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Le texte qui suit constitue une réponse d'Érick Beaulieu, c.o. à la suite d'un échange réalisé avec Louis Cournoyer, c.o. sur la question du "sens" en orientation et dans sa pratique. Deux documents peuvent donc être consultés préalablement pour mieux saisir la portée du texte qui suit:
Comment peut se comprendre le "sens" en orientation professionnelle ? Essai d'explication
COMMENT SE CONSTRUIT LE SENS ? Proposition d'Érick Beaulieu, c.o.
J'ai compris que ton but était de
décortiquer l'origine du sens orientant. T'as la déformation professionnelle
académicienne, moi celle de praticien.
Mon modus operandi est empirique, donc inductif, et découle de 17 ans de
pratique à traiter QUE des cas de désorientés plus ou moins chroniques, plus ou
moins confus, indécis. D'où la prétention d'en être maintenant un (et on pas
LE) spécialiste. C'est un besoin à priori de sens, ou la souffrance relative
d'en manquer, qui amène tout mes clients à venir me consulter. D'aller en amont
de ce fait-besoin me semble donc être d'un intérêt plus académique ou
philosophique que pratique. C'est un point de départ d'intervention
indiscutable que je n'ai aucun motif à vouloir revoir ou décortiquer en tant
que praticien de l'Orientation.
Mon texte visait donc à démontrer comment le sens se construit à travers une
démarche. J'ai peut-être dévié de ta question, mais pour moi, c'est là que
résidait sa pertinence : pragmatiquement.
Je visais à partager comment l'implication du client dans sa démarche est LE
prérequis à « l'Eurêka orientant », liant le client à une constante
dialectique impliquée : avec lui-même via les objets de travail convenus
et moi. C’est ainsi que je vois mes clients atteindre l’Eurêka orientant dans une
proportion d'au moins 90%.
J'avais le goût de partager le fil
conducteur clé qui permet justement au déclic, au sens, d'aboutir via mon
intervention professionnelle orientante. N’est-ce pas le principal objectif de
départ du client et de notre intervention ? C'est pour ça que je mettais
en parallèle la notion du *sentiment d'efficacité personnelle* (accessoire ou
appui théorique aposteriori parmi d’autres) comme condition clé au déclic
orientant durant la démarche. Autrement dit, l'implication du client
dans sa démarche aboutit favorablement lorsque le conseiller guide son client à
s'engager, se révéler et découvrir sa compétence à faire sens de soi, tout le
long du processus. L’accès à sa conscience réflexive métabolise le sens
intérieur ou intrinsèque, développant son locus de contrôle interne. L'alliance
thérapeutique contribue largement à cette adhésion préalable à la démarche
engageante proposée. S'orienter c'est s'engager. Plus je m'engage en fonction
de ce qui fait sens pour moi, plus je m'oriente. J’ai donc avantage à m’être
pleinement engagé dans ce que je vais offrir au client pour qu’il s’y engage en
retour.
Si le conseiller croit plus ou moins aux paramètres de sa démarche, visant
justement l'éveil ou la consolidation du sens chez son client, il est presque
certain que l'aidé ne vivra pas le déclic désiré durant la démarche. C'est
pourquoi j'insiste tant sur l'importance de travailler à * maîtriser le sens de
son approche * lorsque j'accompagne nos c.o.llègues en supervision clinique.
C'est une condition préalable pour disposer le sens d'engagement du client vers
un projet.
Comment j'imbrique mes outils entre eux vers mon client est LÀ clé didactique
pour permettre "l'apprend'tissage" du sens voulu. Tant que je ne
possède pas ma manière de lier l'attirail technique
d'intervention -vers- mon client, pour qu'il *SE*
l'approprie, il risque fort de sortir de sa démarche rempli, non
construit. Cela se vaut également pour notre parcours académique qui peut
s'avérer un -cul de sac- insensé pour soi, tant qu’on y trouve pas un sens bien
à soi. Le sens est donc fortement redevable à une perspective constructiviste
qui doit se dérouler pendant la démarche. Je vais même jusqu'à dire que cette optique
constructiviste assure, tôt ou tard,
une vie bien orientée, bien au-delà du travail aussi. Mais rien dans notre
système éducatif se prête à une pareille autonomie de la pensée. Une démarche
d'orientation nage donc presque toujours contre un courant de locus de contrôle
externe que le conditionnement académique nous a si bien inculqué.
