lundi 19 mars 2012

QUELQUES STRATÉGIES ORIENTANTES : parce qu'une image vaut mille mots !

LA PHOTOGRAPHIE : PARCE QU’UNE IMAGE VAUT MILLE MOTS

Marie-Ève Goulet, étudiante à la maîtrise en carriérologie (UQÀM)


Objectif général : Développer la connaissance de soi du client.
Objectif spécifique
û  Amener le client ayant un concept de soi peu défini à nommer ses valeurs, ses intérêts, ses espoirs ou ses croyances et à se les réapproprier.

Jasmine, 45 ans, est mère de deux enfants d’âge adulte. Depuis qu’elle est mère, sa priorité a été ses enfants. Soucieuse d’être présente le plus possible auprès de sa marmaille, Jasmine a occupé des emplois qui lui permettaient de jouir d’un horaire flexible et de travailler à temps partiel. Elle travaille maintenant depuis 20 ans comme adjointe administrative. Jasmine a l’impression d’avoir «fait le tour» et rapporte ne pas se sentir valorisée par son emploi. Elle a besoin de changement, de nouveauté dans sa vie mais se questionne quant à la direction à donner à sa carrière. Ce questionnement occupe beaucoup de place dans ses pensées d’autant plus qu’elle mentionne n’avoir qu’une vague idée des domaines professionnels qui l’intéressent. S’étant donnée corps et âme à ses enfants, elle s’est en quelque sorte oubliée et a l’impression de ne pas connaître cette femme qu’elle est devenue. Elle sent le besoin de creuser dans son vécu pour partir à la recherche de ses intérêts.

Avec des clients comme Jasmine qui sentent le besoin de reconnecter avec leurs besoins, leurs intérêts et leurs valeurs, la photographie peut s’avérer un moyen d’intervention intéressant et efficace. Avant de rencontrer le client, le conseiller doit rassembler de 30 à 40 photographies illustrant des objets animés ou inanimés, des personnes, des paysages, des mises en situation, etc. Ces photos doivent bien entendu être symboliques, favoriser l’introspection et la projection chez le client. Débute ensuite l’intervention. Au début de l’activité, le conseiller demande au client de choisir une photographie qui illustre le problème, tel qu’il le perçoit. Jasmine, pour sa part, pourrait choisir une photo illustrant un épais brouillard masquant presque entièrement un paysage. Une fois la photographie choisie, le c.o. demande au client de commenter son choix. À ce moment, le client peut s’exprimer sur ses émotions, ses pensées, les actions tentées pour surmonter la situation, etc. Cette étape fournit au conseiller de précieuses informations sur la façon dont la situation est perçue par la personne. Puis, le conseiller demande au client d’attribuer un nom au problème (ex. : brouillard). De nommer le problème vise à distancer le client de celui-ci et à diminuer l’emprise qu’il a sur lui.
Une fois cette étape complétée, le c.o. demande au client de choisir une photo qui lui rappelle un moment où le problème n’était pas présent : c’est la quête de l’exception. Avec Jasmine, il serait possible de lui demander : «Pensez à une situation, dans votre vie personnelle ou professionnelle, où vous avez réussi à traverser cet épais brouillard.» Par la suite, on demande au client de choisir une photo qui illustre comment le client s’est senti durant cet événement précis. Le client pourrait alors arrêter son choix sur un groupe de personnes qui rient autour d’une table ou d’un lac calme. Une fois la photo choisie, le conseiller demande au client d’élaborer encore une fois sur ses affects, ses cognitions, les sensations physiques qu’il a ressentis dans cette situation et en quoi la photo est représentative de tous ces éléments. Le conseiller doit ensuite amener le client à établir des liens entre ces aspects et ses intérêts, valeurs, croyances, espoirs, etc. Pour ce faire, il est possible de poser diverses questions au client : «Quel lien faites-vous entre cette situation et vos intérêts?», «En quoi cette situation est révélatrice de vos valeurs?», «Où te situes-tu dans cette photo?» Ces questions permettent entre autres au client de reconnecter avec ses ressources. Or, s’il est encore ardu pour le client de cibler ses intérêts et de nommer ses valeurs, il est possible, à ce stade, d’utiliser la technique de la conversation de regroupement[1]. Le conseiller demande alors au client d’identifier, s’il y a lieu, des personnes qui étaient présentes dans la situation et qui le connaissent bien. Puis, les questions suivantes peuvent être posées : «Pourquoi ces personnes sont-elles significatives pour toi?», «Qu’est-ce que ces personnes et toi avez en commun?», «Comment cette personne te décrirait-elle?», «Qu’est-ce qu’elle apprécie chez toi?», «Comment as-tu fait pour conserver cette relation au fil du temps?» Toutes ces questions permettent au client de s’observer sous un angle différent et peuvent faciliter l’émergence de ses qualités, de ses valeurs, de ses intérêts et de ses forces. Puisque l’intervention vise à promouvoir le changement chez le client, le c.o. peut ensuite s’appuyer sur les ressources identifiées par le client pour le mobiliser : «Comment peux-tu faire à l’avenir pour que les valeurs que tu as nommées ne soient pas enterrées de nouveau par le brouillard?»

Cette activité est appropriée pour les clients qui ont accès à la symbolique. Ceux-ci doivent être capables de projeter leur vécu sur une image représentant une métaphore de leur expérience subjective plutôt qu’une représentation exacte. L’âge des clients et la présence de handicaps (ex. : autisme) doivent donc être considérés. Si le conseiller soupçonne que le client éprouve des difficultés sur ce plan, il peut modifier l’activité en proposant au client d’apporter un album contenant des photos de famille ou des photos d’événements marquants. Les photos peuvent avoir été prises par le client ou être des photos du client lui-même prises dans divers contextes. Finalement, il importe que le conseiller ne perçoive et ne présente pas cette activité comme un «test» ou un jeu étant donné la charge émotionnelle qu’elle peut amener le client à vivre. Toutes les habiletés relationnelles du conseiller devront être mises à profit pour accompagner la personne tout au long de cette activité.

Blaevoet, X. (2009). Utilisation de l’approche narrative combinée à la médiation par la photographie. Dans Blanc-Sahnoun, P. et Dameron, B. Comprendre et pratiquer l’approche narrative : Concepts fondamentaux et cas expliqués (p. 186-194). Paris : InterEditions.


Bousquel, A.-C. (2009). Des histoires alternatives pour un projet de vie : l’accompagnement de Virginie. Dans Blanc-Sahnoun, P. et Dameron, B. Comprendre et pratiquer l’approche narrative : Concepts fondamentaux et cas expliqués (p. 256-274). Paris : InterEditions.


[1] Tirées de l’approche narrative, les conversations de regroupement permettent «d’invoquer des figures réelles ou imaginaires […] ayant constitué une source d’inspiration en raison des valeurs et des intentions qui les animaient, et qui ont pu résonner avec celles du client.» (Blanc-Sahnoun et Dameron, 2009, p.184)

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