lundi 13 octobre 2014

DE LA LECTURE À LA PRATIQUE ... Les langages du corps en relation d’aide (Fanny Smolsky)

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 De la lecture à la pratique ...

Compte-rendu de l'ouvrage 



Barrier G. (2013) Les langages du corps en relation d’aide – La communication non verbale au-delà des mots- Éditeur ESF- ISBN : 978-2-7101-2491-7


Produit par : 

Fanny Smolsky
Finissante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM


Sous la direction : 
Louis Cournoyer, professeur
Université du Québec à Montréal 


N.B. Le texte qui suit peut être téléchargé à partir du site Orientaction à l'adresse URL suivante : CLIQUEZ ICI !




Ce que nous révèle la science sur le langage non verbal en relation d’aide

Ce livre s’adresse à tout professionnel de la relation d’aide, du médecin, personnel de la santé, psychologue, conseiller d’orientation, au travailleur social, etc. Il est évident que la formation que tous ces professionnels entreprennent ne suit pas le même cursus académique et ces derniers n’accordent pas la même importance ou valeur à la notion d’empathie. Les conseillers d’orientation portent une attention significative à la notion de « caring », c’est-à-dire se soucier de l’autre et en prendre soin. Il n’en demeure pas moins qu’il est important en tant que conseiller d’orientation d’actualiser ses connaissances concernant le langage non verbal, car les nombreuses recherches font évoluer la science assez rapidement. Plusieurs informations erronées circulent à ce sujet et sans une mise à jour régulière de nos connaissances en ce domaine, nous pouvons demeurer avec de fausses interprétations. Les informations erronées qui circulent sur le langage non verbal sont, entres autres, que 70% de la communication est fait par le langage non verbal, la réaction des yeux (dilatation de la pupille et clignotement des yeux) lorsqu’une personne ment, etc. Dans une relation d’aide, les deux personnes en relation s’échangent une multitude d’informations par leur voix, leur posture, leur regard, leurs gestes, leurs mots, etc., et tout ceci modifie le sens de la relation. Sommes-nous conscients de toutes ces subtilités?

L’auteur et chercheur Guy Barrier souhaite nous conscientiser à l’importance des signes corporels qui modifient le sens de la relation. Selon lui, il n’est pas toujours évident d’identifier les émotions subtiles d’autrui et nous avons rarement conscience de nos propres signes corporels. Pour cette raison, toute une « dimension cachée » de la communication risque de nous échapper. Cet ouvrage nous sensibilise à la « métacommunication », encore plus ambigüe que les mots et qui influence pourtant notre inconscient.

Le langage non verbal est une science complexe et la lecture de ce livre, vous initiera à toutes les dimensions de celle-ci. Que ce soit en intervention directe ou à distance, en observant le corps (gestuelle, regard, posture, voix, poignée de main, écriture, etc.), en utilisant l’humour, le rire et/ou la musique. Bref, vous pourrez mieux comprendre vos clients, ainsi que vous-même, et enrichir vos interventions en relation d’aide. Le langage non verbal est universel donc applicable à toutes les clientèles. Si vous intervenez avec des personnes immigrantes ou ayant des problèmes de santé mentale, ce livre vous donnera de bons conseils pour intervenir avec eux.


Présentation de l’auteur

Guy Barrier est un expert en analyse visuelle et docteur en sciences de l’information-communication de l’Université Paris Diderot 7, et il est auteur de quatre ouvrages[i]. Ce présent travail porte sur sa dernière publication. Guy Barrier a dispensé des formations en psychosociologie et a enseigné la communication à l’Université de Limoges. Il a contribué à différents programmes de recherche avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Ses sujets de recherche portent sur la façon dont les gestes, modalités expressives du corps, sont pris en compte dans la communication interpersonnelle. Il s’interroge sur la pertinence des signes non verbaux à savoir dans quelle mesure les gestes, les micro-indices corporels sont perçus et éventuellement décryptés. De plus, il est le cofondateur du projet APOGESTE, un groupe de travail soutenu par l’Institut des sciences de la communication du CNRS. Ses plus récents centres d'intérêt sont la communication corporelle et l'empathie et la place qu’elles occupent dans la relation thérapeutique et la relation d’aide. Guy Barrier anime un blogue sur l’actualité scientifique du langage non verbal : http://gestetparaverbal.blogspot.ca/


