jeudi 16 mai 2013

De la lecture à la pratique ... THÉRAPIE COGNITIVE ET ÉMOTIONS. LA TROISIÈME VAGUE (Julien Brault)


Voir toutes les publications d'Orientation pour tous !

sur une seule page Facebook !

Cliquez sur ICI !
------------------------------------------------------------------------------------
 

 De la lecture à la pratique ...
Thérapie cognitive et émotions:
La troisième vague.

Compte-rendu de l'ouvrage 


Cottraux, J., et al. (2007). Thérapie cognitive et émotions : La troisième vague. Elsevier-Masson. ISBN : 9782294078798

Produit par : 

Julien Brault
Finissant à la maîtrise en carriérologie, UQÀM


Sous la direction : 
Louis Cournoyer, professeur
Université du Québec à Montréal 
N.B. Le texte qui suit peut être téléchargé à partir du site Orientaction à l'adresse URL suivante : CLIQUEZ ICI !



1. Le rôle des émotions : un levier vers le changement
Bien que vécu à chaque jour, pouvoir nommer ses émotions et entrer en contact direct avec elles et un exercice qui n’est pas donné à tous. Cette difficulté est bien fondée, car étant intimement liée au système neuro-végétatif, l’émotion réagit de façon spontanée et obéit encore au vestige de notre hérédité liée à l’instinct de survie. Le déclenchement peut se faire inconsciemment, donnant l’impression d’une perte de contrôle qui fait croire que les émotions sont parfois hors d’atteinte de notre intervention. De plus, l’émotion occupe une place  active dans le maintien de comportements et de schémas répétitifs non congruents aux réels désirs de la personne. La compréhension du rôle de l’émotion revêt donc un rôle important autant pour l’intervenant que  chez le client. En effet, effectuer une « prise de conscience émotionnelle » afin d’en dégager un sens et une compréhension de soi approfondie en vue de créer des changements selon un objectif bien précis demande bien souvent d’être accompagnée par un professionnel.
La troisième vague de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) à donner une place bien calibrée au rôle de  l’émotion, notamment pour les comportements d’évitement qui parfois empêche l’apprentissage de comportements plus adaptés aux besoins à moyen et long terme. La TCC a tôt su prendre en considération les dernières percées en neurobiologies sur le cerveau. Les modèles qui en découlent tiennent compte des mécanismes du système nerveux et du traitement de l’information à la fois pour les émotions, les cognitions et les comportements. Empiriquement solides ou en voie de validations plus substantielles, les modèles sur l’émotion issus de cette troisième vague sont à considérer avec attention.
Ce texte décrit le contenu du livre Thérapie cognitive et émotions: La troisième vague de Jean Cottraux et de ses collègues (2007) qui traite du rôle de l’émotion à travers cinq principaux modèles théorique et pratique et avec divers types de clientèles.

2. Présentation de Jean Cottraux, portrait d’un diffuseur de la TCC.
Jean Cottraux, psychiatre français et initialement formé en psychanalyse, découvre et se forme aux psychothérapies cognitivo comportementales (TCC) au Royaume-Uni et aux États-Unis dans les années 70. Dès le début des années 80 et jusqu’à la retraite, M. Cottraux enseigne les TCC au laboratoire de psychologie médicale de l’hôpital neurologique de Lyon.  C’est d’ailleurs durant cette période qu’il produit de nombreux ouvrages sur l’étiologie des troubles de l’anxiété. Il préside aussi l’Association Française des Thérapies Comportementales pendant cinq ans et celle au niveau de l’Europe pendant un an.
Auteur de plus de 15 livres sur les TCC, il tente de faire une synthèse entre les différentes approches. Il est aussi animé par la question de l’efficacité des psychothérapies. Le cours de ses réflexions sur ces deux sujets le porte à se distancer de la psychanalyse pour en devenir un critique notamment avec l’ouvrage « Livre noir de la psychanalyse » (« Jean Cottraux », 2012, Wikipédia sur internet). Ayant écrit, plusieurs ouvrages sur la psychologie positive, il écrit aussi sur les facteurs liés aux changements qui permettraient de briser les scénarios de vie répétitifs. Animé par un souci systémique, il inclut à la fois le rôle de la biologie du corps humain, de l’environnement et de ses régulations sur la personne et des mécanismes cognitifs inconscients (schémas) pour tenter une compréhension globale de l’esprit humain en vue de provoquer des changements efficaces et durables dans le temps (« Pourquoi est-il si difficile de changer?, 2012, Sciences Humaines sur internet).
L’ensemble de tous ses ouvrages en français ont permis et permettent encore aujourd’hui aux intervenants en relation d’aide de partout à travers le monde découvrir et de se familiariser avec les TCC (« Jean Cottraux », 2012, Wikipédia sur internet).