Ce que je tentais donc d'expliquer est que -la manière- d'amener le client à
*se redécouvrir pour mieux choisir* fait TOUTE la différence entre mobiliser le
déclic (sens) ou croire que notre attirail technique le clarifiera en lui-même
(i.e approche plus technicienne). Introduire une méthodologie qui mise sur une
redécouverte effective du client envers lui-même c'est disposer le déclic de
sens qui le liera ensuite à un projet.
L'autre pan de ma réponse, touchant les variables socio-économiques orientantes
ou pas, visait à démontrer que l'individu à lui seul peut très bien échouer sa
prise en charge orientante si le tissus social ne supporte pas son élan de sens
vers la vie qui l'entoure. L'idée ici n'était pas de faire abstraction de la
réalité du marché du travail et de nos structures de participation sociales en
général, mais de pointer là où elles sont fondamentalement
déroutantes/nuisibles pour la quête de sens. J'amène une critique du paradigme
social actuel parce que je le crois fond-a-mentalement désorientant. La loi
(néo-libérale, capitaliste) du plus fort ne peut être favorable à une culture
sociale orientante pour tous, stigmatisant l’erreur au nom de LA Réussite. On
s’oriente lorsque les erreurs rencontrées sur notre parcours sont perçues comme
une bénédiction révélatrice d’apprentissages à comprendre. Hors, le système
éducatif nous appris à performer en vue de résultats à atteindre. Fuck le
processus, ce qui compte c’est le résultat qui paraît toujours bien ! Cela
est un bêtise pour la quête de sens et le processus qui la supporte. À quand
une culture éducative qui évaluera, valoriserait(!), avant tout la capacité
d’accueillir et d’apprendre de ses erreurs ? Ça changerait le monde dans
lequel on vie.
Je me réfèrerais à l'économiste A. Sen puisqu'il a bien démontré comment un
système économique dicté par le foisonnement des potentialités individuelles
favoriserait une économie
du bien-être. La question à
savoir si l'humain est au service de l'économie ou si l'économie doit être au
service de l'humain est cruciale, mais complètement occultée dans le discours
public, médiatique. Elle pose pourtant l'enjeu d'une civilisation humaniste
(orientante) versus capitaliste ou orientée vers une inéquitable concentration
des richesses où s'Orienter devient le privilège des plus nantis et où la
compétition menant à l’Excellence inspire autant qu’elle stigmatise. Rien pour
améliorer le sort de plus en plus désespérant de notre place sur cette planète
où seule la solidarité d’un maximum de potentiel réunis pourrait rescaper la
situation gravissime qui nous guette.
Vous trouvez ma critique trop abstraite, idéaliste ? Regardez juste comment les
ressources allouées à la culture orientante dans nos milieux de travail sont
toujours en état de famine ! Passer du paradigme de la survie à celui de la
vie, voilà ce qu'un civilisation AU$$I OPULENTE que la nôtre devrait permettre.
Tant que notre monde ne sera pas réorienté en fonction des lois
psycho-écologiques, l'humain continuera
d'orienter sa civilisation à des fins aussi élitistes que déshumanisantes et
l'orientation deviendra toujours plus une question à sens unique, c'est à dire
orientée en fonction d'une logique ou il faudra faire toujours plus avec
toujours moins, en favorisant de moins en moins. L'heure est au réveil
humanitaire. Si on reste engourdis et suiveux de ce "fonctionne'ment"
psycho-socio-économique, le potentiel humain va devenir un luxe de moins en
moins accessible, réservé à l'élite, bafouant
l'entête de notre charte de droits &
libertés. Est-ce à ça que les c.o. veulent contribuer ?!
Ne devrions-nous pas élever notre
énoncé d'utilité sociale au rang d'un serment, assurant l'orientation de notre
engagement professionnel où que nous œuvrons ? L'heure est grave, mais la
grenouille en nous s'adapte et obtempère
à son mal être croissant, insidieusement...
J'exagère encore ? Regardez simplement comment vous acquiescez aux différentes
contraintes organisationnelles qui bafouent parfois (souvent?) votre pratique
dans vos milieux. Après ça on parle d'éthique professionnelle.. Je la vois
plutôt concentrée sur l'organisation de notre "cuisine"
d'intervention et ses outils, au lieu d'aussi assurer le respect de notre
finalité sociale: répondre aux besoins réels d’orientation de nos clients: de
plus en plus menacés par un contexte de ressources limités dans un monde
d'opulence matérielle sans précédent. Trouvez l'erreur…
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Louis Cournoyer, Ph.D., c.o.
Professeur, counseling de carrière
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