Compte rendu commenté de l’ouvrage

L’ouvrage compte 205 pages réparties en 7 chapitres. Le premier chapitre permet de mieux comprendre les phénomènes de communication dans l’environnement dans lequel le client est reçu. De l’accueil du personnel administratif aux caractéristiques des lieux en passant par la poignée de main jusqu’à la disposition du bureau, toutes ces facettes communiquent des messages au client. Le deuxième chapitre traite des émotions à partir d’études expertes de la voix, des gestes, des micromouvements et indices oculaires. Tous ces éléments sont des clés d’accès aux émotions du client. Le chapitre 3 aborde la surcharge émotionnelle et la juste distance thérapeutique dans un rôle de relation d’aide où l’équilibre entre prendre soin de soi tout en prenant soin de l’autre est recherché, et ce, en préservant un lien de coopération. Le chapitre 4 aborde la nature de l’empathie ainsi que son importance dans les relations interpersonnelles et la vie professionnelle. Avec la venue des technologies, le contexte de relation d’aide change. Le chapitre 5 nous sensibilise à cet effet à la téléprésence et au rôle du corps lorsque nous travaillons à distance avec un client. Le sixième chapitre aborde l’écriture comme étant l’une des modalités de la communication non verbale. Le geste d’écrire constitue une forme de mouvement expressif et il partage certaines propriétés communes avec la gestuelle en général. Enfin le dernier chapitre (7), porte sur l’humour, le rire, la musique et le rythme qui peuvent aider à réguler le stress, à apaiser les souffrances et parfois à remettre un peu d’humanité dans des processus de relation d’aide.

Le premier chapitre intitulé « L’apparence, la parole et le regard en entretien » met en lumière plusieurs composantes qui ont un impact sur la façon dont le client se sentira et les messages qui lui sont envoyés via le lieu, les gens qui y travaillent, ainsi que le professionnel qui le reçoit (entrée en matière, types de questions, regard, disposition du bureau, etc.). Évidemment, les lieux professionnels qui offrent des services en relation d’aide font souvent face à des clients fragilisés. Certaines personnes faisant partie du personnel responsable de l’accueil ont une façon d’entrer en contact centrée davantage sur la tâche à accomplir et elles sont plus expéditives dans l’accueil et le traitement de la demande. Un style plus relationnel et empathique de la part de la réceptionniste enverra un tout autre message. La disposition de la salle d’attente et son ergonomie peuvent également avoir un impact sur la façon dont le client se sent accueilli.
Lors de l’arrivée du professionnel, le rituel de la poignée de main est modulé selon des paramètres de durée, de distance et de force et il permet de passer d’un mode interpersonnel à une relation en dyade. Évidemment, toutes les sollicitations extérieures à la séance (sonnerie, prise en charge d’un appel non urgent) génèrent des distractions et peuvent avoir des conséquences lourdes à un moment crucial du discours de souffrance, et peuvent offenser le client.
La manière de démarrer un entretien en relation d’aide, de conseil ou de soin varie selon plusieurs modes d’introduction tels que l’entrée en matière participative (impliquer le client par une question ouverte), semi-participative (la plus appréciée, car le professionnel prend l’initiative des premiers instants et fait allusion à la date et au contenu de la dernière rencontre), ou l’entrée socialisante (le professionnel manifeste un intérêt pour la personne par la question « Comment ça va? »). Les questions sont des alliées pour créer une dynamique et jouer un rôle catalyseur d’échanges et de va-et-vient constants entre les partenaires. Plusieurs types de questions devraient êtres utilisées : rituelles ou socialisantes, questions relais, question sous forme « pourquoi », questions invitant à préciser le sens d’un mot ainsi que les questions au bénéfice d’une certaine rhétorique. Les questions peuvent alimenter la discussion, mais elles peuvent également appauvrir le partage ou être perçues comme inquisitrices, d’où l’importance de choisir le bon moment psychologique.

Le regard est un mode de contact très important. Un regard chaleureux permet à la personne d’entrevoir l’estime bienveillante qui lui est portée et est interprété comme un signe d’engagement.

La disposition du bureau où l’ordinateur n’est pas entre le professionnel et le client est plus optimale, car elle ne « bloque » pas la conversation et évite de détourner l’attention vers l’écran. Lorsque le professionnel se tourne vers son écran, ceci peut être perçu comme un signe de désengagement.