3. Compte rendu commenté de l’ouvrage de J. Cottraux et al. (2007)
10 auteurs, neuf chapitres en 205 pages faisant un tour d’horizon sur les cinq modèles théoriques de l’émotion issus de l’approche cognitivo-comportementale de 3e vague. Le chapitre 1 explique la notion d’émotion et l’histoire des trois vagues cognitives. Le chapitre 2 traite des théories de l’attachement et des schémas de Young. Le chapitre 7 aborde les mêmes concepts, mais dans un contexte de dynamique familiale. Le chapitre 3 propose d’explorer la notion de rêve sous l’angle de l’approche objectiviste et constructiviste. Le chapitre 4 présente la thérapie basée sur la pleine conscience et de son impact sur diverses populations. Le chapitre 5 décrit les concepts théoriques de la thérapie de l’engagement et de l’acceptation (ACT). Le chapitre 8 explique les interventions structurées ainsi que le modèle dialectique utilisé auprès d’une clientèle avec un trouble de la personnalité état-limite. Finalement, le chapitre 9 explique le traitement des troubles anxieux par le traitement par exposition virtuelle (TRV) ainsi que son rôle parmi les modèles comportementaux de désensibilisation.
Le chapitre 1, écrit par Jean Cottraux, Bases psychologiques et biologiques des émotions et les trois vagues de la thérapie comportementale et cognitive, présente une définition nuancée de l’émotion, de son rôle en TCC et des découvertes en imagerie cérébrale qui explique mieux son fonctionnement. Ayant suscité un questionnement des Grecs à aujourd’hui, l’émotion est à la fois une sensation (information créée par le système nerveux) réagissant aux stimuli et une construction mentale (évaluation cognitive de cette sensation). Nécessaire aux apprentissages et aux régulations des interactions sociales, l’émotion favorise l’adaptation à l’environnement en permettant la catégorisation très rapide des expériences positives et négatives, élément clé à la survie. À travers les travaux de Darwin à Ekman, elle est maintenant perçue en partie comme génétique : son décodage se fait automatiquement et universellement pour cinq émotions de bases : la joie, la tristesse, le dégoût, la peur et la colère. La TCC a dû attendre trois vagues (comportementale, cognitive et émotionnelle), se chevauchant par moments, pour incorporer graduellement ce concept. En effet, plusieurs auteurs ont travaillé sur ce concept notamment W. James et la rétroaction biologique, Lazarus et le rôle de l’étiquette cognitive qui crée l’émotion, Zajonc et les jugements automatiques inconscients des émotions et Damasio et le rôle des métacognitions, par exemple les schémas, comme régulateurs des sentiments quotidiens. Pour sa part, Beck pense que l’émotion a le pouvoir d’activer les schémas préconscients, une voie idéale pour y accéder consciemment. Finalement, Ledoux avec l’imagerie cérébrale a mis en lumière les deux voies neuronales (courte et longue) qui impliquent le traitement de l’émotion par le cerveau. D’ailleurs, certains troubles émotionnels seraient dus à l’utilisation du traitement de l’information de la voie courte, échappant alors à la supervision cognitive liée à la voie longue. En somme, la TCC agit sur la boucle longue et la thérapie comportementale, sur la voie courte de l’émotion.
Avec la présence de neurones miroirs qui réagissent aux actions produites par autrui, le cerveau décode facilement en termes d’émotions le ton, la voix et le rythme. Dans un contexte de counseling, l’intervenant a donc le rôle difficile de donner l’exemple au niveau de la communication. Il doit porter attention à réguler ses cognitions, ses émotions et ses comportements en permanence au risque d’être décodé négativement. L’empathie devient dès lors l’ingrédient de réussite qui permet au client d’avoir un exemple de communication favorisant un contexte adapté à l’expression et à la régulation positive des émotions.
Chapitre 2, F. Mehran, La thérapie d’attachement et les thérapies cognitives intégratives des troubles de la personnalité : sécurité et émotions. Dans ce chapitre, différents concepts clés de la théorie de Bowlby sont expliqués, notamment les styles d’engagement parentaux, les styles d’attachement et les trois phases de réaction à l’angoisse de séparation. Ainsi, l’enfant internalise les modèles parentaux et reproduit cette internalisation une fois à l’âge adulte par le modèle de travail interne de soi (schéma incluant les perceptions de son rôle dans l’attachement et plus tard, de ses croyances, de ses valeurs et de ses compétences) et le modèle de travail des autres (découle des donneurs de