mardi 6 mars 2012

DE LA LECTURE À LA PRATIQUE ... La double contrainte : Influence des paradoxes de Bateson en Sciences humaines

Bonjour,


Vous trouverez ci-joint l'oeuvre d'une finissante de la maîtrise en carriérologie portant sur la recension d'un ouvrage portant sur le paradoxe de la double contrainte avec application pratique en contexte de counseling de carrière. Plus particulèrement, il est question de recenser l'ouvrage en faisant ressortir les concepts et les notions d'intervention importantes et de voir ensuite en quoi cela peut s'appliquer concrètement au counseling de carrière. La recension peut être consulté sur le site http://www.orientaction.ca/images/stories/lecture/mukamusoni_double_contrainte.pdf

Voici pour vous :

La double contrainte :L’influence des paradoxes de Bateson en sciences humaines.
 
Par

Joséphine Mukamusoni, étudiante à la maîtrise en carriérologie (UQÀM)

Sous la direction de


Louis Cournoyer, Ph.D., c.o.

Professeur (counseling de carrière)

Université du Québec à Montréal

WITTEZAELE, J.-J. (2008) La double contrainte : Influence des paradoxes de Bateson en Sciences humaines. Bruxelles : De Boeck. ISBN 978-2-8041-5713-5


1.    Avant-propos : Nos clients face aux injonctions paradoxales.


 

Quelques soient les divergences qui surgissent lorsqu’il s’agit de qualifier la communication, nous reconnaissons au moins que la communication est au cœur de toute relation. Cependant, plusieurs situations sociales d’échecs ont pour origine une communication paradoxale. La théorie de la double contrainte appelée aussi double « bind » ou double lien a été introduite dans le but d’expliquer les injonctions, les blocages qui perturbent nos clients et les rendent coupés de la réalité. Il importe pour un professionnel de l’orientation de maîtriser cette théorie en vue de se rendre compte de l’ampleur du problème et de contribuer à créer un milieu favorable aux clients. En effet, le décodage du message se fait d’un niveau concret vers le niveau abstrait. Il faut éviter de créer la contradiction entre  le niveau direct ou concret (ensemble de son) et  abstrait (l’énoncé). Les messages contradictoires provoquent des pressions morales et affectives. La sujet est mis dans  une situation de double contrainte ou de deux ordres qui s’opposent mutuellement. Pour Bateson, la théorie de la double contrainte est applicable dans toute société. En famille, en entreprise, en psychothérapie, même chez les animaux. Bref dans toutes les structures. Elle permet d’expliquer et comprendre la communication humaine et les esprits surnaturels. Par contre, la double contrainte peut avoir une connotation positive. Ceci puisque l’humour, la poésie constituent des états multiples et souvent contradictoires de toute communication humaine, bien qu’ils soient temporaires et normaux. Le schizophrène, quant à lui, est une forme pathologique, qui isole le malade dans son monde. Le souci de respecter la structure de l’ensemble dont nous faisons parti pourrait atténuer ou même supprimer les troubles de la communication. Dans la relation humaine, la communication de type double contrainte est vue comme précipitant une rupture émotionnelle lors de certains moments du schizophrène. En d’autres mots, la compréhension de la théorie de double contrainte dans ses différentes formes pourrait permettre de prévenir ou de soigner les troubles mentales.

  

2.    Qui est Grégory Bateson ?

 

Gregory Bateson est un anthropologue et penseur pluridisciplinaire du XXème siècle d'origine anglaise. Il a été professeur à l'université de Santa Cruz (Californie) et a mené une grande partie de ses travaux aux États-Unis. Ses premières recherches l'entraînent du côté de l'ethnologie et à faire des études sur le terrain en Nouvelle-Guinée et à Bali, avec l'anthropologue Margaret Mead, à laquelle il a été marié. Bateson étend ses recherches, par la suite, à l'écologie, à la méthodologie des sciences et à la psychiatrie. Il a contribué à la fondation du courant de pensée dite, école de Palo Alto en Californie, qui est a l’origine de la thérapie familiale et de la thérapie brève. Il développe la théorie sur la communication paradoxale, puis celle de double contrainte ou double « bind », un certain type de communication où un même message contient deux ordres qui s’annulent, ce qui peut être à l’origine de la schizophrénie. Bateson n'a jamais été lui-même psychothérapeute. Mais, après sa mort en 1980, ses recherches ont été prolongées et diffusées par ses disciples de l'Institut de Palo Alto : Paul Watzlawick, Don D. Jackson, J. Weakland. Ses pensées ont exercé une influence profonde sur l'approche de la schizophrénie, de l'alcoolisme, et sur les thérapies systémiques et familiales. Ils ont aussi traduits en Français les ouvrages de Bateson  et ont organisé un colloque en son mémoire, dont le fruit constitue le contenu de ce présent ouvrage.