Ce premier chapitre est un bon rappel d’éléments facilement contrôlables qui influenceront positivement l’accueil et le sentiment de « bien-être » des clients. Ce chapitre nous fait également prendre conscience de l’importance de maintenir un regard critique sur son environnement et sa pratique et de faire preuve d’empathie à l’égard du client afin de ne pas perdre de vue son expérience vécue. Notre environnement de travail communique des choses à nos clients, en sommes-nous conscients et si oui, en sommes-nous fiers?

Le chapitre deux intitulé « La sémiologie du corps dans les interactions » aborde le non verbal de façon plus intégrale. La reconnaissance des émotions du visage est parmi tous les signes corporels le domaine qui a été le plus documenté par les travaux de recherche. L’auteur parle du « Facial Action Coding System (FACS) » de Paul Ekman qui est une référence universelle où les activités musculaires du visage (mouvements, contractions, plissements) ont été converties sous forme d’unités minimales. Il y a trois zones dont la partie supérieure (sourcils, front, mouvement oculaire) qui est le lieu d’inscription des signes cognitifs, dont l’attention, la concentration, la réflexion, l’accès à la mémoire, la difficulté de compréhension, etc. La partie inférieure du visage renseigne davantage en « lecture rapide » sur certains stimulus affectifs tels que la surprise, la tristesse, le dégoût, la peur, etc. La troisième zone consiste en l’analyse des unités faciales qui sont aussi interprétées en fonction de paramètres de durée, d’intensité et d’asymétrie. Plus de 400 combinaisons possibles sont localisées dans les parties du visage.

Dans une perspective psychosociale, les paramètres qualitatifs de la voix (vitesse, fréquences intonatives, volume, articulation, etc.) permettent d’identifier des intentions destinées à influencer le récepteur telles que : l’argumentation, la confidence, le reproche, l’explication, la requête, etc. Parmi l’ensemble des indices non verbaux, la voix permet d’interpréter avec une grande précision les affects de l’émetteur.

Un autre sujet abordé dans ce chapitre concerne le non verbal des personnes dépressives : la gestuelle est typique et reconnaissable, car la personne est très inhibée en entrevue au lieu d’être impliquée ou réactive, et avec une tendance à se tenir en retrait, affaissée sur sa chaise, bras croisés et jambes repliées. Tous les gestes communicatifs et expansifs sont absents, le regard mutuel est assez mal accepté et la personne peut même détourner son tronc de quelques degrés afin de ne pas regarder l’autre en face. Tous ces signes du corps et plusieurs autres peuvent aider à détecter la dépression.

Les situations génératrices d’anxiété, de tension ou d’embarras sont typiques dans tout entretien d’aide et sont communiquées par le corps. En principe, lorsqu’une personne est embarrassée, elle effectue peu de gestes illustratifs ou expansifs, sa gestuelle est plutôt réservée.

L’auteur démontre en exposant plusieurs recherches que la réaction de la pupille de l’œil (pupille qui grossit lors d’émotion positive et rapetisse dans le cas inverse) n’est pas tout à fait vraie. Il semble plus juste d’affirmer que c’est l’intensité de l’émotion ou de la sensation qui gradue cette dilatation, en dehors du fait qu’il s’agisse de joie, de peur, etc. Pour ce qui est du clignement des yeux, il se manifeste souvent en anticipation de l’effort cognitif, puis à nouveau après cet effort, comme mode de récupération. Ces signes ont été testés parmi la gamme des nombreux indices, corporels et vocaux, alloués à la détection du mensonge.

Ce chapitre éclaircit certains mythes par rapport au langage non verbal comme la dilatation des yeux et le clignotement des yeux. La science du non verbal évolue rapidement et les professionnels en relation d’aide peuvent grandement bénéficier de ce type de lecture dans leur carrière afin de suivre les développements et ainsi ne pas demeurer avec de fausses perceptions. Par contre, il est plutôt difficile de maîtriser tous les signes de reconnaissance du visage de la théorie du FACS étant donné qu’il existe plus de 400 combinaisons possibles et qu’il faudrait alors suivre plusieurs formations afin d’être en mesure de saisir toutes les subtilités que le corps nous communique.