soins). Selon ce dernier modèle, l’enfant aura un style d’attachement sécurisé ou insécurisé (préoccupé, détaché, craintif et désorganisé) qui gardera une fois à l’âge adulte comme repère à savoir comment interagir avec son environnement. Avec de profondes racines biologiques liées aux comportements de maternage, l’attachement suscite de profondes émotions à un âge très jeune. En effet, lorsqu’une interruption de l’attachement survient en bas âge, l’enfant s’exprimer par des réponses émotionnelles « brutes » comme la colère, la tristesse et de la peur. Les styles d’attachement insécurisé qui se développeront de cette « interruption » déclencheront, à l’âge adulte, ces émotions « brutes ». Selon  Y. Young, l’adulte, par stratégies non adaptées, tentera de se protéger de ses émotions négatives par trois moyens (surcompensation, l’évitement et la capitulation). L’adulte avec un attachement insécurisé bloquera donc l’émotion qui sera alors diffuse et obscure, la rendant d’autant plus difficile à être bien identifiée. Au contraire,  un adulte avec un attachement sécurisé pourra exprimer  authentiquement les émotions et avoir des réactions adaptées avec son environnement.
En ce qui concerne l’attachement insécurisé, il est positivement corrélé à un style parental négatif, une plus grande vulnérabilité cognitive, plus de chance de psychopathologie et de troubles de la personnalité une fois adulte. Plusieurs types différents d’attachement d’insécurité sont présentés dans le chapitre.  De ce lot, les styles désorganisés sont une catégorie ayant eu particulièrement plus grande chance d’avoir vécu des « facteurs de risques » (maltraitance, psychopathologie des parents).
En situation de relation d’aide, le conseiller à un rôle important à jouer : permettre de représenter une figure sécurisante. Créer un lieu de base qui va permettre au client, tel l’enfant qu’il fut, d’explorer en toute sécurité ses pensées et ses émotions. Sans cette zone sécurisée, il sera bien difficile pour la personne de réévaluer ses modèles internes rigides surtout pour une clientèle aux prises avec des troubles de la personnalité ou de l’humeur. Ceci présuppose que le thérapeute doit aussi être conscient de son propre style d’attachement et de ses schémas pour être à l’affut de réactions pouvant être un obstacle à cet environnement de confiance.
Chapitre 3, F. Mehran, Intégration des rêves dans la thérapie cognitive émotionnelle. Ce chapitre permet de se familiariser brièvement avec la notion de rêve vue par la TCC, du rôle que joue l’émotion et présente une intégration des notions par un court exemple d’intervention. Pourquoi s’intéresser aux rêves comme intervenant? Troublé par l’intensité émotive de l’expérience, le rêve  peut aisément être amené par le client en situation de relation d’aide. Malheureusement, l’exercice est loin d’être facile. À cet effet, la neurobiologie des rêves illustre toute la complexité structurelle des phases du sommeil. Certaines zones du cerveau comme les aires préfrontales sont « déconnectées » et l’amygdale, libérée du contrôle préfrontal, est particulièrement active, ce qui teinte les rêves d’émotions vives et associées à la peur par des mises en scène de dangers imminents. Bien qu’historiquement le rêve à susciter de l’intérêt et est associé en bonne partie aux construits de la psychanalyse, la majorité des TCC essaient d’éviter de travailler avec les rêves pour diverses raisons. Cependant, certains auteurs ont creusé la question; il est possible de cibler deux grands courants liés à la TCC qui s’intéresse aux rêves. Le premier courant est issu des approches objectivistes. Selon les auteurs comme Beck, Freeman et White, le rêve est le miroir des distorsions et des schémas vécus durant l’éveil. Les émotions vécues par le rêveur sont donc celles vécues à l’état de veille. Lors du sommeil, sans stimuli externes, la manifestation des schémas et des distorsions se font de manière plus éloquente et les émotions en sont les acteurs. L’intervention vise à restructurer le rêve comme une pensée automatique afin d’en réévaluer le niveau émotionnel. Pour Beck, le rêve est une option de plus pour avoir une source supplémentaire de compréhension des schémas. D’ailleurs, durant ses travaux, Beck a noté des thèmes récurrents distinctifs chez les dépressifs et les maniaques, ce qui laisse présager une valeur fonctionnelle des rêves liée à l’état d’éveil. Le deuxième courant est issu du constructivisme. Croyant que l’homme à une tendance à la créativité pour décrire et comprendre le monde qui l’entoure, le rêve reflétera cette tendance par l’entremise de symboles et de métaphores. Dans un premier temps, l’attention est portée à reconstituer le rêve avec les symboles, les métaphores et les phénomènes récurrents. Par la suite, durant la reconstruction, l’objectif est de créer une nouvelle trame narrative, cohérente et significative et d’en réévaluer l’émotion. Cependant, l’auteur émet une mise en garde au niveau de la « manipulation des rêves ». Au moment où le rêve est revisité par le client, l’état d’éveil impose une structure qui diffère de celle du sommeil. Les mécanismes de distorsions cognitives peuvent alors altérer le rappel du rêve. La prudence est donc de mise.
