paris : Elsevier Masson.

Doutrelugne, Y., Cottencin, O. (2008). Thérapies brèves : principes et outils pratiques     (2e éd.). France, Paris : Elsevier Masson.

Doutrelugne, Y., Cottencin, O. (2009). Thérapies brèves : situations cliniques. France, Paris : Elsevier Masson.

Doutrelugne, Y., Cottencin, O. et Betbèze, J. (2013). Thérapie brèves : principes et outils pratiques (3e éd.). France, Paris: Elsevier Masson.


Sites Web

Centre de formation en thérapie brèves et hypnose (2011) Espace du possible. Récupéré le 8 octobre 2013 de http://www.espace-du-possible.org/

Docteur Yves Doutrelugne (2009) Récupéré le 8 octobre 2013 de http://www.competencerelationnelle.com





[1] Les informations contenues dans cette section ont été puisées sur le site internet du docteur Yves Doutrelugne (http://www.competencerelationnelle.com), sur le site internet du centre de formation en thérapie brèves et hypnose fondé par le Dr. Doutrelugne (http://www.espace-du-possible.org/) ainsi que dans le livre présenté.
[2] Seule la page du livre recensé sera citée en référence lorsqu’un extrait sera rapporté.

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