Le chapitre 3 intitulé « Surcharge émotionnelle et juste distance thérapeutique » nous conscientise au fait que lorsque l’on prend soin des autres, il est important de prendre soin de soi également. Toutes les pratiques de la relation d’aide sont exigeantes au point de vue du niveau d’énergie et de la motivation. Les professionnels sont mis en présence d’émotions d’une grande intensité et parfois d’une certaine violence. Les intervenants font face à divers types de clients qui pour certains, ils se doivent d’être sans faille et toujours disponibles.

L’auteur sensibilise aux théories de l’esprit communément appelées « l’attribution d’états mentaux » à autrui. Le récepteur peut interpréter comme volontaire un geste qui ne l’était pas comme le serait un lapsus. À l’inverse, il peut ressentir comme une simple manifestation somatique, non préméditée, un signal volontaire tel que tapoter des doigts, qui est pourtant destiné à instaurer de la distance. L’émetteur du geste peut être tout à fait inconscient ou au contraire, il peut l’utiliser délibérément pour contrôler la situation. Plus généralement, une partie des problèmes de communication, malentendus, attributions d’intentions et difficultés relationnelles naissent à cause de la subjectivité partagée ou intersubjectivité. Aucune expression non verbale comme un regard ou une intonation de voix n’est écrite dans un code et pourtant elle est interprétée (avec plus ou moins d’adéquation). L’émission du signe peut être volontaire ou involontaire du point de vue de l’émetteur et la réception peut être consciente ou inconsciente de point de vue du récepteur.

L’ironie est un paradoxe du langage qui oblige le destinataire à interpréter les choses au second degré. Le ton de voix, l’accentuation d’insistance, la pente vocale ascendante et l’accent tonique font fonctionner la phrase comme une antiphrase. Le soupir relève ainsi du non-dit et permet d’éviter de dire ce qu’on pense tout en signifiant tacitement son désaccord, son désintérêt, son désengagement, voir même son animosité. La multiplication de ces signes contribue à l’épuisement moral et professionnel et ils ne permettent pas toujours au destinataire de répliquer sur le même registre.

Ce chapitre est un bon rappel d’éléments à prendre en considération pour tout professionnel de la relation d’aide, car il permet de mieux comprendre les attentes que les clients ont envers nous et les effets que cela peut avoir sur certains d’entre nous. Il réitère l’importance de prendre soin de soi avant de prendre soin des autres. Même si en orientation, il y a rarement des cas aussi lourds qu’en médecine, tels que l’annonce d’une maladie, les attentes de résultats sont présentes et les clients nous transmettent une multitude de messages par leur non verbal. Il est important pour notre propre santé mentale de créer une distance, surtout lorsque l’on est au début de notre carrière étant donné que nous sommes en construction de notre identité professionnelle, tout en demeurant empathique.

Le chapitre 4 intitulé « L’empathie une proximité à distance » définit l’empathie comme étant une continuité qui oublie le dualisme entre soi-même et autrui, et qui permet de participer à l’activité interne grâce au mouvement expressif, lequel reflète ses propres états mentaux. L’empathie est donc en partie liée avec l’intuition, d’une certaine façon elle est aux affects ce que l’intuition est à la cognition.

L’empathie est souvent divisée en 4 dimensions : empathie affective (capacité d’imaginer et de partager les sentiments d’autrui), empathie morale (avoir toujours à l’esprit le bien de son client), l’empathie cognitive (capacité à reconnaître et comprendre les émotions) et l’empathie comportementale (savoir transmettre clairement cette compréhension).

Selon Rogers, l’empathie consiste à se mettre à la place de l’autre et à tenter de voir le monde tel qu’il le voit, qu’il s’agisse de ressentis affectifs ou représentations, idées, valeurs, éthiques, etc. Selon Rogers, « Les personnes ont en elles de vastes ressources pour se comprendre et changer de manière constructive leur façon d’être et de se comporter ». Les modèles d’entretien de la relation d’aide sont fortement marqués par cette philosophie non directive adossée à l’acceptation positive inconditionnelle et à une culture de l’authenticité, dite congruence. Congruence entre les paroles adressées au client et le ressenti qui les accompagne. Celui qui aide installe une modalité particulière d’écoute impliquant une qualité de présence, couplée à des silences attentifs où l’observation l’amène à faire des reflets et des relances. Il s’agit d’une manière sensitive de formuler des invitations à reprendre la parole et à poursuivre à l’aide de questions ouvertes, encouragements, onomatopées d’acquiescements, paraphrases en miroir. L’art de cette pratique est d’éviter l’interprétation hâtive en amplifiant ou éliminant certains faits. Ceci permet de comprendre le client non pas depuis son propre cadre de référence, mais plutôt depuis celui de son client. Il démontre qu’il se représente ce que le client ressent ou pense et qu’il comprend son point de vue sans le critiquer ni forcément l’approuver explicitement. Le modèle de Rogers met l’emphase sur le fait que les pensées, sentiments ou difficultés ne deviennent pas les nôtres.