Chapitre 4, P. Philippot, Thérapie basée sur la pleine conscience : mindfulness, cognition et émotion. Le terme « mindfulness » signifie la pleine conscience. Encore méconnue dans les pays francophones, la pleine conscience est issue de recherches scientifiques effectuées sur les techniques de méditation millénaires bouddhiste. Cependant, tout référent religieux ou spirituel a été enlevé. Tout d’abord, la pleine conscience en TCC est toujours utilisée comme un outil complémentaire à la thérapie (quatre principes d’intervention). De ce fait, sa force réside bien dans cette position de complémentarité. Relativement simple et accessible par tous, la pleine conscience offre des retombées positives et significatives étonnantes. La raison exacte du processus qui permet son efficacité est encore mal connue. En dépit de ce dernier point, selon la TCC, la pratique sur une base régulière de la pleine conscience est suffisante pour  amener un « mieux-être » chez la personne. En faisant la « dissection » de la technique de la pleine conscience, il est possible de relever plusieurs éléments qui offrent des pistes d’explications. Tout d’abord, elle permet de développer une écoute de soi par l’attention et la vigilance. Avec la pratique, la personne arrive à détecter et porter attention à son monde interne dans le « ici et maintenant » avec plus d’aisance. Cet aspect s’est révélé être très utile pour éviter les rechutes chez d’anciens dépressifs aux prises avec des ruminations et des pensées automatiques négatives. D’autres types de populations très variées (insomniaques, acouphènes, troubles anxieux) ont vu aussi des effets positifs significatifs découlant d’une pratique quotidienne. De plus, la pleine conscience est pratiquée dans un esprit de « bienveillance » et de non-jugement envers soi, ses pensées et toutes les facettes subjectives de l’expérience dans le « ici et maintenant ». Par cette prise de position non menaçante, la personne s’expose pleinement aux pensées et émotions positives comme négatives sans imposer de contrôle, de censure ou essayer de les chasser. Dans un tel contexte, les comportements de fuite et l’évitement s’en retrouvent réduits. Cette tolérance à l’inconfort peut alors donner lieu à l’acceptation et favoriser la pratique de la détermination. Il y a certains points communs avec les techniques de la TCC. Cependant, la pleine conscience se caractérise par l’absence d’objectifs à cibler et d’attentes envers un changement émotionnel, comportemental ou cognitif. De plus, l’esprit de bienveillance et de non-jugement ne visent pas l’altération des cognitions ou des émotions.  
Le chapitre 5, P. Veuille, Thérapie d’acceptation et d’engagement : émotion, contexte et action, explique les notions théoriques de ce modèle découlant des travaux de Steven Hayes avec la théorie fonctionnelle du langage et la théorie des cadres relationnelles. L’ACT part du principe que les évènements privés (émotions, pensées sensations) ne sont pas manipulables. Cependant, étant donné qu’ils sont perçus comme une variable dépendante, il est possible d’agir sur cette variable en « manipulant » directement la variable indépendante, le « contexte de littéralité » (la façon de structurer la parole pour décrire les réalités du monde externe et interne). Le contexte de littéralité est pratique pour bien des situations du quotidien. Malgré tout, « l’emprise » du traitement verbal s’avère problématique lorsqu’il impose un contrôle excessif sur les cognitions, les comportements et les émotions ce qui empêche la personne « d’agir » (cognition, émotion et comportement) en congruence avec elle-même. Ce traitement verbal est un processus dynamique qui implique deux étapes. D’une part, il y a une catégorisation dichotomique « bien-mal » des évènements internes et externes, cet étiquetage très rapide est d’ailleurs issu des comportements de survie qui permettent de reconnaître et