  

3.    Compte rendu commenté de l’ouvrage



En mémoire de cinquante ans de commémoration de la formulation de la théorie de double contrainte pour la schizophrénie par Grégory Bateson et son équipe , un colloque a été organisé par l’institut Grégory Bateson, pour dresser un bilan de la fécondité de ce concept dans les sciences humaines. Le présent ouvrage, sous la direction de Jean Jacques Wittezaelle, reproduit les différentes interventions du colloque. L’ouvrage est divisé en deux grandes parties et compte 268 pages.
 

La première partie s’intitule les origines, le contexte historique, la diffusion, l’évolution et les divers champs d’application de la théorie de la double contrainte. Elle est composée de 7 chapitres. C’est une série de conceptualisation et de contextualisation de la théorie à travers le temps et l’espace. La seconde partie s’intitule les applications cliniques de la double contrainte : la thérapie familiale et les thérapies brèves stratégiques. Elle est composée de six chapitres. C’est une partie pratique de la théorie de double contrainte. Différentes situations d’application de la théorie sont exposées.



Cadre conceptuel et théorique de la double contrainte


Pour nous aider à comprendre l’acte de naissance de la théorie de la double contrainte, l’auteur du premier chapitre l’intitule  la double contrainte, un concept fondateur. Il reproduit l’un des documents de Bateson sur la double contrainte comme théorie explicative de la schizophrénie. À travers la mise en situation, il présente et illustre les spécificités de la double contrainte. En effet, ce concept est un langage de Bateson pour formaliser le mécanisme de régulation. Il part du champ multidisciplinaire qui se base sur le maintien de la stabilité comme une condition essentielle de la vie de toute structure. Pour concrétiser ses pensées, il montre le pouvoir inductif de la communication dans une famille. Les échanges et interactions entre les membres d’une famille contribuent à maintenir le fonctionnement et l’équilibre familial. Il y a une dynamique interactionnelle entre les membres d’une famille. Sans toutefois détailler la théorie de la communication, Bateson montre que la situation de double contrainte est un contexte relationnel entre deux ou plusieurs personnes. Ce contexte est caractérisé par des injonctions contradictoires et répétées dans la vie de la victime. Au sein d’une famille, au delà du message qui est dit verbalement-échange direct et concret- il existe le message abstrait. Ce dernier est un ensemble de règles générales, implicites, plus abstraites. À titre illustratif, l’enfant qui est toujours traité par sa mère d’incapable de faire ce qui est bien lorsqu’il prend l’initiative de faire une activité, finira par développer des doutes en ces capacités. Après une série d’expérience de ce genre, il va en tirer une règle générale ou une leçon «il vaut mieux éviter toute initiative douloureuse et perturbante». Le contexte relationnel est défini par différents niveaux de communication Le méta-niveau est le niveau le plus abstrait de la communication et qui définit le contexte relationnel. Dans une famille, les membres apprennent inconsciemment ce qu’on peut dire ou faire et ce qu’on ne peut pas dire ou faire. Des situations paradoxales apparaissent lorsque les méta-messages contredisent les messages directs. Ce qui peut entraîner la schizophrénie. Selon Bateson, la maladie mentale est non le résultat d’un psychisme individuel perturbé mais bien un trouble de la communication au sein d’un système familial. Bon nombres de problèmes familiaux pourraient s’expliquer par un problème de communication et nécessitent l’application de la théorie de double contrainte. Il est opportun pour tout être humain d’entretenir de bonnes relations avec son système. Il importe lors de nos interventions de construire des messages à effet libérateur chez les patients. Le souci de respecter la structure de l’ensemble dont nous faisons parti pourrait atténuer ou même supprimer les troubles de la communication. En tant que professionnel des relations humaines, nous avons la responsabilité individuelle de reconnaissance de notre appartenance au monde  que nous sommes appelés à changer.
 