Un autre sujet abordé dans ce chapitre est celui de l’alliance thérapeutique qui est un processus par lequel le client et le thérapeute expriment cognitivement, affectivement et au niveau comportemental, leurs accords et désaccords quant aux buts de la thérapie et quant à son déroulement. Elle suppose de ce fait un certain partage des décisions, voire même de certaines connaissances et responsabilités.
La synchronie interactionnelle qui est une tendance naturelle à modéliser inconsciemment les attitudes corporelles d’autrui dans le dialogue a une valeur ajoutée en séance. Chaque initiative corporelle d’un acteur induit des ajustements de son interlocuteur, tels que des synchronisations ou des jeux d’opposition. L’intervenant va modifier son comportement en adéquation avec son client : la voix s’accorde en intensité et vitesse, le répertoire mimique, le tonus, la posture peuvent s’accorder inconsciemment. L’école de Palo Alto parle de la synchronisation croisée qui dit que si l’interlocuteur croise les bras, croisez les bras. Ces stratégies ont pour but, en modélisant la respiration, les rythmes et postures d’autrui, de partager un sentiment de ressemblance proche de l’empathie et d’exercer une certaine influence sur lui au-delà des mots. La personne mimée par le communicateur expert ressent en face d’elle une sorte d’alter ego qui donne confiance.

Je crois que ce chapitre est plus intéressant pour les professionnels en relations d’aide où les notions d’empathie ne font pas partie de leur cursus académique. Par contre, il est toujours intéressant de comprendre comment le concept de l’empathie a évolué au fil des ans et de sa place dans la notion de prendre soin de l’autre.

Le chapitre 5 intitulé « Téléprésence et rôle du corps » aborde le sujet de la téléprésence, la venue des nouvelles technologies qui impacte l’intervention, car elle peut se faire à distance. La relation médecin-patient a évolué depuis quelques décennies avec l’éthique et le droit du malade, car ce dernier aspire à être reconnu. Même si du chemin a été parcouru, il n’en demeure pas moins qu’il est parfois difficile pour de nombreux médecins de se mettre à la place du patient, bref de gérer leurs angoisses. Bien qu’il soit impliqué par sa mission dans une relation d’aide, le médecin (non psychiatre) est généralement plus à l’aise devant une information qui porte sur des données objectives, donc une parole d’expert centrée sur des faits empiriques et moins en ce qui touche les préoccupations subjectives de nature psychologique : risque, image de soi, angoisse, etc. Donc, dans un contexte où l’empathie a déjà du mal à s’enraciner, la téléconsultation médicale implique encore davantage de compétences en communication.

Pour faciliter la communication verbale et non verbale, l’auteur nous rappelle l’importance des contingences techniques telles que la qualité de l’imagerie et de débit, l’angle de la perception, le modèle de cadrage, le contraste, la résolution et la qualité acoustique pour favoriser la communication entre deux personnes à distance. En effet, un problème technique de quelques secondes peut avoir un impact quant à la compréhension de ce qui est transmis au professionnel.

Une section du chapitre est consacrée à l’importance des gestes, car certains mots sont polyvalents ou ambigus donc les signes (ou gestuelle) permettent à la personne de compléter ou contextualiser le sens de ce que l’autre exprime. Pour que le récepteur lui attribue une présomption de pertinence, le geste doit se détacher du flux comportemental et répondre à un critère de visibilité. Cette visibilité sera généralement liée à la force de son intention, à sa durée, son intensité, sa soudaineté, son amplitude, sa rapidité et sa répétition insistante.