éliminer ou éviter les menaces. De l’autre, il y a des erreurs d’attribution dans la structure même de la verbalisation de ces évènements préclassés. Ces attributions font un glissement de sens entre le « soi » et l’objet évalué, par exemple : je suis triste (l’émotion étant objet évalué), donnant lieu à une fusion de sens. De plus, lorsqu’il s’agit d’événements privés et que l’étiquette est « mal », cette fusion entraînera de l’évitement (causé par les mécanismes de survie) qui a pour but un soulagement immédiat et à court terme. Malheureusement, la personne se retrouve vite dans un cercle vicieux qui perdure et ne lui permet pas d’entrer véritablement avec ses émotions. Pour sortir de cette impasse, l’acceptation est donc le « remède », car il présuppose de vivre au moment présent un état de « douleur » afin de vivre un état de bien-être plus tard, ce qui réduit l’action de l’évitement de la douleur. Pour se détacher de l’emprise du traitement verbal, des stratégies de « défusion » comme la métaphore seront utilisées comme « terrain » d’intervention. Le « soi » (trois variantes d’expérience) pourra donc être abordé sans être menacé.   Ces techniques visent une compréhension plus authentique du soi afin de permettre à la personne de cibler ses valeurs en vue d’accepter de s’engager et de s’en servir comme des étoiles de navigation. L’intervenant est aussi à risque de tomber dans les pièges du traitement verbal et travaille de pair avec le client sur un même pied d’égalité. L’ACT a aussi récolté des résultats empiriques positifs auprès de diverses clientèles.
Chapitre 6, M-C. Pull, Thérapie de groupe et gestion des émotions. Ce chapitre permet de décortiquer les différents aspects liés au succès d’une thérapie de groupe aux prises avec des attaques de panique. Sous la thématique de la gestion des émotions, l’auteur présente dans un ordre bien précis les grandes étapes pour former un groupe : sélection des participants, dynamique de développement, confrontation finale et par la suite, consolidation des apprentissages. L’évolution du groupe ainsi que des détails techniques de la structure du déroulement de chacune des huit séances et des quatre séances de consolidation y sont décrits. Une attention méticuleuse est portée à la constitution du groupe pour qu’il soit le plus homogène possible afin d’assurer une bonne affiliation entre les membres. Cette étape commence par des entrevues et des évaluations notamment à l’aide de questionnaires et d’échelles de cotation. Bien cerner le niveau de la problématique au départ est important, car il s’agira d’un point de repère à chaque début de séance pour permettre une auto-observation par le participant de son évolution. Cette auto-évaluation est à la fois une source de motivation et permet aussi d’agir rapidement advenant une stagnation ou une détérioration. Chaque séance est élaborée selon une structure identique tout en revêtant une fonction bien spécifique dans le processus. Cette fonction découle à la fois du rythme de cohésion du groupe et de l’évolution individuelle et graduelle de chaque personne. Le processus global part de notions très simples et va en se complexifiant graduellement à travers les séances. À cet égard, l’utilisation des métaphores sera très utile pour expliquer avec grande simplicité l’objectif du processus et des notions théoriques plus abstraites. L’encadrement des intervenants sera aussi graduel, plus présent au début, pour ensuite laisser le groupe interagir plus librement. Le dosage entre les deux est important selon le rythme du groupe. Chaque séance commence avec une auto-évaluation de la  condition de la personne, un retour sur les activités de la semaine, une discussion en groupe et une présentation de notions théoriques en lien avec la gestion des émotions. La séance se termine par un exercice différent à chaque séance et qui est en lien avec la théorie. Les devoirs à la maison sont importants pour faire progresser les participants et sont nouveaux d’une semaine à l’autre. Ils permettent aux participants d’accélérer leurs apprentissages et leur progression. Les participants seront amenés graduellement à travailler sur les trois sphères : émotives (gestion), cognitives (restructuration) et comportementales (relaxation). Plus ils seront outillés et gagneront en confiance, plus ils seront exposés à la situation anxiogène par des exercices les rapprochant de plus en plus de la vraie problématique : la situation qui déclenche des attaques de panique. À la dernière séance, ils vivront l’exposition in vivo de ce déclencheur. Par après. le suivi sera sous forme de séances de consolidation étalées sur un an.