Le second chapitre poursuit la pensée de Bateson en abordant le titre le déploiement de la cybernétique : mémoires vivantes de l’équipe de recherche de Bateson. L’analyse thématique détaillée des travaux publiés et non publiés de l’équipe de Bateson a permis de faire une première synthèse complète de tous les travaux historiques. L’émergence de thèmes variés ont permis de dégager les fondements de la théorie interactionnelle comme paradigme alternatif pour comprendre le comportement humain et susciter le changement. Dans ce sens, la connotation positive du comportement de tous les membres de la famille reflète la cohérence de la culture et l’esprit d’équipe. Pour le maintien de l’équilibre dans une famille, il faut encourager ces comportements positifs. Ils ont complété les fondements de la théorie par une descente sur terrain. Ainsi lors des conversations avec les patients, les réponses des membres de l’équipe de Bateson affectent les réactions des patients. Cette vision constructiviste montre que si devant un patient, on se conduit comme s’il était normal et qu’on soit surpris de ce qu’il fait, on contribue à arrêter un comportement dit « anormal ». Plus concrètement, il faut faire preuve d’une grande compassion et avoir une foi inébranlable en leurs capacités. En plus, en accordant une importance aux mots utilisés, au langage, au ton de la voix; on initie donc le changement. C’est une intervention explicite. Ils ont crée une approche thérapeutique purement interactionniste. L’idée principale est que le comportement positif de tout membre d’un système social dont fait parti tout professionnel de la relation d’aide, constitue un élément pouvant influencer le processus de communication et diminuer ainsi le pourcentage des gens qui se replient sur eux-mêmes. Ceci puisque la communication modèle les individus et les personnalités tout en structurant les interactions. La double contrainte est vue comme une communication qui provoque une rupture émotionnelle dans la vie du schizophrène.
 

Le chapitre trois porte le titre la réception de la notion de double contrainte en France. Il est ici question de différentes réactions, utilisations et interprétations du concept de double contrainte après qu’un certain nombre d’ouvrages soient traduits et publiés en français. La carrière de la double contrainte en France et dans les pays francophones a connu une période de traduction et va interpeler plusieurs publics. Malgré leur résistance initiale, les idées de Bateson ont été d’abord reçues et appliquées par les psychanalystes, mais aussi les professionnels de la santé mentale venant de tous les horizons. Ils ont organisé un colloque consacré à l’œuvre de Bateson. Cette communauté des psychanalystes et des psychiatres ont manifesté le désir de rendre opérationnelle la théorie de double contrainte dans le domaine de la thérapie. Ils vont s’y intéresser au point de s’en accaparer. Le concept de double contrainte a ensuite circulé dans plusieurs cercles de lecteurs. Des assistants de la santé, les étudiants en sciences de l’information et de la communication n’ont par été épargné. Par des lectures, ils ont intériorisé les thèmes principaux de la théorie de la double contrainte. Le concept fut finalement utilisé dans le domaine de l’humour, de l’art, de l ‘esthétique et même de la sociologie. Elle a été une source d’inspiration et de créativité. Son utilisation en sociologie, surtout, par le sociologue français, Pierre Bourdieu, a permis de comprendre l’impact des injonctions paradoxales permanentes sur la vie de certaines personnes. Dans divers circonstances, les situations de doubles contraintes apparaissent. Seulement, lorsque son utilisation devient pathologique, la victime se retrouve coincée dans une double relation contradictoire L’expansion de la théorie de la double contrainte dans le monde francophone a produit des effets heuristiques très fort qu’il importe de garder à l’esprit. En d’autres mots, l’expansion de la conception de Bateson dans le monde francophone nous amène à avoir une vision globale de la double contrainte. Il est important de comprendre l’origine de l’utilisation positive de la conception batesonienne dans le domaine de la poésie, la musique, l’art et l’esthétique. Tout en gardant à l’esprit son utilisation originale pour expliquer la schizophrénie.