Le canal visuel et acoustique de la vidéo renforce la nécessité d’accéder aux gestes d’autrui. Elle exige une plus grande attention aux indices fournis par l’interlocuteur qui lui fait face, à commencer par le contrôle de son propre comportement d’écoute et sa présence attentive. Le corps du thérapeute lui-même exerce une fonction de signal : véhiculer les accusés de réception dont le patient a besoin pour se sentir compris, signifier les marques d’empathie qui le réconfortent, marquer corporellement des attitudes plus investigatrices qui l’invitent à aller plus loin. C’est le processus de transfert et d’alliance qui est impliqué dans le corps à corps thérapeutique. La distinction existant dans la communication à distance est que les perceptions interpersonnelles et actes de dialogue sont modifiés ou dénaturés. En effet, des signes conversationnels comme des hochements de tête, regards, marques d’attention de prise de parole sont souvent moins perceptibles qu’en personne. Le professionnel doit donc remplacer par des mots certains éléments qui, en présence, sont assumés par le corps. Des éléments tels que « Je vous écoute » ou « C’est à vous… » sont plus explicites.

Fait étonnant, la télépsychiatrie obtient des résultats concluants, car, selon maintes analyses, celle-ci permet d’aboutir à un diagnostic efficace en matière de symptômes dépressifs, anxieux ou psychotiques. Les patients déclarent sentir une plus grande liberté de mouvement, un sentiment d’espace personnel propice à une meilleure spontanéité verbale et ils se sentent moins stigmatisés que d’aller consulter en personne. Par contre, la télépsychiatrie ne fonctionne pas bien avec des cas plus lourds tels que les bipolaires et les schizophrènes, etc.

Ce chapitre est très intéressant, car la téléprésence fait de plus en plus partie de la nouvelle réalité des intervenants et amène son lot de changements dans la relation d’aide. Peu de formations sont offertes afin de sensibiliser les professionnels. Il existe plusieurs trucs intéressants, présentés dans ce livre, quant à la façon de procéder et des éléments à prendre en considération en vue d’offrir un excellent service à distance.

Chapitre 6 intitulé « Le geste d’écrire, une modalité expressive et cognitive ». Selon l’auteur, l’écriture est une modalité expressive du corps, mais aussi une trace du corps en mouvement qui peut être archivée plus facilement que le geste et varier selon différentes humeurs ou moments de la journée. Les gestes du scripteur peuvent varier selon le contexte affectif ou cognitif, montrant un large spectre d’indices d’éléments latents ou de freinage, d’inhibitions, de raideurs, de mouvements régressifs, trous et ruptures de continuité.
Selon l’auteur, il est dommage que la graphologie se soit aventurée sur un terrain risqué, en effectuant des liens entre relations de type caractérologique et personnalités, car nous gagnerions à explorer cette science graphologie. Nous pouvons découvrir dans l’écrit des décharges motrices significatives ainsi que des dérapages « actes manqués ». De plus, selon l’humeur, le geste et l’écriture peuvent montrer plus ou moins de dynamisme, de tonicité, d’expansivité, de crispation ou de tension.

Même s’il y a peu d’études entre écriture et stress, tous les résultats sont convergents. En effet, l’écriture peut être un indicateur précis de tensions internes. Plusieurs liens peuvent être faits entre écriture et mensonges, écriture et états suicidaires, de même qu’avec l’alcoolisme. De plus, l’écriture ainsi que des dessins géométriques permettent de diagnostiquer une grande variété d’apraxies ou troubles neurologiques, car des modifications de la structure d’écriture, micrographies, dysgraphie sont alors identifiées. L’écriture est donc un outil dans le domaine de la santé mentale qui permet de détecter des pathologies, de suivre l’évolution du patient, de comprendre les effets des antidépresseurs sur la motricité et d’évaluer les effets lors d’un traitement, etc.

Malgré le fait que le contenu de ce chapitre soit intéressant du point de vue de la culture générale, il apparaît moins applicable dans le domaine de l’orientation. Les conseillers d’orientation n’ont vraiment pas le temps d’analyser les distinctions dans la façon d’écrire du client, mais dans le doute, face à un client qui agit différemment, cela peut être un outil pour détecter des signes de dépression, détresse psychologique, etc.

Le chapitre 7 intitulé « L’humour, le rythme et l’art-thérapie » aborde le rire comme étant une forme de communication non verbale. Le rire est un puissant moyen de distanciation et Freud notait l’humour comme un mécanisme de défense contre la souffrance.