Chapitre 7, F. Dattilio et F. Mehran, Thérapie familiale émotionnelle : une approche centrée sur les schémas. Issue principalement de la théorie des schémas de Beck, la thérapie familiale est une thérapie qui demande beaucoup à l’intervenant, car une famille cherchera à préserver sa cohérence, même si cette dernière est dysfonctionnelle. Selon la TCC, les membres d’une famille s’influencent mutuellement par les pensées, les émotions et les comportements. Chaque membre observe ses interactions avec les autres membres et observe les réactions que celles-ci déclenchent. Étant donné que les interactions et les réactions engendrées auront tendance à être stables, des attentes devenant vite des attributions vont avoir un effet significatif sur les dispositions émotionnelles et comportementales de chacun des membres envers les autres. Des standards vont aussi se créer afin de « juger » le rôle de chaque membre et les comportements tributaires de ce rôle. Chaque membre à son schéma personnel, mais a aussi un schéma qui s’est développé en interaction avec la famille. La somme des schémas « en interaction » devient ce que l’auteur appelle un « schéma familial ». Il est donc partagé par tous. Il découle principalement des schémas des parents (découlant de leurs propres expériences familiales) qui ont inculqué les leurs à leurs enfants.  Les enfants vont à leur tour développer des schémas en fonction de celui de leurs parents, mais aussi en fonction de leurs perceptions et cognitions d’eux-mêmes et de leurs interactions avec leurs parents. À travers huit étapes d’intervention, la thérapie familiale consiste donc principalement à en venir à une restructuration de la base commune des croyances de la famille. L’émotion sera l’un des filons à suivre pour déterminer  et comprendre la « circulation des émotions négatives » et découvrir à quels schémas ces émotions sont associées. Les pensées automatiques peuvent aussi être la manifestation de schémas, mais pas tout le temps. L’intervention vise aussi à outiller la famille en développant l’écoute, en utilisant des techniques de résolution de problème et en employant la négociation et le compromis. Au-delà de la compréhension des dynamiques schématiques, ces outils vont aussi aider à en arriver à l’harmonisation de la circulation de l’émotion positive à travers les membres. Par ailleurs, avant de s’attaquer aux schémas, il est suggéré de passer par les attentes et les attributions. Une porte d’entrée plus facile et qui permettra de mieux pister les schémas à l’œuvre.
Chapitre 8, D. Page, A. Salamat et R. Toth, Thérapie comportementale dialectique : l’émotion en mouvement. Travailler avec une clientèle ayant un trouble de personnalité d’état-limite est probablement l’une des relations d’aide des plus exigeantes où l’intervenant sera confronté tôt ou tard à ses propres limites. L’idée qu’il peut demeurer inconditionnellement empathique à toute situation avec bienveillance sans en souffrir sera vite infirmée. Pour maintenir le cap vers la bonne direction, l’intervenant aura besoin du support de ses pairs pour recadrer et canaliser régulièrement les émotions et pensées qui émergeront des impasses ou des moments difficiles (notamment pour éviter le blâme du client ou de soi). Ce chapitre propose un aperçu théorique de l’approche dialectique, les différentes étapes d’intervention et le cadre qui régit ces interventions pour éviter toutes transgressions des règles de la part de ce type de clientèle. En effet, dans ce contexte bien particulier tout comportement qui interfère avec l’authenticité et la collaboration sera perçu comme un obstacle à l’apprentissage du client et devra faire l’objet d’un travail sérieux pour le changer. D’ailleurs, ce protocole très structuré a reçu des résultats empiriques très intéressants en termes d’efficacité.  