Le chapitre quatre s’intitule L’épistémologie batesonienne, les chamanes bochimans et l‘art rupestre. L’expérience chamanique des Bochimans de Namibie est expliquée par Bradford Keeney, élève de Bateson. Il a fait une descente sur le terrain pour examiner comment l’épistémologie de Bateson peut nous aider à comprendre cette pratique centrée sur la méditation entre les êtres humains et les esprits surnaturels à travers la danse de guérison. Il est parti des différents concepts de Bateson issue de la cybernétique. Il s’agit principalement des métaphores liées aux patterns dans les interactions sociales, des concepts de différents niveaux d’abstraction. Selon Bateson, il existe différents niveaux d’abstractions qui changent suivant les contextes et les utilisateurs. Les actions simples à l’intérieur d’un contexte de guérison extatique constituent un pattern plus global et comportent différents niveaux d’abstraction. La plupart des métaphores utilisées renvoient à l’idée d’un changement et d’une transformation incessant plutôt qu’elles n’indiquent des états de conscience uniques » (Wittezaelle, p.71). Tout en étant consciente que l’observation est toujours subjective, ces phrases montrent la pensée de Bateson. Pour lui, il faut saisir le rapport des mouvements, les interactions qui jaillissent entre les choses. Le cadre de référence des évènements est donné par la double contrainte, c’est-à-dire la structuration ou l’enchevêtrement de deux ou plusieurs niveaux de tissage contextuel. Au delà des actions simples d’un schème, il y a des patterns d’interactions plus abstraites dont le contexte est donné par le schème. Lors de la danse de guérison, la stimulation des états hautement émotionnels et les mouvements corporels extatiques produisent un état de conscience accrue appelé l’entrée en transe. Donc c’est avec prudence que nous devons interpréter ce qui est nommé et fait par les gens d’un même système. Il faut appartenir à ce système ou prendre le temps de saisir les niveaux de communication, pour parvenir à porter un jugement de valeur sur ce qui est observé. À titre d’exemple, transporté sur terrain, le féministe percevra des problèmes concernant les femmes. Les poètes seront tentés d’attendre l’esthétique. Il faut considérer le contexte d’utilisation des termes et métaphores avant de comprendre les niveaux d’abstractions.
 

Le chapitre cinq s’intitule Ni mécanique, ni rationnel, un point de vue relationnel sur la communication animale. En faisant allusion à l’article de Bateson, ni mécanique, ni surnaturel, l’intervenant du colloque souligne une forte ressemblance entre le modèle mécanique et les modèles surnaturels d`interaction entre les humains et les animaux. Beaucoup de théories expliquent la dichotomie entre l’animal rationnel, doté d’une intelligence et l’animal mécanique, gouverné par des mécanismes et qui n’a aucune conscience de ce qu’il fait. Cette vision classique de la communication animale est mise en doute. Elle démontre que dans les machines la communication est du pur échange d’information alors que chez les humains, il y a un aspect de commande qui intervient .Exemple les expressions faciales sont responsables de l’interaction, de la relation et de la création des patterns. Différents modèles d’explication ont montré que la communication animale n’est pas purement physiologique. En effet, il existe des signaux qui fonctionnent comme s’ils étaient référentiels sans l’être véritablement. Ceci pour dire que comme le langage humain, les animaux produisent des signaux quand la communication est socialement appropriée et sont retenus par l’animal quand elle ne l’est pas. C’est comme si les animaux prenaient la décision. Sans toutefois entrer dans les discussions d’expliquer cette prise de décision, nous nous trouvons face à des animaux gouvernés par l’émotion, sentiments et sensorialités. Cet aperçu de la cognition animale nous permet de dégager l’unité formé entre l’organisme et l’environnement. Au niveau de l’analyse de cas, l’intervenant ne doit pas isoler l’organisme de son contexte ou environnement s’il veut examiner et comprendre son appartenance à un tout organisé.
 