L’humour peut être un allié thérapeutique, car en plus de dédramatiser, il est un médiateur efficace qui permet de capter l’attention, d’intéresser, de mieux réunir autour d’un objectif. Même dans des stratégies de confrontation à des résistances, il permet de faire dévier la conversation. Le rire bouscule, crée de la discontinuité et de la surprise et grâce à la créativité qu’il met en œuvre, il ouvre de nouvelles fenêtres sur des opinons et perspectives. L’humour est une technique de recadrage du sens, une façon d’amener le client à considérer les choses autrement. Tout en étant provocateur, l’humour dit les choses de façon tellement subtile qu’elles deviennent acceptables. L’humour fait partie des moyens mis à la disposition du thérapeute pour aiguiser la prise de conscience chez le client.

Le deuxième élément abordé dans ce chapitre concerne les effets de la musique, car elle exerce un effet sur nos perceptions de l’environnement, notre sensation du temps, sur nos humeurs du moment, mais aussi sur notre santé, notre motivation, niveau de stress, etc. Le rythme peut agir sur nos horloges internes et modifier notre échelle subjective du temps. La musique peut avoir un effet bénéfique sur la gestion du stress. Les impacts neurophysiologiques de la musicothérapie s’exercent à la fois sur les composantes physiologiques, cognitives, affectives et comportementales. La musicothérapie peut avoir des effets substitutifs aux médicaments dans des domaines comme la gestion des émotions, la réactivation de compétences cognitives, la santé mentale ou le sommeil. De plus, elle joue un rôle d’adjuvant aux médicaments contre la douleur.

Ce chapitre est très éclairant quant à la façon d’utiliser le rire et l’humour qui somme toute sont des approches très bénéfiques pour mettre en lumière des incohérences et des croyances. Les bienfaits sont considérables, car le rire permet d’ouvrir des portes et de faire ressortir des constats. La deuxième moitié du chapitre traite de la musique, qui à mon avis est moins pertinente en orientation. La seule valeur ajoutée pourrait être d’informer les clients nerveux des bienfaits de la musique et/ou de la musicothérapie lors de situations angoissantes en vue de les apaiser.

Pertinence pratique

L’ouvrage de Guy Barrier portant sur le langage non verbal en relation d’aide gagne à être connu pour tout professionnel en orientation. Le livre couvre le langage non verbal sous toutes ses formes, et ce, autant du point de vue de l’intervenant que du client. Ce qui est fascinant c’est que le langage non verbal est universel et donc pratique pour tout type de clientèles que nous sommes amenés à rencontrer telles que des adolescents, adultes, personnes d’ethnies différentes, personnes souffrant de problèmes de santé mentale, etc. De plus, le langage non verbal est présent dans tous les types d’intervention que ce soit en rencontre individuelle (face à face ou téléprésence) qu’en groupe.

Lors des rencontres de counseling, nous devons explorer les manifestations cognitives, affectives, comportementales et somatiques présentes chez notre client donc une bonne connaissance du langage non verbal est évidemment fort utile pour aider à faire ce travail. Le cognitif est transmis par la partie supérieure du visage tandis que l’affectif est transmis par la partie inférieure du visage. Les aspects comportementaux et somatiques seront transmis par la gestuelle et la posture, donc davantage au niveau du corps.

De plus, lorsque nous effectuons des reflets, nous devons les faire à partir de ce que nous dit le client, mais aussi à partir de la façon dont il le communique. Encore une fois, une meilleure connaissance du non verbal améliore nos interventions. Y a-t-il une dissonance ou une concordance entre ce que le client me communique et son langage non verbal? Si oui, cette dissonance devrait être mise de l’avant par les reflets.
Il peut être très pertinent d’observer et analyser le langage non verbal lorsque nous utilisons des exercices faisant appel à la créativité par exemple; le dessin systémique, le « mindmaping », la carte de projection, etc. Étant donné que nous sortons notre client du mode échange (plus pragmatique), le non verbal du client risque d’être beaucoup plus naturel.

En résumé, la force de ce livre réside en son côté scientifique du langage non verbal qui est grandement documenté et qui permet de se rendre compte de toute la complexité de ce langage en relation d’aide. Ce livre fournit en effet de précieuses indications et constitue une référence pertinente qui peut faciliter le travail du conseiller d’orientation.





Bibliographie


Guy Barrier - recherches en communication gestuelle et analyse visuelle [i] http://barrier.guy.free.fr/


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