En ce qui concerne le trouble de personnalité d’état-limite, il s’agirait d’une dysfonction biologique caractérisée par une grande réactivité aux stimuli externes et internes qui déclencherait une forte réponse émotionnelle. Le retour à un état « stable » demanderait un bon délai, ce qui fragiliserait encore plus la personne à faire face à des évènements similaires. Ce trouble est généralement aussi accompagné par une « invalidité » (p.153) dans les trois sphères : émotionnelle, cognitive et comportementale. Enfant, cette personne aurait eu besoin de stratégies supplémentaires pour apprendre à gérer ses émotions, ce qui est rarement le cas. Vite débordé par l’ampleur des émotions exprimées par l’enfant, l’environnement, malgré lui, deviendrait alors invalidant et intolérant à son égard. L’enfant ne pourrait donc pas faire les bons apprentissages pour changer et s’adapter. Ce cercle vicieux entraînerait l’enfant dans la mauvaise direction en accentuant sa détresse, l’expression de ses émotions, la compréhension cognitive de son état et de ses comportements pour demander de l’aide. En intervention, le modèle dialectique permet de travailler sur les paradoxes et les polarités et de voir le processus d’aide comme une succession de cycles qui se créent et se défont pour ensuite se refaire (tension, création, synthèse, nouvelle thèse, nouveau conflit, nouvelle tension). Cela permet aussi de modifier les croyances de la personne. La dialectique mise beaucoup sur la force de la relation thérapeutique pour permettre à l’intervenant comme au client de parler à « cœur ouvert » lors d’impasses afin de trouver des solutions ensemble. Le but ultime de la thérapie est de supprimer les comportements suicidaires et d’automutilation par des apprentissages de nouveaux comportements. Le client apprend donc une meilleure régulation émotionnelle, à tolérer la détresse (nouvelle étiquette cognitive) et à mieux formuler les demandes d’aide avec son entourage. La clientèle état-limite fait parfois partie d’un processus global employant plusieurs professionnels différents, dont un conseiller en orientation.
Le chapitre 9 de C. Pull, Illusion de présence et d’émotions : traitement des troubles anxieux par exposition en réalité virtuelle, permet de se familiariser à la fois avec les différents types de troubles d’anxiété et aussi avec le TERV. Avant les années 90, le traitement des troubles anxieux consistait par une approche pharmacologique et/ou par une thérapie TCC classique. Le traitement pharmacologique était efficace pour le court terme, mais les nombreux effets secondaires lourds le rendait difficile sur du long terme.  L’exposition de type « classique » se faisait en imagination et/ou en situation réelle par exposition. Encore aujourd’hui, l’explosion par imagination est utile lorsque l’anxiété est trop forte et l’exposition in vivo garde toujours une importance capitale pour définitivement  passer par-dessus la réaction de peur. Par contre, la technique in vivo à certaines limites. En effet, elle peut s’avérer très coûteuse (vol d’avion), très difficile à réaliser (insectes rares ou animal moins commun), comporter des risques de sécurité, impliquer l’attention de plusieurs personnes (parler devant une foule) ou tout simplement être non reproductible (post-trauma de guerre). L’imaginaire reste donc la seule solution et son impact est moins efficace. Avec l’arrivée de nouvelles technologies, la TERV a vu le jour. Il s’agit d’un point milieu entre l’exposition imaginaire et in vivo. Produit par un ordinateur, une personne peut donc s’immerger dans un environnement en trois dimensions. Grâce à des commandes, elle peut se déplacer, prendre des objets et interagir avec cet environnement. Cette technologie permet à la fois de contrôler le degré d’immersion (le degré de sollicitation des cinq sens), l’implication (niveau d’attention portée à un stimulus) et le niveau l’illusion ou le sentiment de présence  (perception d’être dans un autre monde). Ces trois concepts vont varier en termes d’efficacité en fonction de neuf autres facteurs. En somme, la TERV offre un spectre très large de contrôle (disponibilité des objets de peur), de réalisme progressif, tout en étant sécuritaire. L’efficacité peut aussi être augmentée par l’utilisation de stimulants cognitifs (D-cyclosérine) qui accélère l’apprentissage de la désensibilisation. Le thérapeute a un rôle très actif d’accompagnement avec le client pour l’aider s’immerger avec plus d’aisance. De nombreux programmes ont été développés en fonction de plusieurs types de troubles (panique, agoraphobie, obsessif-compulsif, phobie sociale, phobie spécifique, etc.), avec différents environnements pour chacun de ces troubles. Très polyvalent, les applications de la TERV vont au-delà des troubles anxieux avec notamment avec les grands brûlés (réduction de la douleur), les personnes dépendantes à des substances addictives (exposition à des scénarios de tentation) et les troubles alimentaires. Malgré tout, certains clients ne vont pas se sentir immergés et d’autres vont vivre un « cybermalaise ». De plus, il est plus difficile pour le thérapeute de bien voir les expressions faciales du client à cause du casque et l’équipement est encore très coûteux. 