Le chapitre six porte le titre de  « Double contrainte et entreprise : contexte global, paradoxes locaux, souffrances individuelles ». Il concerne des applications de la pensée batesonienne dans le travail de consultant et de coaching en entreprise. La double contrainte n’a de sens que dans le monde des interactions. L’individu est affecté par les messages simultanés et contradictoires qui proviennent de son environnement. Les différentes structures d’une entreprise sont en interaction. Pour faire plus de profit, l’entreprise est fondée sur une logique de régulation par feed-back et une accommodation aux contraintes internes. Cependant, l’analyse de la nature des interactions qui se jouent entre les individus et entre les individus et les groupes, permet d’y déceler une règle de jeu  « c’est comme ça que ça se fait (Wittezaelle, p.123). En effet, des modèles de redondance qu’on observe dans des entreprises peuvent engendrer des situations paradoxales. La prise en compte des méta-messages du contexte est nécessaire pour éviter de déboucher sur les souffrances douloureuses et stériles. L’application des interventions de changements en entreprise requiert les modalités particulières et une bonne connaissance des spécificités de la culture de l’entreprise.


Le chapitre sept, qui est le dernier de la partie 1, s’intitule « la double contrainte dans la communication internationale. L’auteur lance un défi de faire un regard interactionnel sur la relation internationale. Le monde est composé de perpétuelles interactions de communication. Au niveau mondial, tous les hommes sont interdépendants. Il y a une relation entre la double contrainte et les conflits internationaux, les mésententes et les mouvements terroristes. Les paradoxes et les contradictions créés par les différents niveaux de communication n’apparaissent pas à tous les types de communication. Il est absolument vital pour la survie de l’espèce humaine de penser que nos actes s’influencent réciproquement. Certaines personnes sont convaincues que, le suicide par la bombe, est une situation où il ne peut survivre, tout en continuant à être lui-même. Cet acte peut être vu comme un acte de communication contradictoire; un argument pour la puissance divine et une demande pour qu’elle soit utilisée pour sa cause. En considérant cette communication au niveau international, on y recèle fréquemment l’inconscience collective de la théorie de doubles contraintes. Il est difficile d’identifier le ton de la voix et le langage corporel entre deux pays protagonistes. Il s’avère nécessaire d’être imprégné et d’aider le monde à prendre conscience de l’interdépendance et de la complicité mutuelle de tous les être vivants.



Vers les applications de la théorie de la double contrainte


Les six derniers chapitres constituent une partie plus pratique de la théorie.
 

Le premier chapitre  porte le titre de Double contrainte et niveaux d’apprentissage. La théorie de la double contrainte est revue pour y dégager des apprentissages faits par le sujet schizophrène. Dans une situation de double contrainte, la personne reçoit deux messages contradictoires alors qu’elle est impliquée dans une relation vitale et intense. Elle devient incapable d’interpréter le message et d’énoncer une proposition métacognitive. Lorsque la théorie de la double contrainte s’applique aux autres domaines, les situations deviennent différentes. En effet, le schizophrène ne dispose aucun choix. Il est mis dans une situation contradictoire de mauvaise communication avec le monde et il se crée son propre monde. La schizophrénie pourrait désigner une des formes de la double contrainte en plus de l’humour, la poésie, l’art, la religion, les états de consciences modifiées et le rêve. Mais elle est pathologique et persiste pendant longtemps. Le rapprochement entre l’hypnose et la théorie de double contrainte est logique mais la double contrainte reste une expérience destructrice et traumatisante. Certains symptômes de schizophrénie comme l’hallucination, altération de la personnalité et amnésies peuvent être provoqués temporairement chez un sujet normal par hypnose. Donc on peut entrer en transe et en sortir comme c’est le cas dans les autres formes de doubles contraintes (poésie, rites, humour…) mis à part la schizophrénie. Le négatif de la communication (schizophrénie) permet de comprendre le positif, à savoir la poésie, l’humour. On ne peut donc distinguer les messages implicites et explicites La double contrainte est un facteur qui pousse au changement et qui va prendre plusieurs formes en fonction des niveaux d’apprentissage. Le niveau zéro est celui où on n’apprend rien, le schizophrène fait des répétitions sans issue. Il vit dans un contexte de prison où les gestes, le ton de voix, les mimiques et posture sont ignorés et niés. Il se crée sa propre réalité faite de délires et d’hallucinations.  Au niveau 1, le sujet prend le risque d’apprendre et de ne pas apprendre, de grandir et de ne pas grandir mais la prison familiale reste un paradigme protecteur. Au niveau 2, L’enfant reconnaît la double contrainte qui règne dans sa famille. Pour s’en libérer il se trouve une autre famille, une grand-mère, un voisin. Ce déplacement de lieu, ce changement de prison à l’autre rend la contrainte facile à supporter, le risque maximum est évité.  Au niveau 3, il n’y a pas de prison, la contrainte est maximale. Il risque de ne pas avoir une famille, d’être solitaire et folle pax excès de contrainte.  La double contrainte change de fonction aux trois niveaux d’apprentissage. Elle est d’abord unique au niveau 1, se transforme au niveau 2 et perd de consistance au niveau 3. Le patient est prisonnier des certitudes qu’il faut déconstruire pour l’aide à de réadapter dans sa famille.


Le second chapitre  expose une autre application de la double contrainte dans le titre de Vers une écologie de la double contrainte thérapeutique. La double contrainte thérapeutique peut avoir deux visages différents à savoir l’selon la façon dont elle est utilisée. L’utilisation systémique de la double contrainte thérapeutique sous la forme d’une stratégie d’arrêt de tentatives de solutions. Ce modèle de thérapie brève part du postulat que « les problèmes récurrents sont maintenus par les tentatives faites pour les résoudre. C’est en empêchant le patient ou l’entourage de recourir à ces tentatives de solution que les nouveaux comportements pouvaient apparaître au sein du système et conduire à la résolution des problèmes. » (Wittezaelle, p.161). Cette démarche est pragmatique et écarte les prémisses théoriques d’où le risque d’une application mécanique, image brutale, irrespectueuse et inesthétique des interventions et de là même le manque de résultats positifs. Cette double contrainte appelé paradoxe pragmatique produit un effet perturbateur dans la capacité du sujet de distinguer le niveau implicite et explicite. Ce qui le rend désorientée, victime. La double contrainte ainsi décrit apparait comme un processus linéaire qui est tout à fait contradictoire avec le point de vue systémique.  Par ailleurs, la double contrainte devrait être une réalité à rechercher dans les relations et non une construction théorique. Dans le souci de cohérence entre la théorie et la pratique, l’autre utilisation écologique de la double contrainte tient compte des effets systémiques des interventions. Elle considère le patient comme une personne unique, respectable, intéressante, compétente, responsable. C’est une conception interactionnelle du problème de relation. C’est une approche paradoxale pratiquée dans le souci d’une cohérence avec des prémisses systémiques et constructivistes. C’est une façon écologique d’aborder les problèmes humains. Dans le cadre de nos interventions, il est utile d’arriver à adopter le point de vue du client. Cela demande une certaine souplesse mentale. Au fait, il ne faut pas quitter les méta-positions qui nous permettent de repérer le sens des tentatives de solutions .Cette compréhension permet de reformuler des paradoxes logiques, des propositions, des recadrages, des tâches qui apparaissent comme une évidence.