4. Pertinence pratique.
Le conseiller en orientation est, avec la loi 21, invité à prendre un rôle beaucoup plus actif avec les troubles mentaux, notamment en intégrant des équipes multidisciplinaires, ce qui représente un défi supplémentaire de formation et de compréhension théoriques. Avec une immense littérature, la question par où commencer est capitale pour à la fois être efficace et sauver du temps. L’ouvrage de Cottraux et de ses associés offre une synthèse intéressante et rapide des modèles d’intervention de la TCC, il ne s’agit pas d’une œuvre complète et aussi poussée qu’un Handbook, mais elle représente une vulgarisation francophone plutôt rare en son genre sur le marché. L’ouvrage à un triple avantage. Ainsi, il est possible de parfaire les connaissances sur le rôle de l’émotion au niveau neurobiologique et cognitif (notamment avec les schémas), de voir la pertinence de ces notions dans les récents modèles cognitivo-comportementaux et finalement en apprendre sur les spécificités théoriques et pratiques d’une clientèle de l’AXE I et II du DSM-IV R avec des appuis empiriques positifs. Le lien dynamique et serré entre émotions, cognitions et comportements est explicitement imagé et décortiqué à travers les différents chapitres. Le rôle de l’attachement et des schémas rappelle l’importance de tenir compte de ces concepts dans un contexte de relation d’aide afin de favoriser une communication optimale et une exploration de soi en toute sécurité. De plus, la présence bien manifeste et le rôle important que jouent les schémas dans une famille sont à prendre en considération avec une clientèle plus jeune accompagnée de parents. L’ACT à l’avantage de présenter comment créer une congruence à moyen et long terme avec les valeurs de l’individu. D’ailleurs, les valeurs sont souvent un point de repère important en orientation. En comprenant mieux les mécanismes d’évitement et des conséquences que cela engendre, il est possible de normaliser la situation d’un client qui vit une tension pour adopter de nouveaux comportements et de l’accompagner vers ce changement. Par exemple, un haut gestionnaire qui découvre que son emploi ne fait pas de sens avec ses valeurs ressentira probablement des résistances à se diriger vers une option congruente. Le conseiller peut alors prendre un rôle plus actif et voir avec lui comment mobiliser ses ressources et cibler les obstacles potentiels afin de passer au travers d’une période d’inconfort et de doute qui exercera une pression pour revenir à un état de confort immédiat, mais non souhaitable à long terme. De plus, l’ACT rappelle que la métaphore agit comme un terrain qui permet la créativité, une protection du « soi » et une emprise cognitive réduite. S’ouvrir à une démarche en counseling de carrière demande bien souvent de passer par des phases d’acceptation, d’user de patience envers les changements, de confronter certains aspects de soi, prendre position et agir avec détermination. La pleine conscience touche directement l’application pratique et concrète de ces éléments. Le conseiller étant lui-même son propre outil de travail, il peut à son tour pratiquer cette technique de façon à mieux intégrer les aspects de bienveillance, d’écoute et d’attention dans le « ici et maintenant ». En ce qui concerne la thérapie de groupe, la structure (métaphores, exercices diversifiés, questionnaire à chaque séance, mélanges de théories et d’exercices) offre plusieurs éléments dynamiques et concrets transférables au counseling de groupe en orientation. Le modèle dialectique remet en question la notion d’acceptation et d’empathie inconditionnelles et mise plutôt sur la grande force de la relation de confiance. Cette notion rappelle l’importance d’user d’immédiateté et de courage dans des moments incertains pour utiliser le « nous » afin de sortir de l’impasse. De plus, ce type de thérapie illustre l’importance du rôle d’un réseau de professionnel pouvant soutenir le conseiller afin qu’il évite le blâme envers soi ou envers le client, un phénomène qui peut survenir aux meilleurs des intervenants. Il va sans dire que de travailler avec une clientèle en santé mentale demande une formation spécialisée et structurée. Cependant, les clients arrivent de divers horizons et ne sont pas tous conscients de leur état. Dès lors, la sensibilité à détecter ces particularités psychologiques sera proportionnelle aux connaissances théoriques et pratiques du conseiller dans ce domaine.

RÉFÉRENCES

J. Cottraux et al. (2007). Thérapie cognitive et émotions : La troisième vague. Issy-les-Moulineaux Cedex : Elsevier-Masson.
Sciences Humaine (2012). Pourquoi est-il si difficile de changer? http://www.scienceshumaines.com/pourquoi-est-il-si-difficile-de-changer_fr_23783.html, consulté le 17/12/2012.
Wikipédia (2012). Jean Cottraux. http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Cottraux, consulté le 15/11/2012.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.