Le chapitre trois s’intitule Dyades et triades infernales : La double contrainte au quotidien et ses remèdes. L’auteur montre que la vie quotidienne est paradoxale. Les pièges relationnels sont omniprésents. L’utilisation des actions correctives, des tentatives de solutions pour structurer la relation humaine est, sera et a été un outil dans le passé, le présent, le futur, le virtuel, le concret. De nombreuses impasses familiales ou professionnelles peuvent être éclairées par le concept de paradoxe. Le recours au paradoxe pragmatique est populaire lorsqu’il y a violation de la règle. Les paradoxes de l’autonomie et de la liberté individuelle nous rendent de plus en plus dépendant de la technologie. Nous ne pouvons pas nous imaginer pouvoir voyager sans GPS et en même temps nous avons le besoin d’autonomie. La situation d’impasse qui se rencontre dans les dyades est souvent paradoxale. Dans les couples, chaque partie se rend compte qu’il a besoin de l’autre. Aucune des deux ne veut plus se trouver dans la situation d’impasse, mais personne ne veut se permettre de céder! Cette structure s’appelle la structure de l’accolade mortelle. Une autre structure de paradoxe est le cercle vicieux entre acquérir de la confiance en soi tout en restant motivé .C’est contradictoire de se trouver devant quelqu’un qui est en perte de confiance et les exigences de l’environnement. Cette personne doit en même temps avoir une motivation et une conduite pour survivre. D’autres structures se présentent sous formes de dilemme, un choix entre deux solutions inacceptables. La situation devient un véritable paradoxe, lorsqu’on nous fait croire que nous nous trouvons face à un choix réel. Le paradoxe du temps et de la récursivité est connu sous le nom du paradoxe du grand père ou du paradoxe temporel. En fait, l’individu réalise avec le temps qu’il faut arrêter le comportement mis en place car la situation qui était paradoxale ne change pas. Trouver une solution exige de la part de l’intervenant d’évaluer et de pondérer les différentes ressources. En plus, il faut une dose de confiance pour le faire dans le contexte hautement émotionnel d’une crise. Souvent, la contradiction entre les différentes injonctions ne permet pas de trouver une réponse correcte Mais certaines situations contraignantes exigent l’analyse du contexte pour voir la situation paradoxale : blocage et incapable de trouver une issue. Il faut garder toujours en mémoire nos limites .Quelques fois, il serait impossible de nous sortir d’affaires et de nous soumettre aux injonctions contradictoires en lâchant prise au fait de vouloir maîtriser la situation et affronter la peur.


Le chapitre quatre intitulé La double contrainte de la peau et de l’esprit montre une situation paradoxale dans laquelle se trouve un enfant qui a une inflammation allergique avec des manifestations de la peau extrêmement prurigineuses. Comme l’action de se gratter réduit la tension des démangeaisons et qu’elle amène un soulagement immédiat mais conduit au développement de l’éruption; l’intervention des parents est de le punir. L’enfant est pris dans une double contrainte. Il reçoit deux messages contradictoires de se protéger lui-même et d’arrêter car il est incapable. Le rituel de grattage illustre les situations typiques de conflits en famille. Les personnes qui ont des symptômes les développent lorsque les conflits augmentent et finalement ils s’isolent du cercle familial et sentent une frustration. Ce qui entraine un état mélancolique suite au repli sur eux-mêmes et au regard tourné vers l’intérieur. De telles personnes n’arrivent pas à distinguer la source du problème et leurs réactions affectives pour pouvoir trouver une solution. Comme il n’y a pas d’issue, la plupart des personnes arrivent à une solution paradoxale et bloquent la résolution de problème. Ce pattern qui relie la peau et l’esprit est une tentative de solution dysfonctionnelle du problème psychologique au mauvais niveau logique; c'est-à-dire au niveau physique plutôt que psychologique. La stratégie efficace de résolution devrait être tant personnelle et relationnelle.


Le chapitre cinq s’intitule une double contrainte dans la relation du couple. Ici la vision de la double contrainte est sortie d’une situation où le problème était l’individu pour passer à une vision où le problème est la relation. Historiquement, grâce à l’école Palo Alto, on est passé de la question de « Qu’est ce qu’on fait à l’autre? » à la question « qu’est ce qu’ils font ensemble ? » Finalement, on est arrivé à la question « Qu’est ce que nous faisons ensemble ? » Pour dire qu’en plus du client et de l’environnement, le thérapeute est partie prenante d’un système thérapeutique. Le modèle ci-après permet de comprendre ce qui arrive chez le patient. Au départ, le client est divisé entre quelque chose qu’elle veut au niveau conscient, être aimée et sa crainte qu’inconsciemment l’amour mène à l’abandon. Ensuite, le client arrive avec un double message. La face externe : je veux être aimé ou écouté-se présente comme un programme officiel. La face interne : J’ai peur que si tu m’aimes, je serai abandonné ou je n’arrive pas à croire qu’on puisse m’écouter. Cette construction du monde apparaît comme une règle générale. Le souci d’avoir un comportement qui l’inclut et le fait de ne pas y croire est une double contrainte. En intervention individuelle ou de couple, nous pouvons aider les clients à sortir de ce qu’ils croient impossible par notre attitude de bienveillance, de compréhension de la construction du monde de nos clients.
 
Le chapitre six porte le titre de Logiques non ordinaires et doubles contraintes thérapeutiques. Les logiques non ordinaires désignent différents principes et théories  qui sous-tendent des phénomènes complexes comme la double contrainte, la dynamique entre l’esprit individuel et l’esprit collectif. Il y est question de la logique de la croyance, la logique de la contradiction et celle du paradoxe. La logique de la contradiction prévoit qu’il existe des séquences chronologiques qui différencient les messages, alors que la logique du paradoxe implique que les messages arrivent en même temps. La logique de la croyance, quant à elle, consiste à amener quelqu’un à croire en l’irrationnel à travers un processus rationnel. L’intervenante qui utilise une logique non ordinaire doit être capable d’induire volontairement une erreur par un langage persuasif, fascinant pour éviter la résistance au changement. Cette contre-stratégie est utilisée dans l’objectif de pouvoir, grâce à une communication non ordinaire et fascinante, amener le patient à percevoir la réalité. Ceci pour montrer que certains schémas logiques suivis par les patients les poussent à retomber dans les crises désespérées.


4.     Pertinence pratique


La théorie de La double contrainte de Bateson reprit par ses supporteurs est d’une importance capitale pour tout professionnel de l’orientation et du développement de carrière. En tant que membre du système humain et agent de changement, tout professionnel prendra conscience de l’existence des messages relationnels discordants autour de lui. Ainsi dans ses recherches, il pourrait promouvoir des moyens de prévenir les messages contradictoires de son entourage. En plus de cette écologie de la double contrainte, les applications de la pensée batesonienne dans la relation d’aide devraient :



Ø  Prendre en compte la relation du client avec sa famille ;

Ø  Construire des messages à effet libérateur chez les patients ;

Ø  Faire preuve d’une grande compassion et avoir une foi inébranlable en leurs capacités;

Ø  Accorder une importance aux mots utilisés, au langage, au ton de la voix du client.

Ø  Déconstruire des certitudes des clients pour les aides à se réadapter dans le cercle familial;

Ø  Formuler des paradoxes logiques, des propositions, des recadrages, des tâches qui apparaissent comme une évidence.



Les interventions nécessitent une vision interactionnelle des relations humaines. En effet, la double contrainte devrait être une réalité à rechercher dans les relations et non comme une construction théorique. Le fait de tenir compte des effets systémiques des interventions, permet de trouver l’origine du problème que vit le client. Souvent les problèmes de nos clients impliquent les membres de son entourage. Dans la relation d’aide, la personne qui est devant nous est considérée comme un être social unique, respectable, intéressant, compétent et responsable. Il convient d’appliquer les techniques d’écoute et d’empathie en vue de comprendre le monde de la personne. Cette compréhension exige au départ d’explorer le système de communication, le contexte relationnel de notre client. C’est en créant un climat de confiance, que le client se sentira compris et prendra refuge vers nous en nous livrant ce qui est au fond de son esprit. Ainsi, ça sera le moment propice d’appliquer les stratégies d’interventions orientantes pour l’aider à faire un pas de retour vers le cercle familial. Parmi les stratégies gagnantes, nous pouvons citer l’application de la logique non ordinaire qui consiste à aider le client à exercer le contrôle sur les sources de souffrance au lieu de chercher à les éviter. En plus, il ne faut pas oublier de comprendre les représentations du client, qui nous permettent de repérer le sens des tentatives de solutions. En intervention individuelle ou de couple, nous pouvons aider les clients à sortir de ce qu’ils croient impossible par notre attitude de bienveillance, de compréhension de la construction du monde de nos clients.


5.    Référence 



Benoît, J, C. (2004).Gregory Bateson, La crise des écosystèmes humains. Genève : Édition Médecine et Hygiène.
Wittezaele, J.-J. (2008). La double contrainte : Influence des paradoxes de Bateson en Sciences humaines. Bruxelles : De Boeck.

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